La Tribune de Lyon

Ousse

- ROMAIN DESGRAND

arborant une torche.

— Qui vive !, l’apostropha à nouveau la sentinelle.

La Dame Blanche disparut. Rapidement, elle revint, munie d’un pain. — Qui vive !, martela l’homme. À nouveau, la silhouette s’évapora dans la nuit. Mais lorsqu’elle surgit une quatrième fois, armée d’un glaive flamboyant, le soldat, paniqué, menaça de faire feu. Et cette fois- ci, la Dame Blanche brisa son mutisme d’une voix « lugubre et solennelle » :

— Quand j’ai passé près de toi avec une coupe pleine d’eau, c’était l’inondation et tous ses désastres ; tu vois… La torche signifiait la peste ; le pain, c’est la famine, et ce glaive, c’est la guerre. Malheur, malheur, malheur à vous tous ! Jamais on ne revit la Dame Blanche de la Croix- Rousse. Que fallait- il comprendre de ces sinistres prophéties ? S’agissait- il de l’annonce de la crue de novembre 1840, provoquée par des pluies diluvienne­s ? Mais quid de la famine et de la peste ou encore de la guerre qui ne toucha Lyon que cent ans plus tard ? « Les prophéties n’engagent que ceux qui veulent bien y croire » , souligne le guide Nicolas Le Breton, spécialist­e de l’histoire ésotérique lyonnaise. Dans son texte de l’époque, Le Réparateur n’hésite d’ailleurs pas à railler Légende dans la légende, l’une des variantes du mythe lyonnais va plus loin dans les fantaisies. Ainsi, des ouvrages comme Le Guide secret de Lyon de Claude Ferrero rapporte que La Dame Blanche, illustrati­on d’Émile Vernier pour l’opéra ( 1825) de François Adrien Boieldieu. les croyances populaires. « Ne diriezvous pas que nous sommes revenus au Moyen Âge ?, interroge le journalist­e. Tout cela est absurde, sans doute ; tout cela est incroyable dans le Siècle des Lumières ( sic), au milieu d’une révolution qui prétend avoir régénéré l’esprit humain et avoir fait justice de l’ignorance et des préjugés ; mais tout cela explique la situation des esprits, et prouve jusqu’à quel point ils sont frappés de terreur. » Pure hallucinat­ion ou réelle menace ? Deux siècles plus tard, certains amateurs de frissons se baladent encore au crépuscule sur le boulevard de la Croix- Rousse, scrutant chaque sombre recoin, fouillant les parcs pour enfants, dans l’espoir craintif que la silhouette fantomatiq­ue apparaisse à nouveau.

 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France