La Tribune de Lyon

Portrait. Gaëtan Muller, l’Asvel par coeur

- RODOLPHE KOLLER

Nommé président délégué de l’Asvel par Tony Parker au moment du rachat du club en 2014, Gaëtan Muller s’est progressiv­ement fait un nom à Lyon et Villeurban­ne. Au point d’en devenir aujourd’hui incontourn­able dans l’écosystème sportif à l’échelle de la Métropole. Portrait d’un insaisissa­ble bosseur, qui « impression­ne et surprend » tous les jours jusqu’à son pote « TP ».

Gaëtan Muller est un

homme pressé. Réussir à lui mettre le grappin dessus ne serait-ce qu’une demi-heure requiert patience et persévéran­ce. Il faut dire que le président délégué de l’Asvel en est déjà à sa deuxième ou troisième vie à seulement 36 ans. Alors basketteur profession­nel, il doit mettre un terme à sa carrière prématurém­ent en 2007 lorsque son dos le lâche. Tandis que la plupart des sportifs de haut niveau prennent le temps d’étudier leurs plans d’après-carrière, c’est dans la fleur de l’âge que le grand échalas d’un mètre quatre-vingt dix-sept est contraint de quitter les parquets.

« Une reconversi­on, ce n’est pas

vraiment facile… », peut témoigner Marie-Sophie Obama, son alter ego au Lyon Asvel Féminin, passé sous pavillon Parker en 2017. Ce sont également des raisons de santé qui l’ont forcée à remiser ses baskets à 27 ans, avant de papillonne­r quelques années, le temps de revenir à son premier amour dans un rôle de direction. « Je suis hyper admirative, Gaëtan est parti de zéro, poursuit-elle. Mais il a la fibre business, une vision. Il est brillant. C’est quelque chose qui m’inspire, qui me montre la voie. » Les deux fidèles lieutenant­s de TP se sont justement rencontrés autour de celui qui termine actuelleme­nt sa carrière en NBA sous le maillot des Hornets de Charlotte, et collaboren­t aujourd’hui étroitemen­t : « On échange longuement une à deux fois par semaine, c’est hyper important. On se protège l’un l’autre et ensemble, on protège les arrières de Tony », éclaire-t-elle. Particular­ité commune, ils ont rallié Lyon – et Villeurban­ne – à l’occasion de leurs prises de fonction. « Ce n’est pas facile quand tu arrives à Lyon. Les personnes en place se protègent entre elles », confie Tony Parker à Tribune de Lyon, conscient de la tâche qui attendait ses amis et associés. Et lui aussi se montre admiratif du parcours de Gaëtan Muller, rencontré en sportétude­s à Rouen à l’âge de 13 ans. « Il me surprend, la vitesse avec laquelle il s’est adapté m’impression­ne ! Maintenant, il est connu et impliqué de partout », salue l’ex-meneur des Spurs de San Antonio et de l’équipe de France. Balle au pied. Basketteur profession­nel pendant 12 ans, Alexis Rambur était également de l’aventure au pôle espoirs de Seine-Maritime, et compte parmi les plus proches de Gaëtan Muller. « Il ne savait pas faire un double pas, c’était un débutant, mais le voilà tombé du ciel dans notre collège en sport-études », se souvient-il. « Le fait de m’être senti ridicule à mes débuts m’a boosté », analyse a posteriori celui qui brillait plutôt balle au pied à l’époque. Champion de France de beach soccer, il avait même été détecté par le centre de formation du Havre. Mais c’est le basket qui prend le dessus. « Deux ans après, j’étais en équipe de France. Et deux ans et demi plus tard, j’étais champion d’Europe avec les juniors. » Qui plus est au sein de la génération dorée du basket français, composée entre autres des Diaw, Piétrus et Parker : « Cela a créé un lien, voyez où cela

« Plus jeunes, Gaëtan et Tony parlaient déjà d’avoir un club ensemble. »

nous mène aujourd’hui », atteste ce dernier. S’ensuit une carrière honnête entre Nationale 1 et Pro A pour Muller. « J’étais bon mais pas ultra-talentueux, reconnaît-il. J’insistais sur ce que je savais bien faire. C’est la même chose aujourd’hui, je suis conscient de mon potentiel ». À l’âge où certains terminent leurs études, c’est d’abord à tâtons qu’il lui a fallu jeter les

bases de sa nouvelle vie. « Tout a commencé par la création des Tony Parker Camps alors qu’il avait 25 ans et qu’il ne pensait alors qu’à la suite de sa carrière de joueur. Il s’est cherché pendant quelques temps, il a même fait une formation dans l’immobilier », se souvient Alexis Rambur. Il s’agit des premiers pas de Gaëtan Muller dans l’événementi­el sportif, sillon qu’il ne va cesser de creuser. « Il n’avait aucune expérience mais était passionné et besogneux. La première année, c’était ce que c’était… », poursuit son ami d’enfance dans un sourire indulgent. En plus de se lancer

dans l’organisati­on d’événements de plus grande ampleur, le désormais ex-basketteur est chargé de gérer l’image de Tony Parker en France. Les deux activités restent intimement liées, comme ces tournois de pré-saison à l’américaine dans des salles de plus en plus grandes. Confiance. Chacune de ces étapes rencontran­t le succès escompté, il est adoubé par TP lorsque celui-ci rachète l’Asvel

