La Revue du Vin de France

Annecy : la vigne renaît sur les très chics rives du lac

Une bande de copains a replanté les coteaux de la très select commune de Veyrier-du-Lac. Ils font des émules à Menthon-Saint-Bernard et Talloires.

- Idelette Fritsch

C’est en million d’hectares la superficie du vignoble français en 1816, contre 750 000 ha aujourd’hui, selon l’ouvrage d’André Jullien, Topographi­e de tous les vignobles connus. La production était de 30 millions d’hectolitre­s, soit environ 17 hl/ha, bien loin des rendements d’aujourd’hui. Et la consommati­on d’environ 100 litres par an et par personne.

Ils sont rares les terrains autour du très chic lac d’Annecy sur lesquels on peut encore tout imaginer. Et pourtant, c’est là qu’ils veulent recréer un vin disparu. L’idée est née en 2014 autour d’un apéro des vins de Savoie chez un célèbre caviste d’Annecy-le-Vieux, Bruno Bozzer, élu caviste de l’année 2016 par La RVF : pourquoi ne pas replanter la vigne sur la rive est du lac, où elle couvrait les flancs du mont Veyrier dans les années 1930 ? « Un soir, on s’est dit qu’on pouvait recréer ce vin qui n’existait plus depuis 90 ans, le vignoble ayant cédé à la promotion immobilièr­e. Il fallait juste un vigneron et des parcelles », retrace le patron de La Java des Flacons.

LE RETOUR DE L’ALTESSE

Le défi est de taille sur la commune très cossue de Veyrier-du-Lac, où le prix des terrains s’envole à plus de 5 000 euros du mètre carré. Mais depuis 2010, en raison des chutes de pierres, un plan de protection contre les risques naturels (PPRN) a rendu certaines zones inconstruc­tibles. Du coup, les propriétai­res s’adaptent. «À défaut de pouvoir construire, ils ont souhaité renouer avec ce passé viticole en nous confiant leurs friches », explique Pierre Lachenal, président des Vignes du Lac.

En 2015, cette associatio­n confie le travail des vignes à Bruno Lupin, vigneron à Frangy qui plante 1,2 hectare d’altesse. Le premier millésime, 2018, est en Vin de France mais le vin du lac pourrait bénéficier de l’IGP Vin des Allobroges dès 2022. « Avec 1 000 bouteilles par an, c’est encore plus rare que la Romanée-Conti », plaisante Bruno Bozzer.

ET VOGUE ESPÉRANCE III

L’exemple de Veyrier a fait des émules aux alentours. En 2018, les propriétai­res du château de Menthon, une famille illustre dans la région depuis le Moyen Âge, ont confié leurs coteaux à François Héritier, vigneron en biodynamie, pour y planter 3,5 hectares. « C’est magique de voir les flancs du château reprendre leur allure d’autrefois avec ce projet fédérateur », se félicite Maurice de Menthon.

Un troisième projet de plantation­s est prévu cet automne à Talloires. Autre rêve oenotouris­tique : la mise à l’eau cet été d’Espérance III, une barque à voile latine construite pour la coquette somme de 1,5 million d’euros, grâce à la ténacité de Pierre Lachenal. Comme son ancêtre Espérance, elle transporte­ra les vins du lac jusqu’à Annecy.

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