La truffe ensorcèle Bordelais et Ligériens
À l’instar des domaines du Sud-Est, des dizaines de propriétés de l’Ouest viticole créent des truffières. Il faut dire que vin et truffe font bon ménage.
Après le french paradox, le Covid paradox ? Des chercheurs de l’Université de Caroline du Nord (*) ont démarré l’année en fanfare avec la publication d’une étude démontrant les paradoxales vertus de certains polyphénols (molécules anti-oxydantes très présentes dans les végétaux) dans la lutte contre la maladie.
Selon cette équipe américaine, des extraits de plusieurs aliments ou boissons comme le cacao, le vin, le raisin de table ou le thé vert auraient freiné en laboratoire la contamination de sujets humains par le SRAS-COV-2. Explication : deux types de polyphénols – flavanols-3-ols et proanthocyanicides pour les spécialistes – seraient à l’oeuvre dans ce processus. Capables de se fixer comme des teignes à une enzyme de notre satané virus, ce qui ralentirait automatiquement la fixation de celui-ci sur les cellules humaines.
Hélas pour De-Yu Xie et Yue Zhu, auteurs de l’étude, les expériences ont été menées in vitro et n’ont pas consisté à déboucher de bonnes bouteilles de vins français (accompagnées d’un peu de chocolat noir) pour en mesurer directement les effets sur le corps humain. Mais cela pourrait venir !
(*) Department of Plant and Microbial Biology, North Carolina State University,
Raleigh, NC, United States
Le vin serait-il l’antidote contre le Covid-19 ?
En ce début d’année, le flair de la jeune cocker Iris est mis à rude épreuve. « Je la sors deux fois par semaine minimum, la saison a démarré tôt, on risque de finir début mars », explique Patrick Dorneau, qui est aussi… exploitant du château La Croix à Fronsac. Un passionné du diamant noir, mais aussi commerçant avisé : « Normalement, en début d’année, j’ai des groupes de touristes ou de professionnels, je les emmène caver (chercher des truffes, ndlr), puis je les initie au mariage entre vins de Bordeaux et truffes râpées sur des tartines », relate celui qui est devenu président du jeune Syndicat des trufficulteurs de Gironde.
LA GIRONDE, FOLLE DE TRUFFE
Depuis dix ans, une centaine de propriétés bordelaises se sont lancées dans la truffe. Rien qu’à Fronsac, une dizaine a planté (Coustolle, La Valade, Clos du Roy…). À Saint-Émilion où un marché du samedi matin a été créé, des stars locales s’y sont mises : Pavie, Fonplégade, Angélus, Larcis-Ducasse… Le syndicat girondin signale une accélération des adhésions depuis trois ans, même s’il faut compter une décennie pour qu’une truffière produise régulièrement.
« Elle constitue une offre oenotouristique singulière, cela m’a apporté beaucoup plus de visiteurs qu’auparavant », dit Patrick Dorneau. « C’est le mariage idéal : dans les deux cas, on vend du rêve », surenchérit Henri Parent (château Le Gay), qui a financé la plus grande truffière du proche Périgord (Domaine du Grand Merlhiot) avec la volonté de développer des synergies entre grands vins et truffes.
AU PAYS DE RABELAIS
Le même phénomène est en plein développement sur la limite nord de production : la Loire. Autour de Chinon, un Syndicat de la truffe rabelaisienne a été créé en 2015 et embarque avec
Vigneron à Fronsac, Patrick Dorneau est aussi le patron du Syndicat des trufficulteurs de Gironde.
lui nombre de vignerons. Michèle et Bertrand Couly (Couly-Dutheil) ont planté une centaine de chênes et emmènent leurs visiteurs “caver” à la saison creuse. Matthieu Baudry (Domaine Bernard Baudry) a planté sa truffière pour travailler les accords entre truffe et vieux chinons. Étienne de Bonnaventure (Château de Coulaine) a carrément planté des chênes entre ses rangs de vigne.
Toutes ces pratiques sont évidemment inspirées des pionniers du Sud-Est notamment dans le Luberon, le Var et dans toute la Provence, où marier truffe et vin sur une même propriété est naturel. Les vignerons de l’Ouest les appellent d’ailleurs régulièrement pour recueillir leurs bons conseils.