La Tribune de Lyon

AFFAIRE BARBARIN.

LES COULISSES D’UN PROCÈS HORS- NORME

- RODOLPHE KOLLER

Ce n’est pa s tous les jours que la justice lyonnaise est confrontée à une telle affaire. Après le procès Levothyrox, délocalisé au Double Mixte en décembre dernier en raison du nombre de requérants — plus de 4 000 ! —, le procès Barbarin s’est ouvert lundi dernier devant la 17e chambre du tribunal correction­nel de Lyon pour quatre jours. Si les dimensions étaient cette fois raisonnabl­es — neuf plaignants, six prévenus —, la salle d’audience du tribunal de grande instance a parfois semblé un peu petite pour accueillir la quinzaine d’avocats et la grosse centaine de journalist­es mobilisés par l’affaire dans de bonnes conditions. Il a ainsi fallu rajouter des chaises et serrer tout ce petit monde, tandis que le public devait at tendre à l’extér ieur de la salle qu’une place se libère pour pouvoir y entrer et assister aux débats. C’est en effet par sa portée internatio­nale et sa symbolique que l’af faire détonne. Cité à comparaîtr­e pour non- dénonciati­on d’agressions sexuelles sur mineurs commises par le père Preynat au cours des années quatre- vingt — a f fai re révélée par Tribune de Lyon dès octobre 2015—, le cardinal lyonnais est devenu le v isage des soupçons d’omerta dans l’Église, dénoncée par l’associatio­n de victimes La Parole libérée.

Bousculade. L’attente était donc à son comble lundi, dès 8 h 30, une heure avant l’ouver ture du procès, devant le nouveau palais de justice ( Lyon 3e). Une nuée de micros et de caméras attendait l’arrivée de l’archevêque de Lyon. Nouvelle bousculade à son entrée dans la salle d’audience, épaulé par ses avocats mais surtout cerné par les journalist­es et leurs questions. Une fois assis face aux juges, au premier rang, Philippe Barbarin a semblé prendre la mesure de l’événement, parcourant la salle du regard, hagard. L’un de ses avocats, Me André Soulier, a même été contraint de hausser le ton face à quelques médias un peu trop pressants. La personnali­té de la présidente du tribunal a également eu son importance, une cer taine tension s’étant rapidement invitée, notamment au cours des échanges entre prévenus et avocats des plaignants.

Privilège. Br ig it te Vernay a alterné entre une diplomatie affichée — pour tenter par exemple de convaincre Pierre Durieux, l’ancien directeur du cabinet du cardinal Barbarin, de sortir du mutisme qu’il s’était imposé — et une plus grande fermeté lors de certaines poussées de fièvre entre avocats des deux bords. Ces derniers ont d’ailleurs demandé plusieurs suspension­s de séance. Privilège rare, selon nos informatio­ns, le prélat aurait réclamé, et obtenu, de disposer d’une salle spéciale afin qu’il puisse se reposer et s’isoler des sollicitat­ions médiatique­s à chaque interrupti­on. Habituelle­ment dévolue aux avocats, la salle dite de la Parlotte a ainsi été privatisée pour les trois jours du procès, ce qui a fait grincer les dents de plusieurs autres robes noires. Avant même les réquisitio­ns très attendues de la procureure, mercredi ( au lendemain de notre bouclage), l’affaire tenait déjà de l’inédit.

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 ??  ?? Parfois désarçonné ou maladroit, l’accusation questionna­nt son « échelle de valeurs » entre justice des hommes et justice divine, le cardinal Barbarin a répondu pendant près de trois heures aux juges, lundi dernier.
Parfois désarçonné ou maladroit, l’accusation questionna­nt son « échelle de valeurs » entre justice des hommes et justice divine, le cardinal Barbarin a répondu pendant près de trois heures aux juges, lundi dernier.
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