La Tribune de Lyon

Politique.

-

Comment les jeunes macroniste­s recrutent chez les étudiants lyonnais

Ils sont jeunes, dynamiques et soutiennen­t Emmanuel Macron depuis la première heure. L’avant- garde du macronisme a un nom : les JAM ( prononcez Djam), un mouvement constitué dès l’été 2015 autour de jeunes ambitieux promus députés après les Présidenti­elles, comme Sacha Houllié ou Pierre Person. Depuis, les JAM se font discrets. Mais pas à Lyon, où le macronisme a de profondes racines. Dès cet automne, le mouvement s’est lancé dans une vaste opération séduction auprès des étudiants lyonnais.

C’est un soir de semaine, les cours sont terminés depuis deux heures mais une quinzaine d’étudiants ont choisi de passer la soirée à discuter politique autour d’une bière. Un jeune étudiant de l’Institut d’études politiques ( IEP) de Lyon s’essaie à définir le macronisme : « C’est une manière de penser qui tend aux discussion­s et non à l’opposition. C’est ne pas être totalement réfractair­e. Ne pas être dogmatique. » L’orateur cherche ses mots, alors Romain Gerardi

vole à son secours. Sans effort, le référent des Jeunes avec Macron à l’IEP emballe tout cela dans un mot : « Ne pourrait- on pas dire simplement qu’Emmanuel

Macron est pragmatiqu­e ? » La formule sonne juste, personne ne proteste. Depuis la mi- octobre, le mouvement de jeunesse associé à La République en marche ( LREM), 750 sympathisa­nts rhodaniens au compteur, a commencé à investir la grande école des sciences politiques voisine des facs du 7e arrondisse­ment. C’est donc Romain Gerardi, l’air inoffensif du bon élève, qui est chargé par le bureau départemen­tal des Jeunes avec Macron de piloter l’opération séduction : « Je dois rassembler l’ensemble des étudiants favorables à l’action du président de la République et relancer le débat d’idées, explique- t- il facilement. La gauche et les socialiste­s avaient le monopole de la pensée dans cette école. Notre but est d’apporter du pluralisme. Depuis notre lancement il y a quelques mois, les jeunes Républicai­ns sont venus me voir pour connaître notre stratégie et les jeunes communiste­s s’institutio­nnalisent à leur tour. »

Supporteur­s zélés. Assurés et propres sur eux, les partisans du macronisme à l’IEP de Lyon sont persuadés qu’ils peuvent faire bouger les lignes. Depuis leur premier apéro, ils ont invité les députés du Rhône Thomas Gassiloud et Olga Givernet au nom des JAM du départemen­t. « Nous ne sommes pas d’obscurs supporters zélés du président, lance Robin, d’une voix forte de tribun en devenir, mais des gens qui réfléchiss­ent et qui

aiment débattre. » Ce premier soir, il est nécessaire de faire bonne impression car l’apéro entre étudiants sert de vitrine. En effet, les Jeunes avec Macron ont convié des camarades issus de toutes les sensibilit­és politiques. Ils seront finalement une petite poignée à se prêter au jeu : deux encartés chez Les républicai­ns, dont Thomas Seminara, chantre autoprocla­mé de Laurent Wauquiez dans l’école et sur le réseau social Twitter, mais aussi un débatteur antilibéra­l venu « connaître les arguments des défenseurs du président » . Présent également, en retrait, Johan Themista, chargé de la communicat­ion des JAM du Rhône et par ailleurs étudiant à Sup’ de pub. La soirée semble anecdotiqu­e tant elle est bon enfant, mais elle revêt une importance dans la stratégie d’ensemble du mouvement de jeunesse. Depuis la rentrée de septembre, l’objectif affiché par le chef des jeunes macroniste­s à Lyon, Jimmy Brumant, est de « faire monter ( les) militants en compétence » . Pour, un jour, voir des recrues siéger l’Assemblée à l’image des fondateurs parisiens du mouvement ?

« Nous ne sommes pas d’obscurs supporters zélés du président, mais des gens qui réfléchiss­ent et aiment débattre. »

« On est renforcé après les quatorze campagnes législativ­es qu’on a accompagné­es » , répond- il, sibyllin.

Souffle court. Depuis sa création en 2015, le mouvement destiné à rassembler les jeunes adeptes du macronisme affiche pourtant son indépendan­ce vis- à- vis du parti La République en marche. En fait, la double appartenan­ce des sympathisa­nts est la norme et nombre d’entre eux sont impliqués auprès du parti présidenti­el, comme Julien Segura, étudiant en 5e année à l’IEP et membre de la campagne du député Gabriel Attal, dans les Hauts- de- Seine. « Nous ne recevons pas de directive depuis Paris, sourit Jimmy Brumant. Notre rôle est de porter l’action du gouverneme­nt et du parti aussi. On se coordonne afin que nos actions ne soient pas redondante­s. Si demain, ils organisent un évènement, nous y serons. Nous sommes une ressource. Mais en théorie, il pourrait y avoir des désaccords entre nous et En marche, précise- t- il, avant d’ajouter dans la foulée : Il n’y en a jamais eu jusqu’à présent. » Les chances qu’un conflit ouvert éclate à Lyon sont faibles. Jimmy Brumant choisit lui- même tous les membres de son propre comité exécutif. Il est également réputé proche de la patronne de LREM dans le Rhône, Caroline Collomb. Au point de négliger les députés du départemen­t, avec qui les relations sont en dent de scie. « Nous n’avons pas de relation avec les JAM » , confie Anne Brugnera. Un autre député va plus loin : « On ne m’a jamais rien proposé ! C’est dommage, car j’apprécie les fondateurs des JAM, mais j’ai du mal à discuter avec Jimmy Brumant. Il semble être là par ambition personnell­e. » Le chef des jeunes macroniste­s n’organisera­it rien sans l’aval de Caroline Collomb. Symbole de ce lien, Allan Bouamrane, ancien référent des JAM à Lyon 2 est aujourd’hui en charge de la communicat­ion de Gérard Collomb et épaule Caroline Collomb. Un membre du bureau, Augustin Michaely, avait d’ailleurs été écarté au moment des législativ­es pour avoir soutenu Thierry Braillard face au candidat préféré par Gérard Collomb, Thomas Rudigoz. Cette organisati­on verrouillé­e rappelle l’ancien monde contre lequel les JAM ont fait campagne aux côtés d’En Marche et s’avère rédhibitoi­re pour les jeunes recrues à l’heure où il faut mobiliser pour les élections Européenne­s du printemps prochain. Même l’initiative France 2030, pilotée par les jeunes macroniste­s du Rhône, reste confidenti­elle. Le site internet flambant neuf évoque un projet de prospectiv­e, visant à imaginer la France du futur à coups d’interviews avec des experts. À première vue, pas d’affiliatio­n à un parti politique en particulie­r. Mais la page intitulée Team, pour équipe, ne laisse pas de place au doute : toutes les figures des JAM du Rhône s’y trouvent.

 ??  ?? La référente LREM du Rhône, Caroline Collomb, veille sur ses troupes.
La référente LREM du Rhône, Caroline Collomb, veille sur ses troupes.
 ??  ?? Étudiant, Romain Gerardi galvanise les macroniste­s de l’IEP .
Étudiant, Romain Gerardi galvanise les macroniste­s de l’IEP .

Newspapers in French

Newspapers from France