Avancer en jouissant du vin et de la vie
Il est à craindre, Sébastien Lapaque, que vous n’ayez lu mon livre La Sagesse du vin qu’en diagonale. Sans doute est-ce la raison pour laquelle vous n’y avez pas compris grand-chose. Il est bien dommage que cela ne vous ait pas retenu d’écrire un article me concernant qui est non seulement méchant mais faux, ce qui est grave quand on se pique de faire de la critique. Je me dois donc d’éclairer votre lanterne en citant quelques passages auxquels j’ai la faiblesse de tenir. Car La Sagesse du vin est un ouvrage écrit par le coeur au-delà du savoir, de la technique, de l’art luimême. Ce que vous semblez avoir du mal à comprendre.
Vous me décrivez par exemple comme incapable d’écouter le murmure de l’âme du vin. C’est pourtant ce que je fais tout au long de mon ouvrage, notamment à travers ces lignes : « Comme un être humain, un vin nous séduit par le mystère de sa complexité, sa sagesse apparaît lorsqu’il nous livre toute sa plénitude. On dit à ce moment que le vin est harmonieux, il se hisse à un échelon supérieur. C’est une valeur absolue. Elle procure de l’émotion et est en mesure d’arrêter le temps en créant un moment suspendu. Elle touche à la fois le tangible et l’intangible, donne les clés pour transformer la matière en pensée, il possède l’abstraction en plus d’une belle personnalité. La sagesse du vin nous permet de passer de l’équilibre à l’harmonie, de la complexité à la liberté ».
Vous assimilez mon écriture au langage des supercalculateurs. Mais avez-vous lu ceci ? « Un vin libre cultive sa différence et ne souhaite pas ressembler à son voisin, il se tient à l’écart des standards et du jugement d’autrui. Il vous regarde avec sourire, il vous reçoit pour ce qu’il est et il vous quitte en vous laissant un souvenir inoubliable. Un vin libre se moque de savoir si vous l’aimez, il est en phase avec lui-même. Peu importe son prix, sa rareté, son excellence, il est juste bon, et sa compagnie est la meilleure que l’on puisse souhaiter. »
Vous me décrivez enfin comme un vendeur, prisonnier de l’efficacité marchande, mais lisez bien : « Mes voyages furent des rencontres avec des êtres humains passionnés et non une accumulation d’étiquettes prestigieuses. J’en suis revenu à la fois plus instruit et plus humble (…). La simplicité n’est pas plus une banalité qu’un défaut, la modestie n’est pas un acquis ; au contraire elles sont les vertus des grands, qui souvent dans le silence font la différence. Et ce n’est certainement pas au motif de ce silence qu’il faut les considérer avec mépris ».
Vos certitudes, Sébastien Lapaque, sont figées dans le marbre et flatteuses de votre ego. Elles vous bloquent sur place. Quant à moi, je continuerai à avancer grâce à mes doutes et en me nourrissant de l’émerveillement qui succède à la surprise. Vous vous présentez comme un buveur solide alors que je revendique être un amoureux éclairé du vin. Nos différences sont donc de taille. Permettez que je vous laisse à votre critique, tandis que je continue, avec mon bâton de pèlerin, à jouir du vin et de la vie – un vin dont je ne suis pas sûr, compte tenu de votre goût pour l’acide, que vous l’aimiez vraiment. Car aimer le vin, c’est aimer les gens.