Le coin du droit. De l’intérêt social et de la raison d’être d’une société
VÉRONIQUE BAILLY- VIEL • AVOCATE EN DROIT DES SOCIÉTÉS / FUSIONS- ACQUISITIONS • CABINET D’AVOCATS MICHAL & ASSOCIÉS • LYON 4e
Le projet de loi pour le Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises ( loi Pacte) actuellement examiné à l’Assemblée natio
nale propose dans son article 61 d’entériner un aspect fondamental de la gestion des sociétés : « l’intérêt social » . Il ouvre également la possibi l ité aux associés de donner une « raison
d’être » à leur entreprise ( rapport Senard- Notat, L’Entreprise, objet d’intérêt collectif ). Qu’entend- on par « l’intérêt social » de la société ? Il s’agit de marquer, au niveau législatif, la notion de personne morale. La société ne doit pas être gérée dans l’intérêt de « personnes particulières » , à savoir les associés, mais de lui reconnaître son propre intérêt en tant que « personne morale » . La mention des enjeux sociaux et environnementaux permet simplement de préciser que tout dirigeant devrait s’interroger sur les risques et opportunités provoqués par ses décisions et son act ivité en mat ière sociale et environnementale. Cette obligation de prise en considération aura- telle un impact en matière de responsabilité du dirigeant ? Il pourrait commettre une faute en ne prenant pas en considération les enjeux sociaux et environnementaux dans le cadre de ses décisions. Mais le gouvernement a précisé, dans son étude d’impact, que l’intérêt social de la société doit l’emporter sur les enjeux sociaux et environnementaux. La notion de « raison d’être » de la société est- elle totalement nouvelle ? Oui, complètement. Outre des considérations hautement philosophiques, il s’agirait, selon les rapporteurs, d’éviter que les sociétés ne soient guidées que par une seule « raison d’avoir » mais également par une « raison d’être » , ambition que les associés se proposent de poursuivre dans le cadre de leur entreprise. Le rapport Sénard- Notat précité indique que la notion de « raison d’être » peut être déf inie « comme l’expression de ce qui est indispensable pour remplir
l’objet social » . S’agissant de la méconnaissance de la « raison d’être » , si elle est stipulée dans les statuts, les effets devraient se l imiter aux rapports entre dirigeants et associés ; ces derniers pourraient dans un tel cas révoquer le dirigeant. Cette not ion, comme le soul igne le Conseil d’État dans son avis, a vocation a être précisée par la jurisprudence. PROPOS RECUEILLIS PAR PAULINE LAMBERT