La Revue du Vin de France

Pourquoi lui ?

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Nommer le président de la République “Personnali­té de l’année 2022” est une gageure. Qui plus est en pleine campagne électorale. Alors commençons tout de suite par cette évidence : La RVF n’a jamais donné de consigne de vote et n’entend pas commencer cette année. Il suffit d’ailleurs de partager un verre avec nos dégustateu­rs pour comprendre qu’ils défendent des choix politiques très différents les uns des autres.

Alors, pourquoi distinguer le chef de l’État ? Notre ambition reste la même : mettre en avant les vins de qualité, saluer celles et ceux qui agissent en faveur du vin et de sa culture. Et jusqu’ici, il faut bien reconnaîtr­e que les prédécesse­urs d’Emmanuel Macron ont été au mieux des indifféren­ts, au pire des adversaire­s du vin.

Depuis 1991 et la loi Évin, les messages sanitaires n’ont cessé de se durcir en France. Nous voici face désormais à cette injonction : « Deux verres par jour maximum et pas tous les jours » (ministère de la Santé). Cette raideur, cette brutalité normative ne sont de mise ni en Italie, ni en Espagne, ni au Portugal, ni en Allemagne, ni dans aucun autre pays du monde, sauf aux ÉtatsUnis au temps de la prohibitio­n ou dans les théocratie­s fondamenta­listes d’aujourd’hui, où le vin et les alcools sont bannis et se boivent clandestin­ement, à l’abri des regards.

Quel paradoxe, ou plutôt quelle hypocrisie : à ses hôtes étrangers de marque, la République a toujours offert généreusem­ent des médailles – ce hochet dont Napoléon savait comme il flatte les vanités – et des coffrets de vins fins, de cognac, d’armagnac. Mais ces grands vins, ces nobles eaux-de-vie, plus aucun officiel ne les brandit à l’intérieur du pays. Sauf le président Emmanuel

Macron.

Lui qui n’est pas né dans un pays de vin, à Amiens, qui a grandi sous l’autorité d’un père médecin plutôt austère et peu porté sur la dive bouteille, s’est mis à aimer, à défendre le vin, ce qu’il représente pour le pays.

Est-ce parce qu’enfant, sa grand-mère, qui a tant contribué à sa réussite scolaire, était institutri­ce et consciente de la place du vin dans notre culture ? Est-ce comme ancien khâgneux que le jeune homme a découvert, à travers Baudelaire, Balzac et Colette, comme le vin irrigue jusqu’à notre littératur­e ? Ou a-t-il fait ses classes d’amateur en entrant à la banque Rothschild, dont les actionnair­es sont copropriét­aires des châteaux Lafite Rothschild, Duhart-Milon, L’Évangile ou encore Rieussec ?

L’essentiel est pourtant là, voilà un président qui ne craint plus d’associer le vin à l’idée même qu’il se fait de la France. C’est à Beaune et au Clos de Vougeot, le coeur millénaire de la Bourgogne viticole, qu’il a salué pour son départ la chancelièr­e allemande Angela Merkel. Arrivé telle une comète dans le jeu politique, constituan­t de chic un parti sans tradition ni militants, sans doute sait-il mieux que quiconque qu’il faut jouer tout de suite sur les symboles les plus essentiels pour mieux incarner l’identité d’un pays.

Quoi qu’il en soit, par stratégie peutêtre mais aussi par goût personnel, intime, ce président a rompu avec la méfiance incompréhe­nsible de ses prédécesse­urs à l’égard du vignoble. Les antivins n’ont plus de porte-voix à l’Élysée, pas davantage à Matignon ; le chef de l’État n’est plus un buveur de bière mexicaine ou un abstinent affiché. Pour la première fois depuis trente ans, un président a l’audace d’ignorer l’hygiénisme qui nous anesthésie, osant affirmer haut et fort, avec d’Artagnan et Portos : « Je bois du vin tous les jours, midi et soir ». Pour nous, c’est le meilleur de ses slogans.

« Ce président a rompu avec la méfiance de ses prédécesse­urs vis-à-vis du vin »

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