La Tribune de Lyon

Mon déjeuner avec Yann Roubert

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À L’Argot, le restaurant- boucherie

du 6e, Yann Roubert débarque en terre familière. Un Bouclier de Brennus au- dessus du comptoir, un patron fan de Clermont et des kilos de viande exposés en vitrine : ici règne un certain esprit rugby. Le président du LOU ne poussera pas le vice jusqu’à se risquer à commander de l’alcool : « J’essaie d’éviter d’en boire le midi. Et si on gagne ce week- end, je risque de boire pas mal de bières » , se marre- t- il, à peine arrivé, après avoir salué patron et employés. Avec toujours un sourire aux lèvres et un faux air ingénu, l’ancien directeur général de GL Events au Moyen- Orient déballe entre deux bouchées de viande – de la salers et de la rubia galega, un délice – ses ambitions pour le club.

Arrivé à Lyon après trois ans et demi à Dubaï – « une ville passionnan­te, pleine d’excès » –,

le natif de Saint- Étienne – « j’ai grandi et joué au foot là- bas, c’est pour ça que je ne parle que de rugby à Lyon » – s’est parfaiteme­nt adapté à Lyon et au rugby. Même s’il confesse garder une passion

pour la voile et l’alpinisme. « J’ai joué au foot et au rugby étant plus jeune, mais après un problème au genou, je me suis tourné vers ces deux discipline­s. Je me réservais une semaine en mer et une semaine à la montagne par an, mais je n’ai plus trop le temps

maintenant. » Parfois présent tous les jours de la semaine au centre d’entraîneme­nt ou au stade, il

concède : « Ce qui me manquerait, c’est peut- être un peu de répit. Mais je ne me plains pas parce que je suis heureux et je n’envisage pas de rater un match. En cinq ans, j’en ai raté un parce que j’étais à l’hôpital en train de me faire opérer du genou. La minute où on gagne, il y a une telle adrénaline que ça vaut tous les sacrifices. » Et a priori, Yann Roubert n’est pas près de quitter le club. Après le LOU, il se verrait bien « rester dans le sport. Les Jeux olympiques, ça m’intéresser­ait. Mais je pense qu’en 2024, je n’aurai pas fini au LOU. »

représente une toute petite partie de ses activités. Même si sans lui et GL Events, le club ne serait pas ce qu’il est, c’est une évidence. Vous êtes président du LOU depuis cinq ans. Avec le recul, comment voyez- vous aujourd’hui le rôle d’un président ? Je dirais qu’un club, c’est à la fois une équipe et une entreprise. Ce n’est ni seulement l’un ni seulement l’autre, et jamais l’un sans l’autre. On est sanctionné par un résultat sportif et un résultat financier, et il faut faire tourner à la fois l’équipe et l’entreprise. À mon sens, il y a trois grandes directions au sein du club : la direction sportive, la direction financière et administra­tive, et la direction marketing et communicat­ion, au sens large. J’essaie de me partager entre tout ça. Vous avez aussi un oeil sur le recrutemen­t. Comment fonctionne­z- vous ? Sportiveme­nt, je me fie aux entraîneur­s, c’est pour ça qu’ils sont là, pour leur expertise et leur savoirfair­e. Ils regardent trois ou quatre matchs récents du joueur ciblé, ce qu’il a fait avant, s’il a des recommanda­tions de gens en qui on a confiance chez nous, et un check- up médical. Par contre, je m’intéresse aussi au profil humain, parce qu’au- delà d’être un bon joueur, il faut que le gars qui vient chez nous soit un « mec bien » et qu’il puisse être compatible avec les autres joueurs, le staff… Si l’humain est aussi validé, alors on se met à parler argent. Ça vous est arrivé de refuser un profil qui collait sportiveme­nt mais qui humainemen­t ne marchait pas ? Bien sûr, encore il y a quelque temps. Le type est arrivé, il ne parlait pas. C’était un joueur de rugby et rien d’autre. On aurait été Marseille, Toulon ou le Stade Français, ça lui était indifféren­t. Et moi, j’ai envie de joueurs qui viennent parce que c’est le LOU, pas seulement parce qu’ils ont un salaire qui leur correspond. Votre rôle est aussi de représente­r le LOU au niveau national. Le club est encore parfois perçu comme appartenan­t aux « nouveaux riches » , c’est quelque chose que vous ressentez ? Le LOU a une histoire mais il faut reconnaîtr­e que très peu de gens se souviennen­t des titres de 1932 et 1933. C’est vrai que le fait d’avoir été élu au comité directeur et au bureau de la Ligue nationale de Rugby a pu aider, je crois que ça n’était plus arrivé depuis Jacky Cadario à l’époque où on était en Pro D2. Ça aide à faire reconnaîtr­e le LOU ? La meilleure reconnaiss­ance, ce sera toujours de gagner. C’est un fait, pour exister dans le sport il faut gagner, et gagner avec la manière si possible… Après, participer aux instances y contribue, ça participe à installer le club. Et puis, je dois dire que j’ai été très bien accueilli par tous les acteurs, on est bien copains avec les autres présidents. Les troisièmes mi- temps, ce n’est pas un mythe. Vous souhaitez mettre Lyon sur la carte du rugby français, mais aussi faire venir le rugby à Lyon. C’en est où ? J’espère que le LOU est de plus en plus implanté, mais l’ambition reste de faire grandir le rugby dans Lyon. Les 30 000 spectateur­s par match, ils ne sont pas encore là. Mais j’ai l’impression que ça grandit. Ne serait- ce que parce qu’il faut se rappeler qu’il y a six ans, au stade Vuillermet, on jouait souvent devant 1 500 personnes. Et je suis aussi assez sensible aux autocollan­ts qu’on voit de plus en plus souvent sur les voitures. ( Il sourit) Dernièreme­nt j’ai eu une petite satisfacti­on : j’étais dans une Autolib à Paris et deux fois de suite je me suis garé derrière une voiture qui avait l’autocollan­t du LOU. C’est un indicateur… Mais, je le répète, le meilleur marketing, ce sera toujours de gagner des matchs. Il faut des victoires et que les gens passent un bon moment au stade. C’est l’atout idéal : les Lyonnais ont des souvenirs à Gerland, ils connaissen­t le stade, le quartier. On a signé pour 60 ans, c’est à peu près le temps qu’a passé l’OL ici. Ils ont gagné sept titres, on espère qu’ils ont laissé de bonnes ondes…

« J’ai envie de joueurs qui viennent parce que c’est le LOU, pas seulement parce qu’ils ont un salaire qui leur correspond. »

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