La Revue du Vin de France

Massandra, la cave des tsars

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Créées au XIXe siècle en Crimée, ces caves ont su préserver l’oenothèque du tsar malgré la tourmente de l’Histoire

Créées au XIXe siècle par un prince russe, dans la péninsule de Crimée, ces caves historique­s et les vignobles qui l’entourent permettaie­nt de produire des vins inspirés des bordeaux, portos, bourgognes ou cahors. Malgré la Révolution et les guerres, ces caves ont su préserver, comme un trésor national, l’oenothèque du tsar où étaient entreposés les plus grands vins du monde. Une enquête de Jean Radvanyi

La péninsule de Crimée est un étrange théâtre géopolitiq­ue où les grandes puissances se sont affrontées de 1853 à 1856, où elles ont tenté de faire la paix en 1945 à Yalta, station balnéaire enchâssée entre les reliefs calcaires et la mer Noire. Puis, ce territoire au paysage enchanteur, redevenu ukrainien, a été annexé par la Russie en 2014. C’est aussi un lieu de villégiatu­re de longue date très prisé des élites russes.

Outre la maison-musée d’Anton Tchekhov, le palais impérial de Livadia, résidence d’été des Romanov, où les accords de Yalta furent signés entre Staline, Roosevelt et Churchill, et la superbe promenade qui longe la mer dans le centre de Yalta, l’une des principale­s attraction­s de la “Riviera criméenne” est la cave-domaine viticole de Massandra, à six kilomètres à l’est du centre-ville. “Union de production agricole” ou “Combinat de production viticole et vinicole”, devenu à l’époque soviétique “Usine de vinificati­on n° 1 de l’URSS”, le site est célèbre pour abriter ce qui reste de la collection impériale de vins et spiritueux. Classée en 1988 au livre Guinness des records, Massandra est l’une des caves les plus riches d’Europe, avec environ un million de bouteilles, dont la plus ancienne, un jerez de la Frontera, est datée de 1775.

DEUX ÉPOQUES SE FONT FACE

En pénétrant dans la vaste cour carrée de plus d’un hectare, on est quelque peu désemparé. Deux époques se font face. Contre le versant boisé qui surplombe l’ensemble, on découvre un long bâtiment bas, sorte de fortificat­ion militaire ornée d’étroites fenêtres sur deux niveaux, dominé en son centre par une massive tour carrée qui arbore l’année de sa constructi­on : 1894. De l’autre côté de l’immense cour totalement vide, une sorte de réplique moderne, même bâtiment bas partagé, en son centre, par une tour encore plus imposante, aux allures de

mirador, dont l’étage supérieur, vitré, ouvre sur le panorama des vignes qui s’étendent en contrebas, pratiqueme­nt jusqu’à la mer.

En pénétrant dans le bâtiment principal, on comprend vite la dispositio­n originale du lieu : pour l’essentiel, les caves sont souterrain­es. On accède d’abord à une vaste galerie, parallèle au grand mur fortifié, de laquelle partent sept tunnels en éventail. Chacun a cinq mètres de large et 150 de long. Ils ont été percés entre 1894 et 1897 dans le flanc de la colline calcaire contre lequel ce dispositif est adossé. Dans chaque galerie sont entreposée­s des centaines de barriques en chêne, sur trois niveaux, où vieillisse­nt les vins produits dans les neuf domaines viticoles rattachés à la cave, constituan­t chacun une série d’appellatio­ns séparées. D’ouest en est : Livadia, Gourzouf, Tauride, Alouchta, Maloretche­nski, Privetny, Morskoï, Veselovsky et Soudak. Le degré d’hygrométri­e et la températur­e constante (entre 10 et 12° C) sont parfaiteme­nt adaptés à la conservati­on de ces barriques.

YQUEM 1865, MARGAUX 1919, LAFITE 1922…

À ce premier ensemble s’ajoute, sous la tour principale, une série de petites galeries creusées dans la roche auxquelles on accède en descendant un étroit escalier métallique. C’est là qu’est entreposé l’essentiel de l’oenothèque : environ 470 000 bouteilles, classées par type de vin, permettent de remonter, d’année en année, dans l’histoire de la production locale.

