Les actus du vin
Inquiets de la dégénérescence du vignoble, 123 vignerons de la Bourgogne et du Beaujolais se mobilisent pour permettre à leurs plants de retrouver de la diversité variétale. Ils se sont réunis au sein du Gest pour développer des pinots noirs qualitatifs.
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En vogue chez les vignerons, la sélection massale pourrait-elle remettre en cause le modèle productiviste de la pépinière française, principal fournisseur des plants de vignes greffés en France (235 millions en 2017, dont 96 % de clones) ? C’est en tout cas l’ambition affichée par le Gest, le groupement d’études et de suivi des terroirs : cette association regroupe 123 vignerons de Bourgogne et du Beaujolais bien décidés à contrôler la production de leurs plants de pinots noirs et de gamays, en imposant la sélection massale dans les pépinières. En partenariat avec le centre technique Sicavac à Sancerre, ils viennent de déposer à l’Inpi deux marques pour leurs sélections pinot noir et gamay de Gest-Ceps Sicavac.
FABRICATION ARTISANALE
Mortalité, érosion génétique du matériel végétal, greffés-soudés de mauvaise qualité… Nombreux sont les motifs conduisant les domaines bourguignons à se détourner des plants clonés industriels et à adopter la sélection massale. Cette fabrication artisanale, longue et coûteuse, consiste à identifier sur une parcelle des pieds très qualitatifs, à prélever les sarments, à écarter les bois porteurs de maladies, à confier les greffons à un pépiniériste de confiance qui les multipliera et greffera sur portegreffes américains. Pour Thibault LigerBelair, engagé dans cette démarche dès 2005, les plants ainsi obtenus retrouvent une diversité intra-variétale mise à mal, depuis les années 1960, par la sélection clonale : « Mettez 100 personnes identiques dans une salle, cela devient très vite emmerdant. Avec la sélection clonale, vous vous retrouverez très vite avec un vin au fruit emmerdant ! ».
L’orfèvre du pinot noir de la Côte de Nuits connaît son sujet : sur les 48 clones de ce cépage homologués en France, seuls trois ou quatre sont greffés par les pépiniéristes. D’où le projet du Gest, l’association qu’il préside. « Nous voulons rendre la sélection massale accessible à tous nos adhérents en leur assurant une production de greffons qualitatifs, contrôlés par un cahier des charges et une charte de suivi de nos pépiniéristes partenaires », explique Agnès Mathé, technicienne du Gest. Pour y parvenir, le Gest a signé en 2020 ●● ●
●● ● un partenariat avec un pionnier en la matière, le Sicavac, qui a ouvert la voie dès 2017 dans le vignoble du CentreLoire avec le sauvignon blanc. « Nous étions confrontés à une mortalité inquiétante de nos vignes. Pour en comprendre les causes, en 2014, nous avons fait un tour de France des pépiniéristes », retrace Olivier Luneau, vigneron à Menetou-Salon et directeur adjoint de la structure.
Le tableau noir de la pépinière française (hormones au greffages, herbicides, sélection de greffons de “second choix”, etc.) a incité cette structure à créer sa propre pépinière, Ceps Sicavac, en imposant à ses partenaires pépiniéristes (Mercier, Mary, Hebinger, Gibault) un cahier des charges et une charte de suivi : emploi de porte-greffes palissés pour garantir la qualité sanitaire des bois, interdiction des herbicides, fertilisation conforme aux règles de l’agriculture bio, contrôles annuels dans les pépinières lors des phases clés de productions des plants, comme le tri des greffons (en donnant la priorité aux plants dont les talons présentent un bon système racinaire)… Les contraintes sont nombreuses. Un modèle aujourd’hui adopté par les Bourguignons, qui vont imposer le même parcours technique à leurs partenaires (les quatre historiques, auquels s’ajoutent les bourguignons Guillaume et Néau).
LES USAGES DOIVENT CHANGER
Pour établir ses premières lignées de pinots noirs à haute diversité variétale, le Gest a prospecté, « du Mâconnais à la Côte de Nuits, sept domaines emblématiques qui pratiquent la sélection massale et identifié 220 pinots noirs qualitatifs. Les gamays suivront en 2022 », indique Agnès Mathé.
Au printemps, ces sarments seront surgreffés à Sancerre, puis multipliés par les pépiniéristes en vue de leur commercialisation en 2025. Et si la pépinière française est invitée à rentrer dans le rang, les vignerons aussi. « On ne peut pas acheter ses plants de vignes comme des lots de cartons, les usages doivent changer », insiste Olivier Luneau. Les adhérents du Gest devront, pour accéder à ces plants très qualitatifs, s’engager à les commander dix-huit mois à l’avance, avec un prix fixé à 2,50 euros par plant certifié.