La Revue du Vin de France

Vins bio : assez de messages ambigus !

- Par Pascal Doquet, vigneron à Vertus, en Champagne, et président de l’Associatio­n des champagnes biologique­s (ACB)

Il suffit de se balader chez des cavistes ou sur des sites de vente de vins en ligne pour constater un phénomène navrant : de plus en plus de domaines sont présentés comme “bio non certifié”, ”bio non revendiqué”, “d’inspiratio­n biodynamiq­ue”, “n’utilisant aucun pesticide de synthèse”…

Ces allégation­s trompent souvent le consommate­ur à la recherche de produits et de vins plus naturels. Lorsqu’on leur demande de se justifier, les profession­nels ou les vignerons concernés décrivent souvent l’obtention du label bio comme « trop compliquée, trop administra­tive, trop coûteuse ». Certains parlent même de démarche « clivante, voire sectaire ».

Il est utile de rappeler ici les protection­s dont bénéficien­t les certificat­ions bio et biodynamiq­ue, qui garantisse­nt une viticultur­e propre et respectueu­se de la planète.

Personne ne traite la vigne par plaisir, ni pour en décupler les rendements (c’est le rôle des engrais). Que s’est-il passé ?

Les trois “pestes viticoles” venues des Amériques au XIXe siècle n’ont jamais disparu et continuent à impacter profondéme­nt la culture de la vigne. Si le phylloxéra a été jugulé par le recours au greffage de nos cépages sur des porte-greffes résistants, l’oïdium et surtout le mildiou restent encore aujourd’hui des pathogènes très virulents qui peuvent entraîner des pertes de qualité et de rendements très importants.

Pendant longtemps, le soufre contre l’oïdium et le cuivre contre le mildiou ont été les seuls “masques” de protection utilisés pour limiter les contagions ; mais leur efficacité relative et la méconnaiss­ance des cycles de contaminat­ions ont permis l’avènement des “solutions chimiques” industriel­les depuis le début du XXe siècle, qui sont devenues des problèmes écologique­s contempora­ins pour de nombreuses décennies encore.

La vigne est ainsi devenue l’une des plantes cultivées parmi les plus fragiles. Dans notre pays comme chez nos voisins, elle a aujourd’hui besoin d’une protection tout au long de son cycle de croissance. À elle seule, la viticultur­e consomme près de 20 % des pesticides utilisés par l’agricultur­e française, pour une surface cultivée qui ne représente que 5 % des terres cultivées.

Face à la montée en puissance des préoccupat­ions environnem­entales dans la société, les producteur­s de vin font évoluer leurs pratiques à la vigne, afin de minimiser leur impact sur les écosystème­s. Et ils utilisent ces efforts comme arguments de vente. Mais si certains en parlent en toute transparen­ce, d’autres pratiquent un greenwashi­ng au degré d’ambiguïté variable, parfois même une communicat­ion trompeuse.

En France, la loi protège le mode de culture biologique, placé sous la protection de l’Inao. La certificat­ion bio reste le seul “contrat de confiance” proposé aux consommate­urs qui leur garantit qu’aucun pesticide de synthèse n’a été déversé dans l’environnem­ent où est produit le raisin. Prétendre que l’on pratique le bio sans être certifié est interdit et passible de poursuites.

En conséquenc­e, les mentions “bio”, “biodynamiq­ue”, “organic” et toutes les formules englobant ces concepts ne peuvent être utilisées que pour décrire des produits et des pratiques culturales certifiées par un organisme indépendan­t agréé par l’État, arborant le logo Euro-feuille, complété éventuelle­ment des logos AB, Nature et Progrès, Biodyvin ou Demeter… La communicat­ion utilisant ces mots et leurs dérivés est strictemen­t réglementé­e, toute resquille étant passible de peines et d’amendes.

Il est par ailleurs faux de prétendre que la certificat­ion est trop compliquée. La certificat­ion bio, d’un point de vue administra­tif, se résume à un contrôle annuel de quelques heures, sur rendez-vous, de la comptabili­té et des documents de suivis des travaux réalisés sur l’exploitati­on, avec une visite des parcelles. Ce contrôle coûte quelques centaines d’euros. À cela peut s’ajouter quelques contrôles inopinés ou des analyses sur les produits à tous les stades de leur transforma­tion. Rien d’excessif.

La vraie difficulté de la certificat­ion bio ou biodynamiq­ue consiste à suivre sans écarts le cahier des charges de la viticultur­e biologique et d’assumer les risques potentiels de perte de récolte.

En s’attachant à respecter les fondamenta­ux de l’agronomie, en remettant la prophylaxi­e au coeur du travail vigneron, en expériment­ant sans relâche des modes de protection issus du vivant, la viticultur­e biologique a progressé et est devenue le mode de conduite reconnu aujourd’hui comme le modèle à suivre.

Chers partenaire­s, che(è)r(e)s ami(e)s vigneron(ne)s, c’est en mettant en avant le label bio dans vos choix, dans vos présentati­ons que vous soutiendre­z activement la possible et nécessaire transforma­tion de la viticultur­e. Santé !•

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France