La Tribune de Lyon

Culture. Polémique. Yorgos Loukos, le public et le milieu de la culture

- LUC HERNANDEZ

C’est beau comme les gens de culture qui publient des tribunes à longueur de colonnes pour dénoncer les discrimina­tions oublient la loi commune dès qu’il s’agit de l’un des leurs. C’est ce qu’il est en train de se passer avec « l’affaire » ( dans un verre de champagne) Yorgos Loukos à l’Opéra de Lyon. Une centaine de chorégraph­es et Arianne Mnouchkine ( on ne savait pas qu’elle avait fait danser le ballet de l’Opéra de Lyon...) ont pris fait et cause dans une tribune publiée dans Libération la semaine dernière, pour dénoncer le licencieme­nt de Yorgos Loukos, directeur du Ballet, voté à l’unanimité par le conseil d’administra­tion de l’institutio­n. En faisant du zèle et en publiant, à tort, des noms comme celui de William Forsythe qui n’avaient jamais signé, comme nous le révélions la semaine dernière. Les autres signataire­s arguent donc du fait qu’il appartient aux prérogativ­es d’un directeur de ballet de sélectionn­er ses danseurs et danseuses, selon son bon vouloir. Certes, mais il reste parfaiteme­nt possible, et même souhaitabl­e, de faire une sélection en s’en tenant à des arguments artistique­s, aussi hypocrites soient- ils. Or, Yorgos Loukos a tenu des propos jugés discrimina­toires qu’il ne devait pas tenir, voilà tout, condamnés par deux fois par la cour pénale, disposant d’une preuve matérielle imparable : l’enregistre­ment de l’entretien réalisé à son insu par la danseuse, qui manifestem­ent devait savoir à qui elle avait affaire... Que des gens aussi éminents que Maguy Marin ou Guy Darmet ( qui n’a pas signé la tribune), défendent le travail accompli par Yorgos Loukos, à la tête du Ballet depuis 33 ans (!), est on ne peut plus légitime.

Un poids, une mesure.

Personne ne remet en cause l’excellence internatio­nale à laquelle il a manifestem­ent su porter le ballet. Reste que, comme n’importe quel directeur de ressources humaines, il se doit de respecter les personnes, a fortiori dans une institutio­n financée par de l’argent public, comme l’a rappelé à juste titre l’adjoint à la Culture de la Ville de Lyon, Loïc Graber. La condamnati­on mesurée en appel ( 1 500 euros d’amende contre six mois de sursis en première instance) atteste de la relative gravité des faits. Mais il reste peu probable que la Cour de cassation devant laquelle se pourvoit Yorgos Loukos contourne une preuve matérielle... La réhabilita­tion de Yorgos Loukos jusqu’à sa retraite prévue en septembre reste donc hypothétiq­ue, d’autant qu’il aurait pu bénéficier de ses droits à la retraite depuis déjà cinq ans, et a choisi de son propre chef d’en retarder l’échéance... sans initier de projets d’envergure pour le Ballet à Lyon depuis déjà plusieurs années. Bref, cet épiphénomè­ne, sinistre d’un point de vue du droit des personnes, est surtout symptomati­que d’un certain corporatis­me, comme la menace de certains chorégraph­es, dont Maguy Marin, de retirer des oeuvres du répertoire du Ballet. D’abord parce que certains d’entre eux comme Jiří Kylián ont d’ores et déjà annoncé qu’il n’en était pas question. Ensuite parce qu’elle consistera­it à en priver le public au nom d’un chantage personnel, après que celui- ci ait participé au financemen­t et au succès des oeuvres et des artistes. Il serait peut- être temps de respecter les gens qui font vivre les oeuvres, à commencer par la loi commune à laquelle public et artistes sont soumis.

 ??  ?? Cendrillon de Maguy Marin, une des oeuvres les plus jouées à l’Opéra de Lyon, est menacée d’être retirée du répertoire du Ballet par la chorégraph­e.
Cendrillon de Maguy Marin, une des oeuvres les plus jouées à l’Opéra de Lyon, est menacée d’être retirée du répertoire du Ballet par la chorégraph­e.

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