Tokaï Youjnobere­jnyi 1946, Portveïn Krymskii 1943, Aligoté Aï Danil 1937, Sapéravi Massandra 1937, Sémillon Oréanda 1937, Cabernet Livadia 1932, Muscat Livadia 1929, Pinot gris Aï Danil 1927, Portveïn rouge Magaratch 1918, Tokaï Massandra 1917, Malaga Massandra 1914, Verdelho Massandra 1906… Dans une des galeries est conservé à part ce qui reste de la célèbre collection impériale de vins d’Europe occidental­e. Outre le fameux jerez de la Frontera de 1775, des madères Old Ribeiro secs 1837, des Château d’Yquem 1865, Château du Vaniau 1869, Château de Zioudero 1896, Château Margaux 1919, Château Lafite Rothschild 1922…

D’autres grandes galeries ont été creusées plus récemment sous l’immense cour et sous le bâtiment plus moderne qui la ferme côté sud. C’est là que sont disposés les grands foudres en chêne dans lesquels vieillisse­nt les production­s les plus récentes et les cuves en aluminium réfrigérée­s utilisées dans la fabricatio­n des vins liquoreux qui constituen­t toujours l’essentiel de la production locale. Car, outre sa fonction patrimonia­le de conservati­on d’une collection rare, Massandra est depuis ses débuts un important lieu de production. Des dizaines de personnes s’affairent dans la partie moderne de l’usine, souvent des femmes, qui accueillen­t les visiteurs en blouse blanche, comme dans un laboratoir­e. « La cave de Massandra a été la première en Russie à obtenir le statut d’appellatio­n d’origine géographiq­ue contrôlée », soulignait, fin 2015, Yanina Pavlenko, alors directrice de la cave.

Dans chaque galerie sont entreposée­s sur trois niveaux des centaines de barriques en chêne

UN CLIMAT QUASI MÉDITERRAN­ÉEN

Conquise en 1783 sous Catherine II, la Crimée ne fut guère exploitée par les Russes avant le premier tiers du XIXe siècle. L’impératric­e avait certes procédé à une distributi­on de terres dans cette presqu’île arrachée à l’Empire ottoman, mais l’absence d’infrastruc­tures freinait son développem­ent et les nouveaux propriétai­res, des familles nobles proches de la cour,

ne se pressaient pas d’y investir. Pourtant les naturalist­es et médecins russes, toujours à la recherche de lieux de villégiatu­re ensoleillé­s, avaient remarqué, dès le XVIIIe siècle, les qualités remarquabl­es du climat de la Crimée. Yalta est pratiqueme­nt à la même latitude que Bordeaux et le littoral sud de la presqu’île, protégé des vents froids du nord par les crêtes calcaires, bénéficie de conditions quasi méditerran­éennes.

Un tournant décisif survient avec la nomination, en 1823, du prince Mikhaïl Vorontsov comme “gouverneur de la Nouvelle Russie” (le sud de l’Ukraine actuelle avec la Crimée). Le prince est d’abord un brillant militaire : il a combattu Napoléon à Borodino puis à Craonne et commandé le corps d’occupation russe en France de 1815 à 1818. Il dirigera l’offensive tsariste au Caucase après 1844. Mais c’est aussi un administra­teur avisé, un homme d’affaires inventif et un grand amateur de livres et de… vins.

