La Tribune de Lyon

CONFLUENCE : UN QUARTIER QUI CHERCHE SES MARQUES

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« Cette proximité avec la nature en centre- ville, cela ressemble à un argument marketing, mais c’est quelque chose de vrai »

choix. « Ici, c’est cent fois plus calme. Pour promener mon chien, c’est beaucoup plus agréable. » Âgée de 21 ans, elle admet faire partie, avec son ami, des « petits jeunes du quartier » . « Mais ce n’est pas dérangeant » , affirme- t- elle. De fait, les ménages avec enfants semblent s’être installés en force dans les environs. Pauline, 38 ans, installée depuis deux ans, profite du soleil pour « glandouill­er le mercredi après- midi » dans le jardin d’Erevan, pendant que ses enfants jouent dans l’herbe à côté. Elle dit apprécier « la verdure et l’absence de circulatio­n. Au départ, on cherchait dans le 6e arrondisse­ment, mais finalement on a trouvé ici. C’était même un peu moins cher. » Son amie Marie, venue de Paris il y

a quatre ans, acquiesce. « Et puis ce n’est pas loin de la gare » , appuie- t

elle. « Cette proximité avec la nature en centre- ville, cela ressemble à un argument marketing, mais c’est quelque chose de vrai. Les rives de Saône, les jardins aquatiques, la darse… sont vraiment agréables » , présente pour sa part Mathieu Jeannet, qui a habité ici pendant cinq ans, et continue à y travailler. Plus loin dans la surenchère, Sylvère Étienne, président de l’associatio­n de copropriét­aires du bâtiment Minami, quai Riboud : « Bon, je suis à la retraite, mais depuis que je suis ici, j’ai l’impression d’être en vacances. » Ce Parisien installé depuis juillet 2015 ne tarit pas d’éloge sur sa nouvelle vie quotidienn­e. « C’est la nouvelle Tête d’Or, ici. Le dimanche, les gens viennent de tout Lyon pour flâner sur les quais. »

Un des quartiers les plus chers de

Lyon En résumé, l’écoquartie­r de la Confluence revêtirait, sept ans après l’arrivée de ses premiers habitants, des apparats de petit jardin d’Eden. Sauf que, en grat- tant un peu, le vernis soigné laisse apparaître quelques craquelure­s. Premier point noir, et il est plutôt logique : le prix. Si 25 % des logements sont des logements sociaux, vivre dans un ensemble aux airs de concours d’architectu­re grandeur nature a un coût. Dans certains logements, le prix au mètre carré dépasse les 5 000 euros et peut grimper jusqu’à 10 000 euros, quand la moyenne lyonnaise est d’environ 3 400 euros. Dans la tour Jean Nouvel, qui doit être inaugurée en 2018, un appartemen­t au dernier étage, avec 272 m2 de terrasse et une vue panoramiqu­e, est actuelleme­nt en vente pour la modique somme de… 2,2 millions d’euros. Soit un sommet pour le marché immobilier lyonnais. Un phénomène que Marcel Brévi, président du Comité d’Intérêt Local

( CIL) Sud Presqu’Île – Confluence, résume à sa manière : « Une partie des habitants du quartier est composée de retraités qui vivaient dans de grandes villas puis qui en ont eu ras la casquette de la tondeuse à gazon. Des gens qui sont revenus en ville et que 7 000 ou 8 000 euros le mètre carré ne rebutaient pas. » Sans même atteindre ces hauteurs, les prix obligent certains à quitter le quartier, quand bien même ils l’habitaient depuis des années. C’est le cas de Mathieu Jeannet, forcé de partir, « avec un pincement

au coeur » . « À la naissance de notre troisième enfant, nous n’avons pas trouvé de logement avec une surface adaptée correspond­ant à nos capacités financière­s. Les prix élevés,

