Laurent Vaillé : l’unique
Dans la geste contemporaine du vignoble languedocien, il aura été le seul vigneron capable de créer un cru spéculatif, avidement recherché par les amateurs et les collectionneurs dès le premier millésime, 1992. Laurent Vaillé s’en est allé, à seulement 57 ans. Une esthétique claire, deux vins, un rouge et un blanc, une adhésion stricte à son terroir (celui des Brousses à Aniane), une défiance des contraintes collectives comme de la médiatisation : le considérant en gardant ses distances, l’homme était en avance sur son temps ! Sa culture était celle des grands vins ; c’est sans doute ce qui lui a permis de faire la différence dans cette nouvelle frontière qu’était (qu’est toujours) le Languedoc. Une bouteille vide d’un grand millésime de Rayas (je ne me souviens plus lequel, 1961 peutêtre), l’iconique châteauneuf de la famille Reynaud, veillait stratégiquement sur sa cave, telle une statue tutélaire. Si depuis trente ans des vignerons et vigneronnes inspirés ont inventé de nouveaux archétypes de grands vins languedociens, aucun n’aura développé l’aura de désir et de mystère qui entoure les vins de Laurent Vaillé. Puisse son exemple continuer à féconder ce vignoble, qui au coeur même de grandes vicissitudes n’en finit pas de renaître.