Agroforesterie : un modèle séduisant mais coûteux
Comme le bio ou la biodynamie, l’agroforesterie impose des coûts non négligeables. La preuve avec le jeune pionnier champenois Edgar Coulon.
Avec Edgar Coulon, 28 ans, neuvième génération au domaine Roger Coulon (Vrigny), la Montagne de Reims prend des allures de champ d’expérimentation d’un courant biologique nouveau : l’agroforesterie. « Notre objectif est d’utiliser le végétal vivant en s’inspirant du système autogéré de la forêt », résume ce gaillard formé aux antipodes avant de revenir expérimenter ce rêve de pionnier sur ses terres ancestrales.
Expérimentation, car Edgar, épaulé par sa soeur Louise, n’a converti pour l’instant que 10 % de ses surfaces (le domaine compte 109 parcelles sur 11 hectares), le reste étant conduit en classique culture biologique. « L’agroforesterie est une innovation dont nous ne savons pas encore tout ; simplement que, en termes de coût, cela nécessite déjà beaucoup de main-d’oeuvre et d’équipements », explique-t-il. L’équation économique est complexe, car l’objectif, à terme, est de se passer totalement d’intrants ; d’être dans une agriculture « frugale », un système idéal qui s’auto-alimente.
UNE SYMBIOSE VIGNE-FORÊT
Premier chantier, lancé en 2019 : planter un arbre par are (100 m²) de vigne. Poiriers, pommiers, mirabelliers, essences forestières… Un travail de Romain avec un coût d’achat non négligeable, dont les bénéfices, une osmose vigne-forêt, ne seront visibles que dans plusieurs années. Deuxième chantier : le couvert végétal, consistant à recouvrir totalement le sol du vignoble. « Nous cherchons à imiter le sol forestier, qui n’est jamais nu », précise Edgar Coulon, listant les avantages de cette technique : limitation de l’érosion, fraîcheur des sols, préservation totale de la vie microbienne.
Dans certaines parcelles, du miscanthus (plante ayant des airs de bambou) a été répandu à la place de la paille traditionnelle (elle subsiste deux fois plus longtemps, soit trois ans). Dans d’autres, il faut semer des féverolles, du trèfle, du seigle, des végétaux qui constituent de très importants puits à azote. « C’est le poste de dépense le plus important, il faut plus de bras, du matériel pour semer… », soulignent les Coulon. Ils estiment à environ 1 000 euros l’hectare l’investissement nécessaire pour passer en culture agroforestière.
Les jeunes viticulteurs découvrent en avançant les joies de leur métier de vigneron du futur. Comme le seigle ne peut être couché (entre les rangs) avant fin mai, les opérations d’ébourgeonnage ne peuvent plus être lissées sur un mois, mais réalisées en quinze jours maximum. Encore des surcoûts à prévoir pour ce rêve agroforestier diablement séduisant.