La Revue du Vin de France

EN BOURGOGNE, DES « VINS PARFAITS »

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Son portrait de la Bourgogne viticole et de la qualité de ses vins donne à comprendre que, dès cette époque, les vins de la Côte-d’Or étaient soumis à un questionne­ment qui fait écho à notre approche contempora­ine de ce vignoble. « C’est surtout entre Dijon et Châlon, dans les arrondisse­ments de Beaune et de Dijon, qu’on récolte ces vins célèbres, connus sous le nom de “vins fins de Haute-Bourgogne”, qui, s’ils ont quelques rivaux, ne sont surpassés par aucun d’eux, écrit André Jullien. Les vins des premiers crus, lorsqu’ils proviennen­t d’une bonne année, réunissent, dans de justes proportion­s, toutes les qualités qui constituen­t les vins parfaits ; ils n’ont besoin d’aucun mélange, d’une préparatio­n pour atteindre leur plus haut degré de perfection. Ces opérations, que l’on qualifie, dans certains pays, de “soins qui aident à la qualité”, sont toujours nuisibles aux vins de la Côte d’Or. Ils ont un bouquet qui leur est propre et qui ne se développe souvent qu’au bout de trois à quatre ans. C’est les altérer que d’y introduire des substances aromatique­s ou d’autres vins, quelle qu’en soit la qualité. Il ne convient même pas de les mêler ensemble ; car la réunion de deux vins de la première classe serait suivie de la perte de leur bouquet, et ne produirait plus qu’un vin inférieur à ceux de la seconde, et même de la troisième classe. »

Dans son décompte précis, l’auteur rappelle que le vignoble bourguigno­n couvre 33 200 hectares et qu’il y est produit en moyenne 779 000 hectolitre­s de vin par an. « Les habitants en consomment 315 000, et le surplus est livré au commerce d’exporta

Le vignoble d’Île-de-France est vaste mais de piètre qualité, note André Jullien.

viron 30 millions d’habitants. Il précise aussi les régions où l’on produit du cidre à la place du vin, comme la Normandie ou la Bretagne. Et celles où l’on boit de la bière, comme dans le nord de la France.

L’air de rien, le vin représente à lui seul une consommati­on moyenne annuelle d’environ 100 litres par personne, en comptant les enfants. Les Français étaient-ils tous alcoolique­s ? Il ne faut pas nécessaire­ment voir de malice dans cette consommati­on dispendieu­se. Le vin était aussi une boisson hygiénique, comme le soulignera plus tard Pasteur, en ce sens que, coupé à une eau rarement potable, il permettait de la désinfecte­r. Ainsi la population devait ingurgiter une boisson de quelques degrés d’alcool, comme l’étaient la bière ou le cidre que Bretons, Normands et Picards consommaie­nt dans ces régions septentrio­nales où la vigne ne pouvait mûrir convenable­ment.

Cette photograph­ie met à bas certaines théories d’historiens, notamment autour de la Révolution française. Selon certains, le vin était une boisson trop chère pour le petit peuple. Or, l’ouvrage d’André Jullien montre le contraire. Dans toutes les campagnes, le vin est servi à table et la consommati­on moyenne annuelle est bien trop élevée pour être réservée à la seule population aisée du pays.

À l’époque, la consommati­on de vin est de 100 litres annuels par personne

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