La Tribune de Lyon

Vive le XXe siècle

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Il est étrange que ce restaurant, établi depuis « houla, comme le temps file - bientôt

2019 ! » soit passé à travers les mai l les du redoutable chalut de Tribune de Lyon. Certes, on travaille plutôt à l’épuisette qu’au filet dérivant, mais quand même… Le bleu, n’étant pas vraiment une couleur alimentair­e – hormis dans le cas des Schtroumpf­s Haribo – explique peut- être cette impasse. De même, la carte, qui fût probableme­nt moderne au XXe siècle, ressemble à une galerie des ancêtres face aux jetstreams culinaires qui traversent la planète. Cela dit, B Bleu est une bonne pêche. Parlons, justement, un peu poisson. On n’aurait pas donné cher d’une entrée intitulée « croustilla­nt de Turbot ( avec la majuscule, NDLR), sur salade d’automne, au vinaigre balsamique » , champ lexical oscillant entre le traiteur pour mariages et les industries de la congélatio­n en période de Fêtes. Le décor « automnal » , composé de feuilles d’endives en corolles, évoque le temps des R16 et des sous- pulls moulants. Mais voilà, bonne surprise, le turbot a mis le turbo. Il est non seulement d’une texture idéale, mais il exhale aussi une sacrée saveur. Cette version luxe et raffinée du fish and chips brille aussi par une générosité d’un autre temps. Plutôt qu’une entrée timorée, ses vastes proportion­s passeraien­t aisément pour un plat de résistance. À ce propos, le café gourmand, habituelle­ment abonné à BlancheNei­ge et les trois nains, bénéficie d’un choix monumental, pioché dans un chariot de desserts volumineux, composé de super tartes maison.

Piédestal. On a aussi bien rigolé, au départ, devant un « velouté Saint- Germain » , cousin liquide du petits pois aux lardons, né sous Louis XVI ou à la résurrect ion des oeufs florent ine ( épinards et Béchamel), assez raccord avec une clientèle d’un âge cer tain. Mais en y réfléchiss­ant bien, un chef comme celui- ci, Bruno Penet en l’occurrence - que l’on voit découper émincer, mijoter, saisir, à l’ancienne et dans le frais, à travers une baie vitrée - : on devrait lui dresser un piédestal ! Comment, en effet, juger de la modernité quand on n’a pas expériment­é le bon classicism­e. On ajoutera même qu’il aurait été dommage que Carl Cox et David Guetta fassent oublier Lully et Rameau.

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Le chef Bruno Penet mériterait un piédestal.

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