Le verre de la discorde
Tous les bilans carbone réalisés dans la filière vitivinicole s’accordent sur les postes qui pèsent le plus lourd dans l’empreinte carbone du vin, à savoir par ordre d’importance : le conditionnement, le vignoble – énergie consommée, émission de protoxyde d’azote, amendements en azote, etc. – et le transport. Le premier est intimement lié au troisième puisque le poids du conditionnement impacte les émissions de gaz à effet de serre pendant le transport. Alors que les alternatives se multiplient, on peut donc se demander si les jours de la bouteille en verre sont comptés. Un conditionnement énergivore du fait de sa manufacture et de son poids.
D’un point de vue purement environnemental, toutes les autres solutions (bouteilles en plastique, Bag in Box, fibre de lin, carton recyclé, canette…) ont une empreinte carbone nettement inférieure. La fiabilité technique de ces conditionnements a longtemps, et légitimement, été montrée du doigt. Les limites du Bag in Box ou du polyéthylène téréphthalate (PET) sont évidentes. Ils ne peuvent être utilisés que pour des vins à très courte durée de vie. Qui plus est, ils ne sont pas composés de matériaux biosourcés ou biodégradables.
Certains bioplastiques développés récemment offrent davantage de garanties en matière d’imperméabilité et ont le mérite d’être basés sur des matières d’origine végétale ou des effluents, et non sur des matériaux d’origine fossile. Le PEF (polyéthylène furanoate), par exemple, est un plastique biosourcé issu des sucres contenus dans certaines variétés de céréales ou dans la betterave. Le PHB (PolyHydroxyButyrate) est, quant à lui, produit à partir d’un polymère obtenu par fermentation de la matière organique issue des eaux usées de l’industrie des jus de fruits.
Des pistes intéressantes ; cependant, à date, les systèmes de recyclage de ces matériaux ne sont pas encore opérationnels. Ces plastiques biologiques sont aussi annoncés comme biodégradables. Cela n’est souvent vrai que dans le contexte d’un compostage industriel. Par ailleurs, ces bouteilles ne se dégradent pas dans l’eau et contribuent donc à la pollution des océans.
Les premiers prototypes de bouteilles en fibre de lin et résine d’arbre sont intéressants, mais le film alimentaire plastique intérieur n’est pour l’instant ni biodégradable, ni biosourcé. Quant aux bouteilles en carton recyclé, même si les derniers spécimens sont prometteurs, nous n’avons pas encore assez de recul sur leur tenue dans le temps ou le taux de recyclage.
Reste la canette, probablement le conditionnement le plus encourageant à ce stade : techniquement plus fiable, systèmes de recyclage existants et largement utilisés. Jancis Robinson vantait d’ailleurs récemment la qualité de cette alternative et de certains vins dégustés en canette. Il faudra suivre cela de près. Pour autant, restent deux freins majeurs à son adoption massive : la perception qualitative des consommateurs et la volonté des producteurs. Si l’on se réfère, en France notamment, au taux d’adhésion à la capsule à vis, il semblerait que la tradition ait encore de beaux jours devant elle. Peut-on réellement imaginer nos meilleurs crus conditionnés en canette ?
Revenons donc à notre bouteille en verre. Si elle reste une solution d’avenir, la réduction de son poids est un enjeu majeur. Lorsque la Champagne a décidé, en 2010, de réduire de 65 g le poids de son flacon, elle a économisé 8 000 tonnes équivalent CO2 par an, soit ce que rejette un parc automobile de 4 000 véhicules. Au Québec et dans certains pays scandinaves, le poids de la bouteille est devenu un critère de choix pour les vins importés. À bon entendeur ! L’idée d’un système de consigne pourrait aussi être creusée. Alors, adieu la bouteille en verre ? Vraisemblablement pas. Mais elle aussi va devoir se serrer la ceinture.•
«Jancis Robinson vantait récemment la qualité de certains vins dégustés en canette »