La Tribune de Lyon

« IL N’Y A DE VÉRITABLE PROJET NI CHEZ MACRON, NI CHEZ LR »

Revenue à des mandats locaux après un passage au sein du gouverneme­nt de François Fillon de juin 2009 à mai 2012, Nora Berra est aujourd’hui en deuxième position de la liste UDI pour les élections européenne­s. Nous l’avons rencontrée afi n d’évoquer le sc

- PROPOS RECUEILLIS PAR RODOLPHE KOLLER.

Pourquoi avoir choisi d’être candidate aux élections européenne­s ?

NORA BERRA : C’est Jean- Christophe Lagarde qui m’a contactée. Je ne m’attendais pas du tout à être candidate, et je ne risquais pas d’être sur la liste des Républicai­ns. D’autant plus que j’avais exercé ce mandat deux ans ( de 2012 à 2014, NDLR) avec un goût d’inachevé. On parle beaucoup aujourd’hui de « concurrenc­e déloyale » . J’étais à la commission Commerce internatio­nal, et j’ai été au coeur de ces débats sur des instrument­s de défense commercial­e, sur la réciprocit­é des marchés publics. Et j’avais ce sentiment d’inachevé de ne pas pouvoir poursuivre ces débats de fond.

Que vous a proposé Jean- Christophe Lagarde ?

Il m’a expliqué qu’il voulait ouvrir la liste UDI à des personnali­tés de droite parce qu’il y a beaucoup de gens de droite, et j’en suis, qui sont déçus de la ligne identitair­e qui est défendue aujourd’hui, car elle ne nous ressemble pas. Cette droite sociale, humaniste, ne se reconnaît pas dans ce projet. Et il m’a dit qu’il voulait justement réhabilite­r une offre politique pour cette droite et le centre. Mais il fallait que je puisse adhérer au projet, et donc que je le voie. J’ai été force de propositio­n sur un certain nombre de choses, pour lesquelles j’ai bénéficié d’une écoute respectueu­se. D’ailleurs, le projet a évolué aussi en fonction de ce que j’ai pu apporter. Et 48 heures après, j’ai dit « oui » .

Comment avez- vous vécu le fait d’aller vers un autre parti ?

Je n’ai pas été vers un autre parti. Tant qu’il y avait un débat au sein des Républicai­ns, où l’on cherchait le compromis, ça m’allait bien. Dès lors que ce débat n’avait plus lieu, qu’il n’y avait plus de respect pour les différente­s sensibilit­és au sein du parti, j’en ai tiré les conclusion­s. Donc, c’est à ce titre- là qu’on m’a proposé cette position. On ne m’a pas demandé de renier mes valeurs, ni d’adhérer à l’UDI. Il y a une vacuité dans les propositio­ns ailleurs. Ni chez Emmanuel Macron, ni chez Les Républicai­ns il n’y a de véritable projet, avec des propositio­ns nouvelles consistant à faire évoluer la constructi­on européenne et à la transforme­r. Tout le monde essaye de polémiquer autour de ce qui ne va pas. À part Jean- Christophe Lagarde.

Que proposez- vous ?

Nous proposons un droit de propriété des données personnell­es pour lutter contre les GAFA

( Google, Apple, Facebook, Amazon, NDLR), c’està- dire qu’à chaque fois qu’on va utiliser vos données personnell­es, on va vous rémunérer, parce qu’il s’agit d’un produit de consommati­on. À propos de la gestion des flux migratoire­s, nous proposons un ministère européen de l’Immigratio­n. Parce que tout le monde dit qu’il faut réformer Schengen, que ça ne fonctionne plus. Mais il faut de la gouvernanc­e. On ne peut pas juste augmenter le nombre de gardes- frontières. Sur le droit d’asile, il faut que l’on harmonise les conditions d’accueil. Quand on parle de lutte contre le terrorisme, quelles sont les propositio­ns ailleurs ? Il n’y en a aucune. Ce qu’on veut faire, c’est transforme­r Europol en un Parquet européen. On veut une instance de justice européenne qui permette d’interpelle­r, de mettre en examen, de lancer des mandats d’arrêt européens, ce qu’Europol n’est pas en mesure de faire. Mais ça, on ne peut le faire que s’il existe une police européenne qui mène des investigat­ions, qui peut poursuivre.

