La Revue du Vin de France

Déménageme­nt risqué pour le “Louvre de la vigne”

- Idelette Fritsch

Jusqu’à la dernière minute, Philippe Mauguin, P.-D.G. de l’Inrae, a interrogé les plus éminents chercheurs réunis en comité de pilotage :

- « Prend-on encore des risques si l’on transfère la collection de Vassal ? »

- « Oui », ont-ils opiné.

- « A-t-on déjà fait une opération d’une telle ampleur ? »

- « Non, jamais. »

Malgré tout, après dix ans d’atermoieme­nts, l’Institut de recherche saute dans l’inconnu. La plus grande collection ampélograp­hique au monde déménage : 8 500 cépages provenant de 50 pays soit la moitié des variétés existantes dans le monde, des plants ancestraux tombés dans l’oubli comme les mavrud ou melnik bulgares, l’oeillade ou le chatus. Ce qui lui a valu son prestigieu­x surnom : le “Louvre de la vigne”.

POUSSÉ À LA PORTE

Créé en 1949 sur les sables du cordon littoral de Marseillan-Plage afin d’être protégé du phylloxéra, le domaine de Vassal est transféré à 30 mètres au-dessus du niveau de la mer, sur une propriété de l’Inrae, l’unité expériment­ale Pech À Pech Rouge, dans le massif de La Clape, Philippe Mauguin, P.-D.G. de l’Inrae (au centre), inaugure le nouveau site de la collection ampélograp­hique du domaine de Vassal.

Rouge, dans le massif de La Clape. « Avec les dangers de submersion marine, le risque était trop grand de se retrouver tout nu sur la plage », avance Philippe Mauguin.

Mais dans la liesse du “top go”, l’Inrae passe sous silence les raisons qui ont motivé ce départ. Tout a démarré en 2013 lorsque l’Inrae est poussé à la porte par son ancien bailleur, le domaine Listel (Vranken Pommery), propriétai­re des 27 ha de Vassal. L’institut est contraint d’annoncer un « transfert d’urgence » qui prendra en réalité plus de vingt ans.

Car le chantier, programmé jusqu’en 2034, est colossal. Il faut assainir la collection dont les deux tiers sont virosés et la protéger des nouvelles maladies une fois qu’elle aura quitté les sables protecteur­s de Marseillan. Sur les clacaires de Pech Rouge, la contaminat­ion des plants par le court-noué, transmis par des nématodes (vers) du sol, transforme ce déménageme­nt en mission à risques.

« Quand on arrache une vigne, il faut trente ans pour que le court-noué disparaiss­e », explique Sylvain Labbé, président du centre Inrae Occitanie-Montpellie­r. D’où l’idée des chercheurs de réimplante­r la collection sur un sol vierge, soit 11 hectares de garrigue à défricher. Pour conserver la ressource génétique, chaque cep sera emmailloté dans de la laine de roche, dans 4 000 m2 de serres. Premières plantation­s attendues en 2024.

 ?? ??

Newspapers in French

Newspapers from France