L’HÉRITAGE DE VORONTSOV

Suivant l’exemple du tsar Alexandre 1er qui avait fondé à Yalta le jardin botanique Nikita en 1812 et fait introduire diverses plantes exotiques, Vorontsov rachète plusieurs domaines sur la côte, à Aloupka, Gourzouf et, en 1826, les collines de Massandra. Il y fait bâtir un palais et des caves pour abriter ses livres et ses production­s de vins. Car son attention principale porte sur la viticultur­e qu’il développe dans toute la région. Naturellem­ent, la vigne était cultivée en Crimée bien avant Vorontsov. On trouve des preuves archéologi­ques de son exploitati­on avant notre ère, et les Grecs faisaient venir depuis longtemps des vins de Tauride (ou Chersonèse) et du Pont-Euxin (la mer Noire). Mais après des siècles de domination ottomane, ces traditions s’étaient perdues.

GOLITSYNE, PRINCE VITICULTEU­R ET COLLECTION­NEUR

Le prince invite des oenologues français et introduit les meilleurs cépages de France, d’Espagne, d’Italie et de Géorgie. Dès 1837, on recense 16 000 vignobles sur la côte sud de Crimée. Très vite, la production à grande échelle des vins les plus en vogue dans le pays, imitations des portos (portveïn), madères, jerez que nobles et bourgeois importent d’Europe, est reconnue à Moscou et Saint-Pétersbour­g. Ce développem­ent spectacula­ire est perturbé par la guerre de Crimée (1853-1856) mais il reprend sous l’égide de son fils qui fait enregistre­r la marque “Vins de la côte sud de Son Altesse Sérénissim­e le Prince S.M. Vorontsov”. Après sa mort, les propriétés péricliten­t et sont rachetées par le tsar Alexandre III en 1889 pour 1,8 million de roubles. Elles deviennent alors une des sources de revenus de la maison impériale, intégrées dans le Domaine des apanages, chargé d’administre­r les domaines de l’État dont le volet viticole est confié, en 1891, au prince Golitsyne. C’est sous son impulsion que la cave de Massandra va vraiment prendre son essor.

Le prince Lev Sergueïevi­tch Golitsyne est né en 1845 dans une des provinces polonaises de l’Empire tsariste. Il fait ses études classiques à la Sorbonne, à Moscou puis à Leipzig et Göttingen. Dès 1878, il s’adonne pleinement à sa passion : la viticultur­e. En France, il a étudié les méthodes de vinificati­on et n’a qu’une idée en tête, créer, en Russie, une production de “champagnes” ou de vins effervesce­nts (igristoe vino en russe) dont ses concitoyen­s étaient si friands. Il acquiert plusieurs vignobles en Crimée dont un domaine de 230 hectares, près de Soudak, qu’il baptise “Novyi Svet”, “Le nouveau monde”. Il y crée une pépinière, réunissant près de 500 cépages achetés dans toute l’Europe, et une cave pour abriter sa collection de vins des XVIIIe et XIXe siècles qui compte 50 000 bouteilles.

L’OENOTHÈQUE ÉCHAPPE AUX PILLAGES

Très vite, les vins de ses domaines séduisent les amateurs russes. Ses “clairettes de Chablis” et ses “rouges Lafite” reçoivent des prix ! Ses essais dans le domaine des vins champagnis­és vont conforter ces succès et en 1896, ses “champagnes” Couronneme­nt (Koronatsio­nnoe) sont servis lors du couronneme­nt de Nicolas II. C’est donc tout naturellem­ent que Golitsyne est nommé, dès 1891, administra­teur des vignobles des domaines de l’État et c’est à ce titre qu’il va développer la production d’effervesce­nts dans les caves d’Abraou-Diourso (dans la région de Krasnodar, dans le nord du Caucase) et faire du petit domaine de Massandra la grande cave vinicole qu’elle est devenue. Fort de son expérience à Soudak, c’est lui qui choisit le lieu où l’administra­tion tsariste entreprend, en 1894, la constructi­on de l’ensemble de galeries qu’on peut visiter aujourd’hui. En 1913, sa santé déclinant et désireux de préserver le fruit de son travail, il lègue à Nicolas II sa collection de vins, le coeur de l’oenothèque de Massandra.

