CAVISTE, UNE PASSION FRANÇAISE
C’est la reconversion professionnelle la plus demandée : devenir caviste. C’est aussi la plus simple à mettre en oeuvre. « Aucun diplôme n’est demandé pour avoir un pas-de-porte ; chaque année, des gens ouvrent une cave avec pour seule ressource la passion du vin », observe Cyril Coniglio, vice-président de la Fédération des cavistes indépendants et Meilleur caviste de France 2018. Le succès n’est pas toujours au rendez-vous. Installé à Carpentras depuis 2012, Christian-Paul Peyron, ancien régisseur pour le cinéma, a vécu sept ans de galères. « Avec un chiffre d’affaires inférieur à 100 000 euros, je ne pouvais pas me verser de salaire », témoigne-t-il. Pour ce quinqua qui atteint tout juste la rentabilité, tout rentre en jeu : choix du lieu d’implantation, mise en place d’un réseau de fournisseurs, foi et patience, etc. « Heureusement, j’ai la fibre commerçante », affirme ce néocaviste sauvé de profundis par la bosse du commerce. I. F.
Vignereuse), Marine Leys, ancienne cadreuse de documentaires sous-marins, a négocié plus d’un an pour récupérer en fermage cinq hectares sur un coteau calcaire, un prérequis pour se lancer. Son « compagnonnage vigneron », elle l’a fait : découverte de la vigne en Turquie en 2006, formation à distance dans le cadre d’un Brevet professionnel responsable d’entreprise agricole à Beaune, une saison de taille au domaine Plageoles puis une autre en vinification.
Si proche d’arriver, en 2013, la jeune “quadra” se confronte au refus du fermier en place, un viticulteur proche de la retraite. « Tu n’es pas de la région, tu es une fille, tu es seule, tu n’y arriveras pas », lui objecte-t-il. Il lui faudra passer par un “parrain”, Bernard Plageoles, pour se faire accepter. « Depuis, on s’est adopté, il est tout le temps sur mon dos, il m’aide pour la tonte, pour le passage du tracteur et je suis derrière avec l’interceps », sourit-elle. Pour Marine, un autre facteur d’intégration a été son adhésion à l’association d’obédience bio et biodynamique Terres de Gaillac. « On se prête des outils, on se conseille… Mais au quotidien, on reste fondamentalement seul au moment de faire les choix stratégiques », reconnaît-elle.
SANS PEUR ET SANS SALAIRE
Se lancer, avec ou sans argent, reste très difficile. Chaque année, des gens rejoignent et quittent ce métier. Ceux qui abandonnent, on n’en parle pas. La journaliste Laure Gasparotto est passée par la case vignes en Terrasses du Larzac avant de revendre son domaine à deux avocats parisiens – un nouveau passage de relais. Pour la première fois avec son ouvrage Vigneronne (éd. Grasset, 2021), quelqu’un témoigne sur le choix difficile d’interrompre un projet d’entreprise viticole. « Le livre a eu un effet thérapeutique, même chez les vignerons installés depuis longtemps. Parce que je n’étais plus vigneronne, j’ai pu mettre des mots sur la réalité du métier », raconte-t-elle. Des mots crus de vérité : la solitude, l’angoisse des échéances financières, la paperasse administrative, les aléas climatiques, etc. « Le vin fait rêver. Le vigneron est pris en étau entre la représentation sociale d’une profession fanatisée et la vie simple et rustre de la terre. Avec cette pudeur de taire la réalité économique – les vignerons sont possédés par les banques – et des décennies de misères traversées avant de connaître le succès », reprend-elle.
Venu du digital, Pierre Brisset a créé sa maison de négoce bourguignonne en 2014.
Chaque année, des gens abandonnent ce métier. On n’en parle pas