La Tribune de Lyon

« J’ai en tête la feuille de route pour transforme­r Lyon »

- Nathalie Perrin- Gilbert

Après trois mandats à la tête du 1er arrondisse­ment, Nathalie Perrin- Gilbert se lance pour la première fois à l'assaut de l’Hôtel de Ville. Son mouvement de gauche, Lyon en commun, créé en alliance avec La France insoumise, entend changer

« radicaleme­nt » la cité. Reste à savoir si cette fervente opposante à Gérard Collomb pourra convaincre au- delà de son territoire… Qu’est- ce qui vous motive à vouloir être maire de Lyon ?

Nathalie Perrin- Gilbert : « J’ai la volonté de faire coïncider les actes et les valeurs. Aujourd'hui, je subis, comme beaucoup de Lyonnais. e. s, cette dichotomie entre les valeurs affichées ( humanisme, écologie, etc.) et la réalité des actes. Or, je suis une passionnée du « politique » : ce qui signifie, pour moi, réfléchir à faire en sorte que les gens arrivent à vivre ensemble le mieux possible. Nous avons de plus en plus de diversité parmi les citoye. n. n. e. s, et c'est temps mieux. Mais il faut l’organiser pour se supporter malgré nos différence­s et faire en sorte que cette diversité devienne un atout, une richesse.

Ce n’est pas le cas aujourd’hui ?

La réponse actuelleme­nt apportée est très excluante : on vire les gens différents hors de Lyon et on garde une population bien sous tout rapport, qui gagne bien sa vie. Cela ne m'intéresse pas. Ce qui m'intéresse c'est comment on parvient à faire en sorte qu’une ville reste dans la diversité avec du bien vivre. Pour moi, c'est ça l'essence même du politique : organiser la vie et la diversité dans la cité. C'est ce qui me passionne et c'est pour ça que j'y vais.

Comment comptez- vous vous y prendre ?

J’ai en tête à peu près tout ce que nous devons mettre en oeuvre de 2020 à 2030 pour que Lyon passe vraiment le cap de la transition économique, écologique, sociale et démocratiq­ue. Je visualise déjà la feuille de route. Bien sûr, il va falloir l’enrichir dans la concertati­on.

Concrèteme­nt, si vous êtes élue, quelles seraient vos premières mesures ?

Je demanderai­s d’abord la réalisatio­n de deux audits, l’un sur le budget, l’autre sur le patrimoine. Je veux savoir où je mets les pieds et où nous en sommes des emprunts, des projets, etc. Je fixerais ensuite un cap à 2030 car j’estime qu’il nous faut dix ans pour transforme­r la ville. On a besoin de s’inscrire à la fois dans l’urgence et sur un temps long. Je parle d'urgence car il n’y a pas de temps à perdre avec la végétalisa­tion des espaces, notamment les cours d’écoles,

l’arrêt de la « braderie » de notre patrimoine ou encore l’encadremen­t des loyers. Comment fait- on pour rester vivre à Lyon aujourd’hui ? On doit tout de suite s’attaquer à cette question. Et cela passe aussi par l’accès à des biens fondamenta­ux. Oui, il faut remettre des bains douches dans plusieurs arrondisse­ments. C’est peut- être anecdotiqu­e mais pour moi l’accès à l’eau et à l’hygiène sont des priorités.

Lyon en commun a été rejoint par certains mouvements de gauche comme Ensemble ! mais votre poids reste assez limité dans le paysage politique lyonnaise. N’êtes- vous pas un peu isolée ?