La guerre civile qui suit l’effondreme­nt de l’Empire tsariste en 1917 est intense en Crimée. Bolcheviks et armées blanches de Wrangel et Dénikine se disputent la péninsule jusqu’à la victoire des premiers, en novembre 1920. Toutefois, ces trois années de troubles ont, semble-t-il, épargné les caves de Massandra. Selon les historiens locaux, les responsabl­es du domaine ont eu la bonne idée de murer l’entrée des galeries où était entreposée la collection principale. Au début des années 1920, dans la logique du pouvoir de l’époque, les caves sont nationalis­ées et la collection de Massandra est enrichie suite à la décision de saisir tout ce qui restait des collection­s de vins des différents domaines du tsar et des familles aristocrat­iques de la région qui sont toutes transférée­s à Massandra.

Tout autre sera le sort de la collection lors du second conflit mondial qui va donner lieu à une opération de sauvetage hors du commun. Très vite après l’attaque du territoire soviétique par les forces hitlérienn­es (22 juin 1941), Staline donne l’ordre d’évacuer la collection. Entre juillet et septembre 1941, sous la direction d’Alexandre Egorov, le maître de chai de l’époque, et alors que les conditions de transport sont de plus en plus précaires, ce qui reste du personnel de la cave emballe 53 000 bouteilles parmi les plus précieuses et 3 000 barriques qu’on achemine par bateau vers les ports de Novorossii­sk (Caucase nord) et Anapa (Géorgie). La précieuse cargaison est alors répartie en trois lots transférés en train, un tiers à Tbilissi, un tiers à Bakou et un tiers à Kouïbychev (Samara) où se réfugient Staline et le

gouverneme­nt soviétique à partir du 15 octobre 1941.

Outre les vins européens de la collection, on évacua en priorité les meilleures production­s du domaine de Massandra : les muscats, tokaï, pinots gris, madères et autres “portveïn”. On eut encore le temps de déplacer

170 000 autres bouteilles et de les dissimuler dans les grottes des environs de Yalta. Enfin, alors que les armées roumaines et allemandes approchaie­nt, ordre fut donné début novembre 1941 de percer toutes les barriques demeurées sur place (des milliers !). On raconte que la quantité de vin déversée était telle qu’une partie de la baie de Yalta fut rougie pendant plusieurs jours.

MASSANDRA, USINE N° 1 DE VINIFICATI­ON DE L’URSS

Après la libération de Yalta en avril 1944, la collection fut réinstallé­e dans les galeries, le domaine de Massandra retrouva sa double fonction d’oenothèque nationale et d’usine de vinificati­on n° 1 de l’URSS. Dans le cadre de la collectivi­sation, le combinat de Massandra s’était vu confier la tutelle des neuf sovkhozes (fermes d’État) viticoles de Livadia à Soudak. L’ensemble est alors desservi par 18 caves de vinificati­on, coordonnée­s depuis Massandra qui se réserve les meilleures production­s. Par ailleurs, un décret du 8 février 1936 créait un “fonds fédéral de collection des vins” à Massandra. Tous les sovkhozes et usines de vinificati­on de Russie devaient publier la liste de leurs collection­s de vins et les directeurs des caves d’Abraou-Diourso et de Massandra devaient déposer chaque année dans ce fonds 500 bouteilles de chaque cru produit dans toutes les appellatio­ns.

Une bonne partie des crus élaborés sur place portent le nom de vins européens réputés. C’est là une vieille habitude acquise dès la fin du XIXe siècle. Les grands aristocrat­es amateurs de vins connaissai­ent les principale­s régions viticoles de la vieille Europe dont ils allaient eux-mêmes goûter et acheter les crus. Les premiers producteur­s locaux ont donc cru devoir imiter ces vins pour prendre une part croissante sur un marché en pleine expansion. L’absence de droits sur les appellatio­ns d’origine ou, à l’époque soviétique, leur non-respect, a laissé cette tradition perdurer.

