« Le numérique sature notre cerveau »
Docteur en psychologie cognitive, Gaël Allain traite de la question de « l’infobésité » au travail. Assaillis par de multiples informations, les salariés ne savent plus gérer ces sollicitations intempestives. Ce qui a un coût réel pour l’entreprise. Le sc
Vous travaillez sur la « sur- sollicitation numérique » , qu’est- ce que c’est ?
Les Québécois parlent d' « infobésité » . C'est le fait que les outils numériques qui nous entourent accaparent en permanence le cerveau. Il n’est jamais relâché, alors qu'il a besoin de moments dans lesquels il va traiter les infos à son rythme. C’est ce qu’on appelle le « mode par défaut » . Les outils numériques réduisent ces plages où l’on peut un peu laisser libre cours à nos pensées.
Cela favorise le stress ?
Oui, pendant ces « modes par défaut » où l’on n'a pas l'impression de faire grand- chose, notre cerveau travaille, en fait, comme un fou. Il va reclasser des informations, faire des liens entre des connaissances anciennes et des connaissances plus récentes. Et si le cerveau n'a plus le temps de faire ce qu’on appelle la « régénération émotionnelle » , il devient en difficulté, d'où une augmentation du stress, le fait que l’on devienne irascible, irritable. Dans les formes extrêmes, cela peut conduire à un épuisement professionnel, voire ce qu'on appelle le burn- out. Le cerveau ne peut pas du tout aller au rythme des sollicitations numériques, des mails, des notifications sur smartphone… Ce n'est pas possible, surtout que c'est une situation un peu exceptionnelle qui devient la norme dans le monde moderne. Depuis que l’on est enfant, on est censé être capable de se concentrer tant d’heures par jour. Mais ce n'est pas du tout comme ça qu'un cerveau fonctionne.
Ces sollicitations vont en s’accélérant ?
On est sollicité H- 24. Si ce n'est pas par des contacts directs, ce sont les réseaux sociaux qui envoient des notifications sur nos smartphones. Avant, la voiture était un espace de liberté dans ce sens- là. C’était un moyen de rester dans sa bulle. Il y en a qui conservent cela comme un moment peinard. Mais il y a des gens qui ne le font plus, parce que dans la voiture, dans les transports en commun, nous sommes tout le temps connectés.
Y a- t- il des effets physiques ?
Il y a des effets sur la qualité du travail. On perd le fil. On travaille tout le temps en réaction à des infos qui arrivent et jamais en choisissant ce que l’on veut traiter.
La sur- sollicitation a donc des effets sur l’entreprise ?
Bien sûr. Par exemple, si on intègre les coûts de la distraction, un open space n’est pas très fonctionnel, ni rentable. On est tout le temps interrompu et cela a un coût réel : lorsqu’on est interrompu dans notre travail, on perd au moins 30 % de temps à se remettre à notre tâche.
Quelles pourraient être les solutions pour lutter contre cela ?
Je conseille notamment de virer les pushs, les notifications des smartphones, ne consulter ses mails que trois ou quatre fois par jour. Quand on habitue notre cerveau à recevoir en permanence des stimulations qui arrivent de l'extérieur, cela devient très difficile de se mobiliser dans la réalisation d'une activité qui paraît vite un peu fastidieuse. Ce qu'il faut viser maintenant, même si cela paraît énorme, voire im-