La Tribune de Lyon

« L’affaire Barbarin, c’est devenu le combat de ma vie »

- PROPOS RECUEILLIS PAR ANTOINE COMTE @ AntoineCOM­TE

Il y a un an, François Devaux révélait l’affaire Preynat. Ancien scout de la paroisse Saint- Luc à Sainte- Foy- lès- Lyon, où il a été victime du prêtre déviant début 1990, celui qui est aujourd’hui président de l’associatio­n La Parole Libérée rassemblan­t les victimes de prêtres pédophiles dans toute la France, aurait voulu aller encore plus loin.

Quel bilan tirez- vous de l’année qui vient de s’écouler ?

FRANÇOIS DEVAUX : Même si nous sommes conscients d’avoir placé l’Église au coeur d’une tempête médiatique et judiciaire, pour moi le bilan est mitigé. Ce qui est positif, c’est que nous sommes parvenus à faire prendre conscience aux fidèles que l’institutio­n religieuse ne pouvait plus fonctionne­r de la sorte. Même s’il y en a encore qui réagissent comme des moutons et qui ne remettront jamais en cause un diocèse qui couvre toujours en 2016 des prêtres pédophiles, ils sont aujourd’hui une majorité à se poser des questions. En sillonnant la France, à Paris, Lille et bien sûr Lyon, je me suis rendu compte que le sujet a été abordé dans quasiment tous les foyers. Dans les taxis, les chauffeurs me disaient et me disent encore : « Ah oui, La Parole libérée, c’est vous, bravo… »

Pourquoi parlez- vous de bilan mitigé alors ?

En fait, plus on monte dans la hiérarchie religieuse, moins la prise de conscience est réelle. Quand nous avons interpellé les prêtres pour qu’ils se positionne­nt publiqueme­nt, aucun d’entre eux n’a pris la parole pour condamner le silence du cardinal Barbarin. C’est dommage, parce que nous savons très bien qu’ils n’en pensent pas moins. Pour ce qui est de leur hiérarchie, là, je considère que nous avons raté le coche. Nous ne sommes pas parvenus à faire prendre conscience aux plus hautes sphères de l’Église que ses agissement­s ne sont pas acceptable­s. Je parle aussi bien du diocèse de Lyon que du Vatican.

Le pape François a quand même dû prendre part au débat… Sans vous, il ne serait jamais sorti de sa réserve, non ?

Oui, mais le pape qui répète qu’il a mis en place une tolérance zéro pour en finir avec les prêtres déviants et les évêques négligents, ne fait que de la com’. Il préfère recevoir les responsabl­es de Facebook ou des youtubeurs, plutôt que de répondre à nos courriers. Ce n’est pas sérieux.

Qu’aurait- il fallu faire pour que la prise de conscience soit totale ?

Je pense que si le procureur, même si ce n’est pas son métier de s’impliquer dans une démarche morale, puisqu’il est là pour appliquer les lois, avait pris la décision d’instruire cette affaire Barbarin au lieu de la classer sans suite cet été, cela aurait pu permettre de crédibilis­er encore un peu plus notre action. Pour moi, il n’y a pas qu’une affaire Preynat. Il y a surtout une affaire Barbarin, voire une affaire pape François…

Avec une condamnati­on du cardinal Barbarin à la clé ?

Non, pas forcément. Ce que nous voulions au moins, c’est que les principaux protagonis­tes de l’affaire puissent être confrontés notamment sur les dates. Le cardinal affirme qu’il n’était pas au courant des agissement­s du père Preynat et qu’il était donc dans son bon droit de le nommer doyen en 2013 en charge de six paroisses. Je pense qu’une action judiciaire plus poussée aurait pu permettre d’enfoncer le clou.

Ne vous reste- t- il pas quand même d’autres armes judiciaire­s à dégainer ?

Si, cela peut passer par des dépôts de plainte avec constituti­on de partie civile dans le but de saisir le doyen de la cour d’appel de Lyon et donc forcer l’instructio­n. Tout cela se décidera dans les prochains jours. Mais pour moi, le combat n’est pas que judiciaire. Il a été citoyen et on espère qu’il le restera. On compte aussi beaucoup sur le livre de la journalist­e de La Croix, Isabelle de Gaulmyn,

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