La Tribune de Lyon

Point de vue de Guillaume Gamblin : le Sytral pénalise- t- il la solidarité ?

Le MAN- Lyon ( Mouvement pour une alternativ­e non- violente) a organisé récemment une action contre « le délit de solidarité dans les TCL » qui a rassemblé 300 personnes à Bellecour. Sur Facebook, l’évènement a touché 440 000 personnes. Guillaume Gamblin,

- GUILLAUME GAMBLIN, MEMBRE DU MAN- LYON

Actuelleme­nt, les tickets de transports en commun lyonnais ne sont pas nominatifs et sont valables pendant une heure. Cependant le Sytral, organisme gestionnai­re des TCL, nous interdit de donner notre ticket à une autre personne en sortant du bus, du tram ou du métro. Pourtant, laisser son ticket encore valable à d’autres personnes est pour beaucoup de Lyonnais. e. s un réflexe de solidarité et un geste de lutte contre l’exclusion. Nous demandons au Sytral de revoir son règlement et d’annuler au plus vite cette interdicti­on, pour au moins quatre raisons. Absurde. Qu’y a- t- il de mal à ce qu’un ticket prévu pour faire voyager une personne durant une heure, fasse ef fect ivement voyager une personne ( à la fois) pendant une heure ? Comment peut- on justifier une telle interdicti­on autrement que par la recherche de recettes maximales pour le Sytral au détriment des usagers et des usagères ? Excluant. Le tarif des tickets TCL est élevé et les p e r s on ne s qui peuvent difficilem­ent payer un déplace- ment sont nombreuses. Cette i n t e r - diction entretient des logiques d’exclusion sociale. Le dépôt spontané de t ickets encore valides à la sortie des métros est un usage très populaire à Lyon. Il agit comme une bulle d’oxygène, une soupape pour de nombreuses personnes qui ont besoin de se déplacer. Malsain. Cette interdicti­on encourage le repli sur soi, l’individual­isme et l’indifféren­ce aux autres. Elle va à l’encontre des valeurs de solidarité et de vivre ensemble que promeut pourtant le Sytral sur le réseau des TCL. On nous interdit de partager, d’être solidaires, on criminalis­e de tels gestes. Cette interdicti­on distille une idéologie qui nous semble perverse moralement et socialemen­t. Il semble que tous les interstice­s de gratuité soient aujourd’hui traqués pour étendre toujours plus l’hégémonie marchande.

Anti- écologique. A l’heure où nous devons mettre l’action pour le climat et contre la pollution atmosphéri­que au centre de nos politiques locales, tout doit être fait pour encourager l’usage des transports doux et des transports en commun. Or cette interdicti­on contribue à dissuader certaines personnes d’utiliser les TCL. Un pas supplément­aire pour le climat serait de mettre en place la gratuité des transports en commun, comme l’ont déjà fait avec succès des villes comme Niort, Dunkerque et Tallinn ( capitale de l’Estonie, 400 000 habitants). Lorsque ce qui est illégal est légitime, il devient juste de contreveni­r à la règle pour faire avancer le droit. C’est le ressort de la désobéissa­nce civile non- violente depuis Gandhi et Luther King. Par cette action à Bellecour, nous assumons le fait de diffuser ce message : « La solidarité n’est pas un délit ! Je continuera­i à donner mon ticket. » Le MAN se fait le relais d’une demande populaire : une pétition lancée en 2017 contre ce délit de solidarité avait recueilli 10 000 signatures. La page Facebook de notre événement a touché 400 000 personnes ! Nous avons fait une demande de rendez- vous au Sytral, restée sans réponse. Gêné par cette campagne, le Sytral essaie de communique­r sur le fait que cette règle a pour but de lutter contre les réseaux de trafic de tickets. Mais l’interdicti­on de revendre un ticket usagé suffirait. Par ailleurs, les familles impliquées dans ces trafics souffrent elles aussi d’un manque de solidarité et d’intégratio­n de le part de la société française. Ne rajoutons pas de l’exclusion à l’exclusion : renversons plutôt la logique pour vivre mieux ensemble à Lyon !

« Cette interdicti­on encourage le repli sur soi, l’individual­isme et l’indifféren­ce aux autres. »

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