La Tribune de Lyon

Mon déjeuner avec Marie- Catherine Aune

- V. L.

Pour notre déjeuner, Marie- Catherine Aune

a choisi de nous donner rendez- vous au Café- épicerie de la Cour des Loges. Un clin d’oeil au chef étoilé Anthony Bonnet qui a créé une recette pour Garofalo à l’occasion du Sirha en 2017, « très graphique avec des pâtes longues » . L’occasion aussi de venir dans le Vieux Lyon, quartier qu’elle affectionn­e, mais trop éloigné du siège de Panzani ( aujourd’hui dans le 8e). Cette dynamique quadra aime à le rappeler : en cuisine, elle aime les choses simples, comme les pâtes, un aliment qui paraît « simple mais qui peut devenir exceptionn­el » . Très corporate, elle avoue manger des pâtes Garofalo bien sûr, mais aussi des Lustucru, restant fidèle au groupe Panzani qu’elle a intégré il y a déjà 16 ans. Lyonnaise convaincue, elle aime également aller au restaurant À la piscine, pour ses chefs à la cuisine novatrice, ou à la Table de Max, restaurant mêlant boeuf et homard à la carte, mais avant tout pour

« le cadre, l’ambiance et la gentilless­e du propriétai­re, toujours prêt à partager sa passion, et encore une fois l’originalit­é de l’assiette » . Avec son tempéramen­t d’entreprene­ur, on comprend aisément pourquoi on lui a confié le développem­ent d’une nouvelle marque au sein d’un groupe qui brasse 140 000 tonnes de pâtes sèches par an. « Ça fait 45 millions d’assiettes par an » , lance- t- elle, juste avant de se laisser tenter par le dessert du jour. Gourmande, il faut certaineme­nt l’être pour parler de pâtes toute la journée avec une telle passion. Et cela se sent. Sa position de défricheus­e sur un marché en devenir l’amuse. Pour preuve, elle s’émerveille encore d’avoir réussi à implanter Garofalo pendant deux mois chez Colette à Paris, le célèbre concept store parisien très tendance ( il a fermé en décembre 2017). « Vendre des pâtes dans ce concept store parisien était un pari assez fou quand même » . C’est pas faux.

« On est une sorte de start- up à l’intérieur d’un grand groupe. »

Qu’est- ce que vous entendez par le terme « pâte premium » exactement ?

En opposition aux pâtes Panzani ou Barilla qui sont faites dans des moules en téf lon, les pâtes premium comme De Cecco, Rummo ou Garofalo sont fabriquées dans des moules en bronze. C’est un procédé de fabricatio­n bien spécifique. Ce type de moule crée une irrégulari­té sur la pâte qui va retenir un peu plus la sauce… Aujourd’hui en Italie, les pâtes premium représente­nt 25 % du marché des pâtes, alors qu’en France, nous sommes à 4 %. Nous avons donc un grand terrain de jeu face à nous, et de quoi développer. Depuis notre arrivée, ce marché de la pâte premium a fait un bon de 2,5 %, et nous avons réussi à devenir le premier des ventes sur ce créneau. Avec l’obtention de l’IGP ( Indication Géographiq­ue Protégée, N. D. L. R.) pour toute la gamme, nous avons maintenant de quoi rassurer le consommate­ur et prouver que l’histoire de cette entreprise n’est pas du marketing.

Et quelle est l’histoire de Garofalo ?

C’est Michele Garofalo qui l’a créée en 1789, à Gragnano, entre Naples et Pompéi. Le roi de Naples l’a adoubé en lui donnant le droit d’être un de ses fournisseu­rs de pâtes. Il faut savoir que Gragnano est un des berceaux de la pâte en Italie. Dans ce village, toutes les rues ont été construite­s de manière à ce que les vents maritimes remontant vers le Vésuve sèchent parfaiteme­nt les pâtes. Aujourd’hui les pâtes ne sèchent plus dans la rue, les procédés de séchage et d’hydrométri­e typiques de cette ville ont été reproduits. Et le savoir- faire des pastiers se transmet de génération en génération. Ce qui est assez unique.

Pourquoi vous être appuyé sur des chefs locaux pour lancer cette marque compte tenu de cette histoire qui n’est pas lyonnaise ?

Nous savions qu’il serait difficile de faire connaître une nouvelle marque de pâtes. En France, 95 % de la population consomme des pâtes, et l’achat d’un paquet prend dix secondes en moyenne. C’est un achat de marque, très mécanique. Nous avons décidé de faire connaître cette marque par les chefs et les restaurant­s. Avec un produit d’exception, il semble légitime d’être à la table des plus grands chefs. Alors nous nous sommes rapprochés des Toques blanches lyonnaises, des gens de l’Institut Paul Bocuse… Nous avons travaillé avec Anthony Bonnet de la Cour des Loges, Christophe Marguin du Président ( Lyon 6e), ou Maurizio Bullano, ancien chef de Fratelli Ristorante et du Due. C’est une véritable caution pour nous. On n’a pas l’habitude de voir un chef parler de pâtes. C’est un axe de communicat­ion un peu décalé.

C’est aussi pour cela que vous venez d’éditer un ouvrage avec la Lyonnaise Sonia Ezgulian

( La Pasta allegra aux éditions de l’Épure, N. D. L. R.) ? Ce n’est pas que la proximité géographiq­ue qui fait que l’on a souhaité travailler avec Sonia. C’est une cuisinière qui est assez fantastiqu­e, qui a un réel amour du produit, le produit vrai, d’excellence. Elle a souhaité faire cet ouvrage avec Alessandra Pierini ( cheffe italienne qui a fondé l’épicerie fine RAP à Paris, N. D. L. R.) dont elle aime le travail et avec laquelle elle partage les mêmes valeurs. On leur a donc laissé carte blanche. Pour nous, c’est avant tout un livre de transmissi­on, pour faire comprendre qu’il y a un terroir sur la pâte, ce qui n’est pas connu. Ce produit peut devenir magnifique quand on le travaille bien. Après, si cela peut faire parler de la marque, c’est bien, mais avant tout c’est pour éduquer petit à petit les gens au terroir de la pâte.

C’est pour cela que vous restez sur un monoprodui­t : la pâte sèche ?

Garofalo ne se positionne­ra pas sur le marché de la pâte fraîche comme la tagliatell­e. Nous sommes convaincus que la meilleure pâte est la pâte sèche. Néanmoins nous allons développer une gamme de pâtes fraîches farcies comme des raviolis. Nous avons choisi un sous- traitant qui vient d’être racheté par le groupe Panzani. C’est le plus ancien fabricant de tortellini frais d’Italie. Et comme toutes les marques qui ont des pâtes font aussi des sauces, nous allons aussi développer une gamme. D’ici mars 2020, Garofalo aura huit références supplément­aires, quatre pestos et quatre sauces tomate, tous fabriqués en Italie, avec des ingrédient­s AOP ( Appellatio­n d’Origine Protégée, N. D. L. R.). C’était une de nos exigences.

Pourquoi diffuser Garofalo en grandes et moyennes surfaces plutôt que dans des épiceries fines ?

Être référencé dans les épiceries fines est un travail de fourmi. Nous n’en avons pas les moyens, mais pouvons nous appuyer sur Panzani pour la force de frappe commercial­e terrain et la logistique parfaite. Nous sous- traitons donc tous ces savoirfair­e à Panzani, et gérons Garofalo France comme une société indépendan­te. Nous sommes seulement quatre en tout dans l’entreprise et faisons 12 millions d’euros de CA ( quand Panzani en fait 260 millions). On est une sorte de start- up à l’intérieur d’un grand groupe. »

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