Dans le Vaucluse, la redécouverte des cuves rupestres clandestines
Les beaux jours conduisent les randonneurs à sillonner les sentiers de notre pays. Pour les marcheurs amoureux des vins, les Côtes du Ventoux et du Luberon, en Vaucluse, offrent la possibilité d’admirer des vestiges archéologiques insoupçonnés : fouloirs et cuves vinaires rupestres creusées à même la roche. On doit la découverte de plus de 80 de ces antiques installations à Michel Bouvier, un scientifique passionné de constructions en pierres sèches et de vinification ancienne devenu un expert reconnu, auteur de nombreux ouvrages sur l’histoire du vin.
ENFOUIES, ENVAHIES D’HERBES…
Alors qu’il séjournait dans la région de Cabrières-d’Avignon, depuis 1987, Michel Bouvier a recensé, dans un périmètre allant de Venasque à Bonnieux, une quantité impressionnante de cuves vinaires rupestres, enfouies, envahies d’herbes, effondrées, dont certaines liées à un fouloir. L’ensemble de l’installation était souvent protégé d’une borie, petite hutte ronde en pierres sèches.
Le vallon de Carroufra, près de Venasque (photo), recèle quelques-unes de ces cuves.
Avec l’aval du Service régional de l’archéologie à Aix-en-Provence et dans le cadre d’une mission visant à dater les cabanes en pierres sèches du département, notre expert a réalisé que pour connaître l’âge de construction de la borie, il lui serait plus aisé de parvenir à dater la cuve vinaire par sa forme et son environnement et, par conséquent, le bâti en pierre qui l’abritait. Ainsi, les cuves ont été classées en deux catégories : les cuves creusées, d’un diamètre moyen et d’une hauteur identiques (1,60 m) pour un volume constant (3,14 m3) et de datations variées ; les cuves construites, précisément datables entre le XVIe et le XVIIe siècles car à partir du XVIIIe siècle, elles ont été recouvertes de carreaux vernissés.
DES INSTALLATIONS CLANDESTINES
Ces installations de vinification situées à l’extérieur des villages et parfois éloignées du vignoble étaient selon l’écrivain Jean-Pierre Saltarelli, historien des vignobles du Rhône, plus ou moins clandestines afin d’échapper au souquet, une taxe sur le vin vendu dans les auberges.
Michel Bouvier a également participé jusqu’en 1993 à plusieurs chantiers de fouilles dans la région d’Apt. Sa conclusion quant aux datations des cuves rupestres creusées tient pour une part à la présence, au fil des siècles, de la vigne dans le Vaucluse. Il rappelle qu’en 1471, c’était le désert dans les campagnes et que la vigne apparaît avec la création des vignobles de Châteauneuf et de Sorgues, due à l’arrivée des papes en Avignon. Le vignoble d’alors, bien que de qualité, est modeste (8 ha pour Châteauneuf) ; il faut donc chercher l’origine des cuves creusées avant le XIVe siècle, entre la période gallo-romaine et le début du XIVe siècle.
Vous pouvez découvrir quelquesunes de ces anciennes cuves rupestres à Venasque dans le vallon de Carroufra, au lieu-dit La Lauze, à Saumane-deVaucluse dans le vallon de Vignerme, à Gordes, au lieu-dit Les Savournins Bas, à Ménerbes au lieu-dit Les Hauts Artèmes ou à Bonnieux en son enclos des bories. À tous, belles balades !
Pour en savoir plus :
Cuves vinaires rupestres en Vaucluse, Michel Bouvier, Archipal n° 27, Apt, 1990 Cuves vinaires dans la région d’Apt, Michel Bouvier, Archipal n° 35, Apt, 1994 Le Vin, une histoire revisitée, Michel Bouvier, Éditions EMCC, 2013
Les Côtes du Ventoux, origines et originalités d’un terroir de la Vallée du Rhône,
J.-P. Saltarelli, Éditions A. Barthélemy, 2000