La Revue du Vin de France

À Sens, ils réinventen­t le bourgogne des moines

Frédéric Duponchel et ses enfants font renaître un vignoble chanté par Olivier de Serres mais disparu depuis cent ans.

- Denis Saverot

Né à Sens il y a 59 ans, Frédéric Duponchel habite encore la maison dans laquelle il a vu le jour. Entre-temps, après l’ESCP Europe et des armes chez Arthur Andersen, ce fils d’entreprene­ur a fondé Accuracy avec six associés. Accuracy ? Un important cabinet de conseil installé à deux pas de l’Élysée qui emploie 500 personnes dans douze pays.

Trente ans de travail forcené et pourtant, Frédéric Duponchel a trouvé le temps de réaliser son rêve secret : refaire du vin autour de Sens, Paron et SaintMarti­n-du-Tertre, là où les moines en produisaie­nt voilà 400 ans. Un vignoble célébré en 1599 par Olivier de Serres mais disparu au XXe siècle, ruiné par le phylloxéra et la Grande Guerre.

À coups de rachats de terres ici et là, Duponchel a recréé le domaine des Sénons. Le voilà déjà à la tête de neuf hectares, bientôt douze. Quatre “climats” sont exploités sur Saint-Martin, Hauts et Bas-Glaciers, Vaux-Gaudins, Peau du Loup ; deux autres sur Paron : Côte de Paron et Crêves Coeur. Chardonnay, pinot gris, pinot blanc et pinot noir y ont été plantés depuis 2019. Les Sénons comptent aussi 2 400 m2 de caves médiévales taillées dans la craie.

Achat de plants chez le pépiniéris­te Lilian Bérillon, constructi­on d’un chai gravitaire ouvert sur la Vallée de l’Yonne, contrat avec l’oenologue bordelais Thomas Duclot, mobilisati­on de l’historien Jean-Pierre Garcia, Frédéric Duponchel et son épouse Marie n’ont rien laissé au hasard. Ils ont aussi le sens de la famille : c’est Marie leur fille et son mari Florian Ruscon, un triathlète

passé par l’ESA Angers, qui exploitent le domaine. Titulaire d’un BTS viti-oeno, Marie s’est formée chez Guillaume d’Angerville à Volnay puis au domaine Richoux à Irancy. Plutôt prometteur.

Déjà certifié bio, le domaine travaille en biodynamie et enchaîne les expérience­s. Ici une complantat­ion des trois pinots (noir, gris et blanc) sur un demi-hectare, là des pinots noirs francs de pied en gobelet sur dix ares.

Bien sûr, faire renaître un vignoble disparu depuis cent ans a un coût. « Il faut compter 30 000 euros l’hectare pour produire des raisins de cuve à partir d’une parcelle de terre nue », estime Frédéric Duponchel. Plus trois millions pour le chai et la cuverie. Sans compter l’achat de matériel. Des emprunts et subvention­s (région, FranceAgri­Mer) ont été utiles.

Et le vin ? Gel oblige, la première vendange sur les Vaux-Gaudins, en 2021, n’a donné que 850 bouteilles d’un chardonnay salin. En 2022, Les Sénons a produit 110 hectolitre­s de chardonnay, 25 de pinot noir et 500 bouteilles de pinot gris. Le domaine signe aussi un Vin de France issu d’achat de raisins élaboré dans un esprit “nature” (cuvée Le Sensé).

À noter : bien que situé dans la Bourgogne administra­tive, le domaine des Sénons est juste à l’extérieur de l’AOP Bourgogne, qui s’arrête à Joigny. Les vins sortent donc en IGP Yonne. Une expérience originale.

 ?? M.Meunier/Domainedes­Sénons ?? Marie et Florian Ruscon se sont installés au domaine des Sénons.
M.Meunier/Domainedes­Sénons Marie et Florian Ruscon se sont installés au domaine des Sénons.

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