Pas de l’Escalette : vingt ans d’un engagement total
Retour sur l’épopée de deux vignerons audacieux qui ont imposé leur style avant-gardiste sur le terroir des Terrasses du Larzac.
Bientôt vingt ans qu’ils se sont fixés sur les pentes de Poujols, tout en haut du Languedoc. Julien Zernott avait assuré à Delphine Rousseau que pour faire du bon vin, il fallait de l’eau. Delphine travaillait alors pour Skalli, sur les quais de Sète. Elle croyait à la région, elle a trouvé les parcelles. Julien officiait à Menetou-Salon, chez Henry Pellé. Il est descendu voir. Et là, sous les calcaires blindés de soleil qui dévalent du Causse du Larzac, il a senti la vibration de l’eau souterraine. La vie.
FOI ET AMOUR
Il n’y avait pas grand-chose d’autre en vérité. Ils n’avaient pas un sou, ils ont foncé. Avec la foi et l’amour qui fait soulever les montagnes, ils ont réussi quelque chose de fort, plus fort encore que créer un domaine : ils ont défini un style. Goûtez “Ze Cinsault”, une bombe désaltérante de fraise écrasée. Goûtez “Le grand pas” : ces notes de thé, d’orange sanguine sont l’acmé du grenache mûr et équilibré. Goûtez “Mas Rousseau” : la renaissance du carignan blanc moderne.
Mais, bon sang, comment ont-ils réussi ? Ils ont innové, parfois jusqu’à l’épuisement. Les replantations en massales avec le pépiniériste Lilian Bérillon pour concilier qualité et rendements, les vinifications en grappes entières (50 % minimum), la conversion en biodynamie, le choix assumé de l’axe grenache/carignan, âme du Languedoc.
DEUX PIONNIERS FAÇON GIONO
Et puis, comme tous les grands vignerons, ils avaient ce goût pour la “cuisine”, à la vigne et en cave. Sur les terrasses des Fryes, ils ont lancé des complantations audacieuses. En cave, ils ont enchaîné les cofermentations expérimentales, des vinifications et élevages mêlant béton, cuve tronconique en chêne pour affiner, un zeste de foudre, une pincée de fûts de 600 litres… Du tactile, du sensuel.
Alors un très admiratif salut à Delphine Rousseau et Julien Zernott, fondateurs du domaine du Pas de l’Escalette, aujourd’hui à l’avant-garde de l’AOP Terrasses du Larzac. Deux pionniers façon Giono qui ont quitté leur Loire chérie, leurs amis Thierry Germain, Alphonse Mellot et consorts pour se forger un destin sudiste. Deux descendants de paysans, elle de la Beauce, lui de Picardie (avec 50 % d’Alsace quand même, la complantation a du bon…). Et surtout, bon anniversaire !