Ça vous désole que ces idées ne soient pas portées par un parti de droite ?

Mais le parti de droite s’est replié sur lui- même, il n’est pas force de propositio­ns aujourd’hui. En fait, il y a une ambiguïté. Dans le discours, on est pour l’Europe, mais dans le fond on est sceptique vis- àvis de l’Europe. Il faut avoir une approche honnête. Bien sûr que tout ne marche pas, que l’Europe s’est occupée de l’accessoire plutôt que de l’essentiel. Quel parti propose des évolutions institutio­nnelles, à part notre projet ? On veut mettre fin à l’unanimité au Conseil européen. Pourquoi l’Europe est immobile sur certaines choses, ce qui déçoit les citoyens ? À cause des petits États qui empêchent les décisions. Un petit État ne peut pas avoir le même poids que la France ou l’Allemagne. Et, avec les traités actuels, on peut déjà décider de prendre une décision à la majorité qualifiée plutôt qu’à l’unanimité. On veut aussi une Commission européenne qui soit issue du suffrage universel.

Cet euroscepti­cisme est lié à la ligne Wauquiez, ou bien était- il latent ?

La ligne de Laurent Wauquiez, il la portait déjà en 2014 dans son livre. Il était déjà dans une contestati­on des instances européenne­s. Dire ce qui ne marche pas, c’est très bien, mais ensuite, qu’est- ce qu’on fait ? Aujourd’hui il est président de parti et il est toujours sur la même ligne.

Comment expliquez- vous que des voix plus réformatri­ces ne se fassent pas entendre ?

Parce qu’à l’intérieur des Républicai­ns, il y a beaucoup de repli. Ceux qui avaient des idées diverses sont partis, et je trouve que c’est un drame pour un parti de gouverneme­nt. Cette ligne ne nous a pas fait gagner. Je trouve que c’est un gâchis.

Avez- vous pensé à quitter le groupe LR et apparentés à la Région ?

Tant que ces groupes ne sont pas des groupes stricto

sensu Républicai­ns, et que des divers droite, société civile et apparentés y sont, j’y suis. Si demain ce sont des groupes LR, je n’y serai plus.

Même si vous vous retrouvez de fait dans la majorité de Laurent Wauquiez ?

C’est une question de cohérence. J’ai porté un projet, j’étais colistière, j’ai défendu ce projet, j’ai fait campagne pour ce projet. Donc, je suis solidaire de la mise en oeuvre de ce projet. Mais la ligne nationale ne me va pas. Il faut arrêter de juxtaposer les enjeux. On est dans un projet européen. Je suis fière de porter ce projet européen, de surcroît avec des membres d’un parti où Simone Veil était première adhérente. M’inscrire dans son sillage, ça me va bien. Il n’y a pas d’ambiguïté sur l’Europe. Cet enjeu nous dépasse, il dépasse les enjeux locaux, nationaux. C’est crucial. On a besoin d’Europe. Les enjeux sont différents, je ne fais pas d’amalgame.

Le ralliement de Pascal Blache à Étienne Blanc signifie- t- il qu’Étienne Blanc, qui incarnait jusque- là une droite dure, a réussi à polir son image ?

Étienne a fait des erreurs lourdes lors de cette alliance à la Région avec le FN, c’est sûr. Après, il faut voir ce que lui compte défendre. Lyon est une ville humaniste, de centre, de compromis. Donc quels compromis entend- il faire pour répondre à l’attente des Lyonnais ? Je ne veux pas porter de jugement sur les personnes. Les personnes elles- mêmes peuvent être agréables et respectueu­ses, mais quelles valeurs met- on en avant et que compte- t- on défendre collective­ment, c’est ça qui m’intéresse.

Quels seraient vos premiers dossiers si vous êtes élue au Parlement ?

J’aimerais poursuivre sur les questions de santé, sur le commerce internatio­nal. J’ai pu beaucoup travailler sur le très contesté traité de libre- échange avec les États- Unis, et j’étais la seule à parler des marchés publics. Vous vous rendez compte ? Mais il y a également les instrument­s de défense commercial­e, les tribunaux arbitraux. Les enjeux sont énormes et les chantiers aussi.

« Étienne Blanc a fait des erreurs lourdes lors de cette alliance à la Région avec le FN. »

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