Seconds vins de Bordeaux : les cadets prennent du galon
Ces flacons profitent des sélections drastiques pratiquées sur les grands vins. Les meilleurs ont leur place en cave
Avec plus de merlot, ils sont plus séduisants
En une trentaine d’années, ils se sont imposés dans le paysage viticole bordelais. Les “seconds vins”, dont le boom remonte aux années 80, attirent de plus en plus d’amateurs qui voient en ces bouteilles une manière accessible de pénétrer dans l’univers des crus classés. Ils sont aussi destinés à être bus plus rapidement, permettant d’attendre que leurs grands frères aient atteint leur maturité.
Dès le début du XXe siècle, plusieurs châteaux commencent à proposer cette “seconde étiquette”, moyen habile de valoriser les lots écartés de l’assemblage du grand vin (jeunes vignes, parcelles moins qualitatives, raisins manquant de maturité…) et traditionnellement vendus à bas prix au négoce.
Les châteaux Pichon Longueville Comtesse, Margaux et Léoville
Las Cases sont ainsi les premiers à présenter ces cuvées au profil plus immédiat, gourmand et surtout moins chères. Au fil des décennies, la quasi-totalité des crus de Bordeaux succombe à cette tendance que le public accueille avec enthousiasme.
MEILLEURS QUE LES GRANDS D’HIER
La révolution qualitative des vins de Bordeaux ces dernières années, portée par l’amélioration des techniques viti-vinicoles et la modernisation des outils de production, a profité aussi à ces seconds vins. Si l’on ajoute la multiplication des grands millésimes et une sélection de plus en plus drastique pour élaborer le grand vin – et donc le déclassement de lots de plus en plus qualitatifs –, les seconds ont, mécaniquement, beaucoup progressé.
Il n’est ainsi pas exagéré d’affirmer qu’un second vin issu d’un grand millésime comme 2009, 2010, 2015 ou 2016 est meilleur que ne l’était le grand vin d’un “petit” millésime des années 90. C’est le cas par exemple des Tourelles de Longueville, de La Dame de Montrose, du Petit Lion du Marquis de Las Cases ou encore d’Alter Ego de Palmer.
Vendus parfois très chers (lire l’encadré p. 55), les seconds vins viendraient-ils mordre sur les plates-bandes de leurs illustres grands frères ? Pourraient-ils eux aussi vieillir longuement, exprimant alors une authentique personnalité ? Pour savoir ce dont ces cuvées sont capables face au temps, nous avons demandé à tous les crus classés de 1855 de nous présenter deux bouteilles de leur second vin, issues de millésimes antérieurs à 2014.
La part de merlot est généralement plus élevée dans le second vin, ce qui les rend plus séduisants dans leur jeunesse. La grande majorité d’entre eux se dégustent très bien entre deux et cinq ans d’âge. Pour autant, le résultat de cette dégustation va au-delà de nos attentes. De nombreux flacons nous ont bluffés ; certains sont parfaitement aptes à vieillir au-delà de dix ans dans les grands millésimes. Ainsi, les 2005, 2009, 2010 sont encore en pleine forme, et les 2015 et 2016 seront, eux aussi, capables d’affronter une longue garde. Les seconds vins ne sont plus aujourd’hui des cuvées “gadget”, mais des crus à part entière qui ont leur place dans les caves des amateurs.
CONDITIONS DE DÉGUSTATION
Les vins ont été dégustés par Olivier Poels en décembre 2020, cru par cru. Plusieurs châteaux n’ont envoyé qu’un seul millésime ; certains n’ont pas souhaité présenter leur vin, estimant qu’il n’était pas élaboré pour la garde. Plus étonnant, le château Lafite Rothschild n’a pas présenté les Carruades.