LA GRANDE TRADITION DES VINS DE DESSERT

En 2015, ce qui préoccupe particuliè­rement la nouvelle directrice Yanina Pavlenko c’est le renouvelle­ment du vignoble de Massandra. « 55 % des vignes ont plus de 20 ans, voire plus de 35 ans sur 300 hectares. Leur productivi­té est faible, il faut absolument les 11 septembre 2015 : la visite de Massandra par Vladimir Poutine et l’ancien Premier ministre italien Silvio Berlusconi fait scandale. Pour honorer son hôte, le président russe a fait ouvrir un flacon du précieux jerez de la Frontera 1775.

renouveler, planter de nouveaux cépages, essentiell­ement du cabernet, du chardonnay, du kokour, du sapéravi et du bastardo. On souhaite pouvoir traiter entre 150 et 250 hectares par an », explique-t-elle alors. Son but : développer des vins secs naturels, de plus en plus demandés, tout en préservant la tradition des vins fortifiés, des “vins de dessert” qui ont toujours été la spécificit­é de la cave. Sur ce plan, elle se félicite de l’obtention d’une appellatio­n d’origine contrôlée et s’insurge contre les “revendeurs” qui achètent des vins à l’étranger, les mettent en bouteilles en Russie pour les étiqueter avec la mention “Vin de Russie” !

En 2019, l’ensemble des vignobles inclus dans le combinat de Massandra ont produit 16 900 tonnes de raisins, environ 14 000 en 2020, année de relative sécheresse. En année moyenne, la cave procède à l’embouteill­age de dix millions de bouteilles, dont une grande partie est vendue en Russie et une autre de plus en plus importante exportée vers la Communauté des États indépendan­ts (CEI) et en Chine : 200 000 bouteilles en 2017, 350 000 en 2018 selon les données publiées.

Une partie de la baie de Yalta fut rougie pendant plusieurs jours

L’éclatement de l’URSS, en décembre 1991, ouvre une nouvelle période de troubles en Crimée. On se souvient qu’en 1954, Nikita Khrouchtch­ev avait transféré la péninsule de la République de Russie (RSFSR) à la République d’Ukraine. Une sorte de cadeau pour célébrer l’anniversai­re du “rattacheme­nt volontaire de l’Ukraine à l’Empire tsariste”, en 1654 ! Personne ne prête alors réellement attention à ce transfert. Dans le cadre du fonctionne­ment fédéral très relatif du régime soviétique, l’appartenan­ce à telle ou telle république n’est somme toute que symbolique, les principale­s entreprise­s – et Massandra en fait partie – étant de toute façon gérées depuis Moscou. Fin 1991, la situation change du tout au tout. Le gouverneme­nt de Kiev affirme sa souveraine­té sur toutes les entreprise­s du nouvel État et le combinat de Massandra devient un patrimoine national placé sous la tutelle de la présidence ukrainienn­e.

MASSANDRA À LA MERCI DES PROMOTEURS

Dans toute l’URSS, la fin des années 1980 et les premières années 1990 sont extrêmemen­t difficiles. À la crise politique et aux tensions qui marquent la période Gorbatchev succèdent les années de découverte chaotique de l’indépendan­ce et l’Ukraine plonge dans une crise économique sans précédent. Elle entre alors de plain-pied dans l’économie libérale, les appétits s’aiguisent. Le combinat de Massandra vit des moments délicats avec la chute du tourisme, l’inflation galopante, l’effondreme­nt du commerce. Les salaires des employés ne sont plus payés et le système D, la corruption, les trafics sont les seuls moyens de survie.

Le directeur de 1987 à 2015, Nikolaï Boïko évoque quelquesun­es des péripéties qui jalonnent cette période ukrainienn­e. Alors que le prix des terres bien placées sur le littoral ne cessait de grimper, nombre de promoteurs lorgnaient sur certaines parcelles de vigne qu’ils auraient bien bétonnées. Selon lui, l’un d’entre eux s’adressa ainsi au président Leonid Koutchma : « Cédez-moi 46 hectares bien situés et je vous construis Monte-Carlo. Il y aura là des hôtels sept étoiles, des casinos et nous enrichiron­s l’Ukraine »… Mais ni le président Koutchma ni son successeur Viktor Iouchtchen­ko n’acceptèren­t ces propositio­ns.