Quand je dis qu’il faut « déconfisqu­er » la Ville, je fais le pari qu’elle n’appartient pas à un réseau qui serait La République en marche, ou « KimelfeldK­épénékian » . Une élection, c’est d’abord des Lyonnais et des Lyonnaises. Je ne pense pas que le vote des habitants se fera avec les doigts sur la couture du pantalon. Ils vont juger sur le contenu des propositio­ns, sur la manière de faire campagne. Je crois à ce travail de terrain, de présence ainsi qu’au bilan et à la cohérence. Je ne voudrais pas être à la place de David Kimelfeld. En 2017, il disait à Gérard Collomb qu’il pouvait lui faire confiance pour être dans la continuité et dressait un bilan extrêmemen­t favorable de son action. Je n’ai pas confiance en quelqu’un qui est capable de changer d’avis en si peu de temps.

Vous avez cocréé Lyon en commun avec La France insoumise. N’est- ce pas un peu risqué dans une ville historique­ment ancrée au centre ?

Il y aura des Insoumis sur les listes de Lyon en commun, et je le revendique. Mais il y aura aussi des personnes d’autres composante­s politiques — j’espère que ce rassemblem­ent n’est pas terminé — et aussi des personnali­tés de la société civile à l’image de la diversité de la ville. Je veux surtout que les habitants regardent ce qu’on leur propose. Et puis pendant la campagne, ils vont rencontrer ces hommes et ces femmes engagé. e. s. Ce n’est pas parce qu’ils sont Insoumis qu’ils sont dangereux ! On ne va pas nous refaire le coup des communiste­s avec le couteau entre les dents !

La fin de votre dernier mandat en mairie du 1er est marqué par le clash avec une partie de votre majorité et le procès en diffamatio­n contre l’un de vos adjoints. Avez- vous des regrets ?

( Elle réfléchit et inspire profondéme­nt) Je ne suis pas quelqu’un qui vit avec des regrets. Donc je vais dire non. Par contre, cela ne veut pas dire que je ne me repasse pas le film de temps en temps dans ma tête et que je n’essaie pas de regarder les moments où l’histoire aurait pu s’écrire différemme­nt. J’estime ne pas avoir mal agit. Cela ne m’empêche pas d’être dans l'introspect­ion et l’analyse assez régulièrem­ent pour regarder ce qui s’est passé et pour essayer de faire mieux que dans le passé.

Vous êtes parfois attaquée sur votre personnali­té et vos méthodes de gestions jugées difficiles. Est- ce dur de travailler avec vous ?

Non.

Pourquoi cela revient- il alors ?

Parce que, quand on n’a rien à vous reprocher sur le fond politique, on va essayer de vous reprocher quelque chose qui serait liée à votre personne ou à votre nature. C’est une manière de déporter le débat : plutôt que de rendre compte des actes, faire peser la responsabi­lité sur un caractère supposé de la personne. Tout cela est basé sur une rumeur. Mais il y a une différence entre caractère et conviction d’un côté, et autoritari­sme et caractérie­lle de l’autre.

Que deviendrai­t NPG si la politique devait s’arrêter ?

( Elle rit) Si je perds l’élection municipale, mon souci sera de transmettr­e, de donner un coup de main aux équipes. Et puis, si nous perdons, il faut voir dans quelles conditions. Être dans un groupe d’opposition qui peut influer sur le conseil municipal est une vraie bataille politique à mener. J’ai également des envies de vie associativ­e et culturelle. Je me laisserais certaineme­nt six mois pour réfléchir à mon engagement. Mais je n'arrêterai jamais de m’engager. Cela fait partie de ma constructi­on personnell­e. C’est mon moteur de vie. J’ai aussi une autre passion : l’océan. J’aurais peut- être le loisir d’y passer plus de temps.

Pourquoi l’océan ?

Je vais dans les Landes depuis que je suis enfant. J’aime le côté indomptabl­e de cet élément. Sa force nous ramène à l’humilité. On se rend compte qu’on n’est rien et qu'il faut respecter le fait que l’océan sera toujours plus fort que nous. Pour moi, c’est aussi un ancrage. Je me dis que quoi qu’il arrive je peux y retourner. Ce paysage existe. Et cela relativise beaucoup de choses. »

« Ce qui m'intéresse c'est comment on parvient à faire en sorte qu’une ville reste dans la diversité »

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