La Tribune de Lyon

ANDRÉ SOULIER « JE NE SUIS PAS FAIT POUR ÊTRE UN NUMÉRO DEUX »

À bientôt 83 ans, André Soulier arpente toujours les couloirs des cours de justice. Mais une grande part de sa carrière s’est aussi jouée en politique, et le doyen des avocats lyonnais conserve de ce parcours, ses difficulté­s et ses échecs, un souvenir ai

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PROPOS RECUEILLIS PAR LUCAS DESSEIGNE

À 82 ans, vous plaidez encore. Qu’est- ce qui vous motive ?

ANDRÉ SOULIER : Il y a un principe qui domine chez moi maintenant, c’est le principe de plaisir. Si le travail devient un fardeau trop lourd à porter, si vos facultés intellectu­elles diminuent, si vous êtes moins preste, moins réactif, il faut s’en aller. J’ai la chance d’exercer un métier depuis bientôt 57 ans et j’en éprouve toujours du plaisir. Cela pour une raison simple. D’abord, ce n’est jamais deux fois la même affaire. Et puis, je ne suis pas adepte du free

fight, comme disent les Anglais, mais tout de même, la baston c’est quand même mon métier. Ce n’est pas un affronteme­nt mortel mais il y a la nécessité d’agir vite, prévoir des stratégies, adopter des tactiques. Ce plaisir, je l’éprouve depuis le début. Je pense aux footballeu­rs. Ils ne jouent pas longtemps, ils savent qu’après quinze ans leur carrière est finie. Moi cela fait plus d’un demi- siècle.

C’est le plaisir qui vous a aussi guidé en politique ?

C’est une des grandes interrogat­ions de ma part sur mon parcours. Je n’ai pas accompli un parcours politique aussi achevé qu’il m’était promis.

Promis par qui ?

Par Édouard Herriot. Par Pierre Mendès- France, qui a été mon maître. Par François Mitterrand, avec qui j’ai passé 15 ans. Si j’étais resté avec François Mitterrand, dans l’intimité duquel j’étais, je serais allé à la chanceller­ie, soit avant Badinter, soit après lui. D’autres y sont allés qui n’étaient pas plus valeureux que moi.

Pourquoi avoir quitté François Mitterrand pour faire votre carrière politique à Lyon ?

Je m’en suis séparé pour des raisons qui n’étaient pas strictemen­t politiques, mais à cause d’un homme de son entourage, François de Grossouvre. C’est celui qui s’est suicidé à l’Élysée en 1994. Moi, je ne me suis pas suicidé sur le paillasson du président de la République.

Avec le recul, vous dites pourtant que vous avez tué votre carrière politique en 1976 en venant à Lyon…

Oui, bien sûr. Quand je décide de quitter Mitterrand, c’est fini. Si je ne pars pas… François Mitterrand

m’avait dit : « Prenez la tête de la liste à Villeurban­ne. On fera une élection avec les communiste­s à Lyon, et une sans eux à Villeurban­ne. » À l’époque, j’étais maire d’un petit village dans le Beaujolais. J’avais répondu l’imbécillit­é la plus inimaginab­le : « Quand on est maire de Villié-Morgon, on ne devient pas maire de Villeurban­ne. » Avouez que j’étais un peu con quand même.

C’était un manque d’ambition ?

C’était surtout stupide. D’autant que c’est moi qui lui propose le nom de Charles Hernu à l’époque…

Vous n’avez finalement jamais été maire de Lyon.

Il aurait suffi que je me batte ou que je le veuille pour le devenir… Mais je n’ai jamais été tête de liste.

Pour quelle raison ?

Je suis d’abord un avocat. Je ne dis pas que j’étais programmé pour être avocat, mais peut- être. Pendant

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