La Tribune de Lyon

Mon déjeuner avec Serge Baudo

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C’est un pionnier. Serge Baudo fut le premier chef de l’Orchestre national de Lyon de 1970 à 1988, inaugurant notamment l’Auditorium de Lyon Maurice-Ravel le 14 février 1975, cette « soucoupe comme on n’en avait jamais vu ». C’est surtout un musicien d’exception, pionnier de la musique classique à une époque où elle n’était pas encore aussi institutio­nnalisée qu’aujourd’hui. Il héritera de son père, hautbois pour Maurice Ravel lui-même (lire l’entretien), un amour inconsidér­é pour la musique française, inspirée par les autres arts et notamment la littératur­e, livrant une version d’anthologie du Boléro en 1984 avec l’ONL qui lui vaudra son premier disque d’or. Dirigeant partout dans le monde, de La Scala aux grandes scènes américaine­s, il prendra aussi la tête de l’ONL pour la première tournée en Chine d’un orchestre européen en 1979. Humour massacrant. Percussion­niste de formation, Serge Baudo a commencé par composer des musiques de films, et pas pour n’importe qui: Jean Renoir et Le Déjeuner sur l’herbe, la trilogie du commandant Cousteau, pour qui ce natif de Marseille restera un ami fidèle. Pour le reste, il a conduit l’ONL dans une précarité qu’on n’imagine plus aujourd’hui, le portant au niveau d’une phalange internatio­nale, y compris dans des créations comme La Messe d’Elsa avec Louis Aragon ou de l’Opéra des Canuts, (qui sera recréé à la rentrée), composé par Joseph Kosma, l’auteur des Feuilles mortes. C’est un autre ami fidèle qui l’avait accompagné pour le jubilé de son 90e anniversai­re : Bernard Têtu, chef de choeur qu’il avait fait venir à Lyon pour créer le tout premier choeur profession­nel français. Toujours aussi alerte, il a gardé un humour massacrant savamment dosé pour parler de ses confrères d’aujourd’hui, sans la moindre amertume et avec un amour de la musique redoublé par le chemin parcouru.

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