La Revue du Vin de France

La Bourgogne pleure Louis-Fabrice Latour

Il aimait la politique, le journalism­e mais a brillammen­t endossé son destin dans la maison familiale. Pour l’amour de la Bourgogne.

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Il est parti en pleine vendange d’un millésime qui s’annonce exceptionn­el en Bourgogne, laissant une maison qui signe son plus bel exercice depuis 200 ans. Quelle plus belle épitaphe ? Sa famille, ses amis, ceux qui l’aimaient ont enterré Louis-Fabrice Latour ce 9 septembre à Beaune. Il avait 58 ans. Les murs de la basilique Notre-Dame étaient trop étroits, on se pressait sur le parvis.

Louis-Fabrice Latour, quel parcours. Trente ans durant, il a exercé dix métiers à la fois, pas les plus faciles. Incarner la maison bicentenai­re, fidéliser les hommes et les femmes dans l’entreprise. Bichonner les vignes, gérer les “appros” en raisins. Jauger les ventes aux États-Unis, affermir ses positions en France, tenir bon en Chine. Arbitrer entre qualité, volumes et prix. Anticiper le réchauffem­ent, gérer les médias. Et puis “driver” la famille actionnair­e, le côté le plus secret de sa fonction, pas le plus simple.

DE CORTON À L’AUXOIS

Interne au Puy-en-Velay passé par Sciences Po Paris, amateur de politique et de journalism­e, il a finalement endossé son destin viticole avec une réussite exceptionn­elle. Il laisse une maison revigorée, réinstallé­e dans le trio de tête de la Bourgogne du vin aux côtés de Boisset et Louis Jadot. Mais ces succès éclairent aussi la difficulté du métier de négociant-propriétai­re-héritier.

Feuilletan­t l’album de sa vie, on revoit Louis-Fabrice au Clos de Vougeot, à Beaune lors de la vente des Hospices, à Vinexpo, à Wine Paris, faisant la tournée des ministères, sillonnant les États-Unis, passant des Grands crus de Corton à la relance du vignoble dans l’Auxois reculé.

Amateur d’histoire et admirateur de Napoléon, il fut collectif par conviction :

coprésiden­t du Bureau interprofe­ssionnel des vins de Bourgogne, patron de la Fédération des exportateu­rs de vins et spiritueux. Il s’est aussi épuisé à la tâche. Par fidélité. Pour la Bourgogne.

Tous sont venus saluer cet engagement le 9 septembre, Albéric et Constance Bichot bien sûr, le clan Drouhin au complet, Pierre-Henry Gagey (Jadot), Erwan Faiveley, Gilles de Larouzière Henriot (Bouchard Père & Fils), Laurent Delaunay, son successeur au BIVB, Aurore et Amaury Devillard. Le légendaire Marcel Guigal et Frédéric Engerer (Clos de Tart, domaine d’Eugénie) étaient là. Et tout le personnel de la maison Latour, ruban “vert Latour” au revers de la veste.

Nous saluons Patricia sa femme, ses mots clairs dans la basilique, leurs quatre beaux enfants. L’un d’entre eux succédera-t-il à Louis-Fabrice, le septième Louis de la maison, la onzième génération depuis 1797 ? Louis a l’âme littéraire, Victor démarre ses études de commerce, Gaspard est jeune. On pense à Éléonore, l’aînée, qui termine son droit à ParisPanth­éon-Assas. Il faudra aussi compter avec les très nombreux actionnair­es familiaux de la maison et la pression des investisse­urs qui pèse sur la Bourgogne. Louis-Fabrice Latour, c’est certain, a dû y penser.

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Louis-Fabrice Latour : direct, à l’écoute, engagé.

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