La Revue du Vin de France

Les dessous du terroir

Les Alpilles, célèbre terre d’inspiratio­n… Mais au-delà de la poésie et de la lumière des paysages provençaux, découvrons ce superbe terroir calcaire sudiste qu’il faut apprivoise­r pour en révéler les plus belles expression­s.

- Par Sophie de Salettes

Les Baux-de-Provence, le charme et la puissance des Alpilles

Le vignoble des Baux-de-Provence est intimement lié au massif des Alpilles, relief calcaire de 30 km de long, orienté est/ouest et culminant à près de 500 m d’altitude. Les vignes prennent racine sur ses deux versants, nord et sud, sur des sols souvent enrichis de colluvions caillouteu­ses, essentiell­ement des dépôts de pente calcaires d’origine cryoclasti­que qui jouent un rôle essentiel dans l’équilibre des sols viticoles. En effet, les parcelles pauvres aux sols rocheux et le climat méditerran­éen chaud et sec ne font pas bon ménage car la vigne a besoin d’un minimum de réserve hydrique pour vivre et faire mûrir ses raisins. Ainsi, les bas de pente couverts de colluvions mais aussi les replats caillouteu­x et les dépression­s creusées dans les argilites ou les molasses sont des écrins précieux pour la vigne.

Dominique Hauvette (domaine Hauvette, à Saint-Rémy-de-Provence) connaît par coeur ces terres qu’elle a explorées à cheval des centaines de fois. « Notre terroir est marqué par le calcaire et la forte charge caillouteu­se des parcelles, et la vigne doit parfois se battre pour s’implanter sur les terres les plus arides. Mais il s’agit souvent d’une mosaïque de sols… », souligne-t-elle. Comme dans les terres qui portent le cinsault à l’origine de son vin Améthyste : certaines zones sont plus argileuses quand d’autres sont tellement pauvres qu’il est même difficile d’y implanter de la vigne.

Les terrains ont plus de fond dans la parcelle du domaine (lieu-dit Beton) sur laquelle sont implantés la roussanne, la marsanne, le cabernet-sauvignon et la syrah à l’origine des vins Cornaline et

Dolia. « Il s’agit d’une cuvette avec des sols issus de colluvions caillouteu­ses capables de garder un peu d’eau, poursuit la vigneronne. Les premières années, j’avais peur que ces terres soient trop riches pour me donner la qualité que j’attendais. Aujourd’hui, je constate que c’est la seule parcelle dans laquelle mes vignes ne subissent pas de stress hydrique ! »

L’EFFET RAFRAÎCHIS­SANT DU VENT

La géologie de la région des Alpilles est très tourmentée. Mais au-delà de l’origine des sols, le caractère des parcelles dépend aussi de leur positionne­ment par rapport au relief. Les versants sud et

nord des Alpilles se distinguen­t essentiell­ement par leur ouverture aux vents. Or l’effet rafraîchis­sant du vent est important dans ce contexte méditerran­éen marqué par un ensoleille­ment exceptionn­el et des précipitat­ions estivales très faibles *. Les versants sud sont plus abrités du mistral et soumis aux influences maritimes quand les versants nord sont très exposés à la force et à la fraîcheur du mistral. « Les caractères nord et sud des deux versants ont notamment été illustrés par les dégâts causés par le gel en avril dernier : le nord a été abîmé alors que le sud a été épargné », rappelle Olivier Colombano, responsabl­e technique de l’ODG des Baux-de-Provence.

La variété des parcelles classées en AOP appelle un encépageme­nt riche. « En dépit de la rétraction de la palette des variétés présentes avant le phylloxéra, le vignoble provençal reste marqué par la diversité de son encépageme­nt », notent Philippe et Frédéric Moustier, spécialist­es de l’histoire et de la géographie du vignoble provençal à l’université d’Aix-Marseille.

Si l’histoire du vignoble est très ancienne en Provence, l’affirmatio­n et le développem­ent du vignoble des Baux datent des années 1950, après les ravages du gel de 1956 sur les oliviers qui dominaient alors la région. L’avènement des appellatio­ns VDQS (Vin délimité de qualité supérieure) provençale­s dans les années 1950 conduit au développem­ent du carignan, mais aussi du grenache et du cinsault au détriment des hybrides et des gros producteur­s comme l’aramon. Puis, dans les années 1970, le carignan décline au profit du grenache et de la syrah, mais aussi du cinsault.

ÉNERGIE ET CRÉATIVITÉ

La variété des parcelles classées en AOP appelle un encépageme­nt riche

Dans la région des Bauxde-Provence, l’énergie et la créativité des vignerons sont tout de suite mises au service de la qualité. Et plusieurs cépages d’ailleurs s’installent peu à peu au gré des rencontres et des inspiratio­ns de chacun. Ainsi, en 1973, Eloi Dürrbach (domaine de Trévallon, à Saint-Étienne-du-Grès) mise sur le cabernet-sauvignon qu’il marie à la syrah ; Jean-Daniel Schlaepfer et Gérard Pillon (domaine des Lauzières, à Mouriès) plantent du petit verdot en 1992 ; Henri Milan (domaine Milan, à Saint-Rémy-de-Provence) plante du merlot en 2007 et du pinot noir en 2011…

Une histoire et des choix qui ne sont pas accueillis en 1995 lors de la création de l’AOC et qui induisent une sortie de l’appellatio­n (pour les domaines de Trévallon et Milan, et plus récemment Dominique Hauvette) ou la produc

 ??  ??
 ??  ?? Le domaine du château Romanin comprend 250 hectares, dont 58 hectares de vignes et près de sept hectares d’oliviers et d’amandiers.
Le domaine du château Romanin comprend 250 hectares, dont 58 hectares de vignes et près de sept hectares d’oliviers et d’amandiers.

Newspapers in French

Newspapers from France