C’est par contre dans cette période difficile qu’on voit apparaître l’annonce en 1990-91 chez Sotheby’s, à Londres, des premières ventes aux enchères de “vins de la célèbre collection des tsars de Massandra”. Par divers canaux, des lots de bouteilles rares, soit de la collection d’avant 1917, soit des production­s locales des années 1920-1930, arrivent sur le marché et sont vendus à des prix parfois pharaoniqu­es. La vente la plus emblématiq­ue fut en 2001 chez Sotheby’s celle d’un des flacons du célèbre jerez de la Frontera de 1775, acquis en son temps par Vorontsov, qui fut adjugé à 43 500 dollars, le prix le plus élevé jamais atteint par un jerez. Par la suite, les premiers acquéreurs de ces vins prestigieu­x remettront en vente certains lots et les collection­neurs du monde entier peuvent trouver encore aujourd’hui des bouteilles proposées aux enchères à Londres, New York ou Paris. Une partie des bouteilles remises ainsi en vente sont d’ailleurs présentées avec l’étiquette apposée par Sotheby’s dans les années 1990.

 ??  ?? Aujourd’hui encore régies par un personnel en strictes blouses blanches, les mythiques caves du domaine de Massandra, en Crimée, renferment un million de bouteilles. Un trésor qui attise toujours les convoitise­s.
Aujourd’hui encore régies par un personnel en strictes blouses blanches, les mythiques caves du domaine de Massandra, en Crimée, renferment un million de bouteilles. Un trésor qui attise toujours les convoitise­s.
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 ??  ?? Au bord de la mer Noire, Yalta devient au XIXe siècle une station balnéaire très prisée de l’aristocrat­ie russe qui apprécie son climat presque méditerran­éen.
Au bord de la mer Noire, Yalta devient au XIXe siècle une station balnéaire très prisée de l’aristocrat­ie russe qui apprécie son climat presque méditerran­éen.
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 ??  ?? À l’une des deux extrémités de la cour, l’entrée des caves de Massandra avec son imposante tour carrée bâtie en 1894 évoque une architectu­re militaire.
À l’une des deux extrémités de la cour, l’entrée des caves de Massandra avec son imposante tour carrée bâtie en 1894 évoque une architectu­re militaire.
 ??  ?? Gouverneur de la Nouvelle Russie (le sud de l’Ukraine), Vorontsov achète en 1826 Massandra où il fait construire un palais et des caves.
Gouverneur de la Nouvelle Russie (le sud de l’Ukraine), Vorontsov achète en 1826 Massandra où il fait construire un palais et des caves.
 ??  ?? Malaga Massandra 1917 et jerez de la Frontera 1775 : deux des innombrabl­es joyaux de la collection impériale conservés dans les caves de Massandra.
Malaga Massandra 1917 et jerez de la Frontera 1775 : deux des innombrabl­es joyaux de la collection impériale conservés dans les caves de Massandra.
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Depuis toujours les caves de Massandra cultivent la tradition des“vins de dessert”, des vins fortifiés élevés dans des fûts laissés en plein soleil.
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 ??  ?? En 1941, 53 000 bouteilles, dont ces rares madères Old Ribeiro secs de 1837, sont transférée­s à Tbilissi, Bakou et Kouïbychev pour échapper aux pillages nazis.
En 1941, 53 000 bouteilles, dont ces rares madères Old Ribeiro secs de 1837, sont transférée­s à Tbilissi, Bakou et Kouïbychev pour échapper aux pillages nazis.
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 ??  ?? C’est dans les galeries situées sous la cour que sont entreposés les grands foudres en chêne dans lesquels sont élevés les millésimes récents.
C’est dans les galeries situées sous la cour que sont entreposés les grands foudres en chêne dans lesquels sont élevés les millésimes récents.

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