c’est une réalité. » Cela alors que, dans le même temps, la qualité des bâtis, elle, a été largement décriée, notamment dans les premiers immeubles livrés en 2010. Finitions mal exécutées, fenêtres qui se déchaussen­t, gravats entassés sous les baignoires… Les témoignage­s qui mentionnen­t un travail effectué à la va- vite sont nombreux. Cyrielle, la jeune étudiante de 21 ans, a ainsi déménagé d’un premier appartemen­t qui subissait intempesti­vement des infiltrati­ons d’eau. Elle et son ami ont souhaité rester dans le quartier, mais elle est formelle : « Je n’achèterais pas d’appartemen­t ici. Un million d’euros pour cette qualité, c’est trop risqué » , dit- elle tout en pointant du doigt deux plaques manquantes sur la devanture d’un immeuble. Pour Denis Broliquier, le maire du 2e arrondisse­ment, si le phénomène « n’est pas propre au quartier, il y a incontesta­blement eu des pressions très fortes pour terminer les chantiers rapidement. Gérard Collomb souhaitait inaugurer très vite » . Artères animées et rues désertes Mais, si le quartier a un goût d’inachevé, c’est aussi dû aux nombreux commerces vides aux rez- dechaussée des immeubles. Qu’ils soient récents ou plus anciens, bon nombre de bâtiments voient leur devanture barrée de panneaux « À vendre » ou « À louer » . Rue Casimir- Périer, la Pita Casa est par exemple en vente : en cinq ans, c’est déjà le troisième commerce qui ferme à cette adresse. Rue Denuzière, à quelques mètres, c’est le restaurant Indochine qui ferme ses portes. Le cours Bayard, beau, large et vide, produit l’effet inverse que celui désiré : à 200 m de la darse, il donne l’impression d’être dans un quartier résidentie­l immobile. Quai Riboud, en face de la darse, un local est désert depuis plusieurs mois, ses fauteuils empoussiér­és et abandonnés attendent patiemment un repreneur qui tarde. C’est sur ce même quai que sont implantés la seule boulangeri­e du quartier et le bureau de tabac, qui a ouvert il y a deux ans. De quoi apporter de l’hyper- proximité, mais pas contenter tous les riverains. Jessica fait partie des premiers habitants du coin. Elle a emménagé en 2010. Si elle note une améliorati­on, elle regrette l’absence de commerces. « Je n’aime pas le pain de la boulangeri­e. La boucherie la plus proche est à côté de la gare de Perrache. Il manque cette ambiance de village. Avant, mon mari habitait rue Paul- Bert, on retrouvait plus cette ambiance. » Cette maman d’une petite fille de 8 mois « adore » son appartemen­t, qui lui donne une vue sur la Saône et sur Fourvière, mais elle « n’aime pas trop le quar-

tier. C’est trop neuf. » Mathieu Jeannet, qui a vécu cinq ans à la Confluence et a étudié la question au sein du conseil de quartier, pointe du doigt l’absence de commerces de bouche. « Un caviste, un boucher, une deuxième boulangeri­e ou un marché quotidien apporterai­ent de la vie. » Sylvère Étienne milite également pour la création d’un marché : « Ce serait une belle occasion de créer du lien. C’est ce qui manque encore un peu. » Marie, elle, « regrette les pas- de- porte vides. Mais il ne faut pas exagérer : sur le cours Charlemagn­e, il y a tout ce dont on a besoin. » Seuls regrets de cette mère de famille : « l’absence d’un Picard et d’un supermarch­é bio. Avant, il y avait La Vie Claire et Naturalia,

mais les deux ont fermé. » Attirées par ce nouvel eldorado, les deux enseignes ont ouvert trop vite et se sont cannibalis­ées avant de disparaitr­e. Pour l’heure, le constat est flagrant : les quelques enseignes qui arrivent à s’implanter autour du centre commercial sont des franchises de grandes chaînes. Impossible de trouver un troquet ou un restaurant indépendan­t dans les rues du nouveau quartier. Des équipement­s assez nombreux ? À la SPL Lyon Confluence, qui cha-

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Les quais de la darse, pris d’assaut par les touristes comme par les Lyonnais.

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