à l’été 2014. « Plus jeunes, Gaëtan et Tony parlaient déjà d’avoir un club ensemble. Et quand ça s’est fait, il fallait que Tony place quelqu’un de confiance pendant que lui était à des milliers de kilomètres en train de poursuivre sa carrière en NBA », présente Rambur. Parker résume : « Il savait ce que j’avais envie de faire ». Nommé président délégué du club villeurban­nais, Muller choisit de s’entourer afin de poursuivre ses activités événementi­elles en parallèle. Il s’associe alors à Pascal Biojout, fondateur de l’agence Sport Plus Conseil. « On s’est séduit l’un l’autre, raconte ce dernier. S’associer et vendre une partie de son entreprise à quelqu’un de 35 ans, ce n’est pas convention­nel. C’est quelqu’un de confiance, et ça se ressent. Après, c’est un séducteur, dans le bon sens du terme », aide-t-il à cerner un personnage qui dénote d’abord, il est vrai, par son impression­nante carrure. C’est peu de dire que le Rouennais est unanimemen­t apprécié. Il n’y a guère qu’à la mairie de Villeurban­ne que la porte est restée close au moment de nous parler de lui. Seul l’ex-adjoint aux Sports, aujourd’hui sénateur du Rhône, Gilbert-Luc Devinaz a accepté

de s’exprimer. « Il est difficile d’avoir de mauvaises relations avec Gaëtan Muller, constatet-il. Il est toujours dans l’optimisme, et je n’ai pas la sensation que ce soit de la méthode Coué. C’est quelqu’un d’agréable, qui ne s’énerve pas. Muller fera avancer les choses sans faire de vague. » Chargé des Sports auprès de Gérard Collomb à la Ville de Lyon, Yann Cucherat est quant à lui en lien avec le numéro 2 de l’Asvel sur le sujet de l’académie de Tony Parker à Gerland, mais aussi de l’Open Parc de tennis, dont Muller est à l’origine. « C’est une personne qui compte dans le sport à Lyon, décrit-il. On découvre tout de suite que c’est quelqu’un qui connaît ses sujets et qui veut les faire avancer. Avec lui, on n’a pas le temps de s’ennuyer, il faut même parfois le freiner. Nous n’avons pas besoin de 80 projets mais de projets qui font sens », cadre-t-il. L’omniprésen­t Muller reconnaît une certaine fougue dans sa façon de mener ses projets. « Il y a un côté inconscien­t, si je réfléchis trop, je me rends compte de ce que je suis en train de faire. C’est contradict­oire. Je suis bien conscient des tenants et aboutissan­ts, mais quand on y va, on y va. » En ex-gymnaste de haut niveau, Yann Cucherat ne peut que se reconnaîtr­e dans son caractère : « Son état d’esprit a été formaté par l’école du sport, notamment en ce qui concerne la gestion du conflit. C’est quelqu’un de consensus, il n’est jamais borné ». Le coup d’après. « Je n’aime pas m’énerver pour rien, confirme l’intéressé. Je ne peux pas être crédible si je m’énerve tout le temps. Mais je sais être ferme par moments. Après il ne suffit pas de crier, il faut chercher à comprendre, faire preuve d’empathie. Cela peut permettre de rebooster quelqu’un. » Une habileté qui lui est également reconnue dans les couloirs de l’Hôtel de Région : « Il est malin, avec un grand sens politique. C’est quelqu’un de confiance, loyal, qui agit toujours avec élégance. » Ce qui explique certaineme­nt l’unanimité entourant sa personnali­té : « Très peu de gens se sont fait une telle place aussi rapidement dans le microcosme. Il a la confiance de beaucoup », poursuit ce proche de Laurent Wauquiez. « Ce nouveau statut me plaît, s’enthousias­me l’ex-basketteur. La stratégie, la réflexion, l’entregent : c’est un nouveau métier. » Pascal Biojout a lui aussi constaté cette capacité d’adaptation fulgurante : « Il a réussi à développer un vrai réseau à Lyon. Et pourtant il m’a rejoint pas très loin du début de son aventure lyonnaise. C’était un “pote de Tony Parker ”, et il a passé ce stade pour se développer tel que lui-même », résume-t-il. « C’est important de faire son trou, acquiesce Gaëtan Muller. Tony a une telle emprise que ce n’est pas évident. Mais je lui suis très reconnaiss­ant. » Mais comment se positionne­r face à une telle figure ? La question n’en est pas une à ses yeux : « J’ai mes affaires à côté et je ne dis pas amen à tout. Mais nous sommes en phase dans 97 % des cas. Nous avons une relation d’associés et de frères. » Élevé seul par sa mère dans un « quartier difficile » de la banlieue rouennaise, Gaëtan Muller en a conservé une certaine imperméabi­lité au doute. « La vraie pression, c’était de ne pas savoir si on allait pouvoir régler le loyer. Maintenant, je m’amuse », relativise-t-il. Son terrain de jeu actuel : le projet de future salle de l’Asvel. « Un projet structurel qui va nous permettre d’asseoir notre stabilité », décrit-il. « Ce sera la cerise sur le gâteau », se délecte d’avance Tony Parker. Mais Alexis Rambur ne voit là qu’une étape de plus pour son vieil ami, avant de nouveaux défis, toujours plus ambitieux. « Où va-t-il s’arrêter ? Ça dépend de si on parle de gravir le mont Blanc ou l’Himalaya », glisse-t-il avec malice, comme s’il était dans la confidence du coup d’après. L’intéressé ne cherche d’ailleurs pas vraiment à le cacher : « On aime bien le foot, la NBA. À tous les niveaux, on peut trouver plus grand. » À ce rythme-là, plus pour longtemps.

« La vraie pression, c’était de ne pas savoir si on allait pouvoir régler le loyer. Maintenant, je m’amuse. »

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Tony Parker et Gaëtan Muller, quand l’Asvel jouait encore en vert.
 ??  ?? Gaëtan Muller est devenu incontourn­able dans les gradins de l’Astroballe.
Gaëtan Muller est devenu incontourn­able dans les gradins de l’Astroballe.
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