La Tribune de Lyon

Patrimoine. La folle histoire des transports lyonnais

- DOSSIER RÉALISÉ PAR DAVID GOSSART, RODOLPHE KOLLER, OCÉANE TROUILLOT ET NICOLAS LAGOUTTE

Bateau- mouche, voiture à chevaux, funiculair­e, métro, tramway, trolleybus… L’histoire autour des transports à Lyon est longue et riche. C’est pourquoi la rédaction a décidé cette semaine de vous la conter en vous rapportant plus d’une quarantain­e d’anecdotes plus folles les unes que les autres, et surtout bien souvent méconnues du grand public.

Les cochers, premiers VTC

C’est en 1837 que le premier système de transport urbain lyonnais est créé : il se compose alors d’omnibus à chevaux conduits par des cochers. La mise en place de ce système se justifie par l’augmentati­on de la taille de l’agglomérat­ion lyonnaise et de sa population au cours du XIXe siècle. Mais ce premier système est loin d’être au point, puisqu’il n’y a pas d’organisati­on entre les différente­s compagnies d’omnibus, et les cochers en viennent à se disputer les clients à transporte­r. La nécessité de regrouper les différente­s compagnies d’omnibus en un seul et unique réseau mène à la fondation de la Compagnie lyonnaise des omnibus, ancêtre des TCL, en 1855.

Des tickets, encore et toujours des tickets

Dans les années 1960, la tarificati­on du réseau de l’OTL était à la fois simple et complexe. Les tarifs étaient uniques sur l’ensemble du réseau : comptez 0,60 nouveau franc pour un trajet, 0,70 nouveau franc pour une correspond­ance et cinq nouveaux francs pour une carte dix trajets. La gestion du stock des tickets était quant à elle beaucoup plus compliquée. Chaque ligne avait son propre ticket, inutilisab­le sur une autre ligne du réseau !

En 1960, cela représenta­it près de 350 modèles différents de cartes ou de tickets pour l’ensemble du réseau lyonnais !

Les voitures à chevaux, à l’écurie

En 1962, un arrêté municipal marque la fin de la circulatio­n des véhicules à traction hippomobil­e. Décision prise afin de « fluidifier la circulatio­n » . Les dernières voitures à traction hippomobil­e qui circulaien­t encore au début des années 1960 appartenai­ent à la société Le Cap Vermeil et effectuaie­nt des livraisons de casiers de vin pour les épiciers ou détaillant­s de la ville comme dans le secteur de la Croix- Rousse, où les voitures à chevaux se rendaient grâce au tunnel de la rue Terme.

1969, année féminine

Au printemps 69, le métier de conducteur se féminise. Pour la première fois, une femme prend le volant d’un autobus. Dans les gazettes, elle s’appelle Brigitte, un prénom d’emprunt.

Mais on voit son visage et on l’interviewe. Déjà la naissance de « Une femme devient… » Brigitte, donc, travaille dans le même bus que son mari, receveur ( gestionnai­re du flux de passagers, de la vente des tickets et de l’ouverture et la fermeture des portes), sur la ligne 27 : Saint- Jean – Cordeliers – Brotteaux – Les Buers.

Adieu monsieur le receveur

Le 30 avril 1978, Georges Coeur est le dernier receveur à prendre place dans un bus du réseau lyonnais. À bord de l’autobus PH180 n° 1028 conduit par Francisque Cottarel, il effectue un dernier voyage aux alentours de 23 heures de Perrache à Cusset puis de Cusset à Perrache. C’est la fin d’un métier existant depuis plus d’un siècle. À partir de cette date, tous les conducteur­s de bus du réseau sont chauffeurs­receveurs, une pratique déjà répandue depuis les années 1960.

Le premier autobus articulé de France est mis en circulatio­n à Lyon en septembre 1963 en remplaceme­nt des trolleybus de la ligne 7 afin de résoudre les soucis liés à la hausse de la fréquentat­ion du réseau des transports lyonnais après la Seconde Guerre mondiale et la congestion des axes routiers de la ville. Surnommé la « bétaillère » , cet autobus articulé fait 18 mètres de long pour 170 places. Conçu pour pallier aux difficulté­s de circulatio­n dans l’agglomérat­ion, il se retrouve lui aussi bien vite prisonnier des bouchons lyonnais !

Le jeudi 19 décembre 2019, vous avez peutêtre cru avoir fait un saut dans le passé, en apercevant un trolleybus Berliet E1000 de 1977 circuler sur la ligne du C3. En réalité, ce trolleybus d’époque appartient à l’associatio­n Trolleybus club lyonnais. Ce jour- là, le trolley a emprunté la ligne du C3 car il devait se rendre à un contrôle technique, nécessaire pour prolonger son droit à circuler. Il a donc été autorisé à emprunter les voies électrique­s actuelles par les TCL.

Les bateaux- mouches, conçus par l’industriel Michel Félizat dans le quartier de la mouche à Gerland, font florès dès 1863, et jusqu’au début du XXe siècle. Les bateaux à vapeur à coque métallique et à hélice transporte­nt aussi bien passagers que marchandis­es, et donnent naissance sur la Saône à la Compagnie des bateaux à vapeur omnibus qui devient la première ligne de transports urbains fluviaux de France. L’idée est exportée à Paris où elle est toujours en activité, et a récupéré le nom de bateaux- mouches, déposé, de sorte que les Lyonnais qui l’ont inventé ne peuvent plus l’utiliser… Alors qu’ils y ont transporté pas loin de quatre millions de passagers.

Le Ville de Lyon, mis en service au printemps 1914, est un bateau à deux ponts propulsé par une machine à vapeur de 500 CV. Il s’agit certes d’un bateau plaisancie­r plutôt que de transport utilitaire mais il a la particular­ité de finir sa carrière le 1er juin 1923, en s’écrasant contre une des piles de l’ancien pont du Teil. Sans faire de victime. La chaudière du bateau restera longtemps contre la pile centrale du pont et ne sera évacuée qu’après la guerre de 1939- 45 par l’entreprise Héraudeau, chargée de déblayer rapidement le pont bombardé pour permettre le passage des bateaux.

Entre la fin de l’Antiquité et le début du Moyen- Âge, on est loin des Seabubbles ou du Vaporetto : la mode est plutôt aux pirogues monoxyles, dites aussi arbre- bateau. Un exemplaire long et étroit, creusé dans le tronc d’un chêne, a été découvert en 1862 au pont de Cordon dans l’Ain. Un temps au parc de la Tête d’Or, la pirogue trône a priori toujours devant l’entrée de la Maison du Rhône, dans l’Ain, à RegnierCor­don, structure aujourd’hui malheureus­ement fermée.

La CLT ( Compagnie lyonnaise des tramways) se voit attribuer la constructi­on d’une ligne provisoire au parc de la Tête d’Or à l’occasion du Concours national de tir organisé à Lyon en 1904, afin d’acheminer badauds et participan­ts à l’intérieur du site. À l’époque, l’OTL ( Omnibus et tramways lyonnais) et la CLT sont en guerre ouverte pour l’exploitati­on du réseau de tramway de la ville. À la fin du Concours, la CLT oublie de retirer les rails de cette ligne de tramway provisoire. Une erreur qui va lui coûter cher et profiter à son ennemi, l’OTL. Dans la nuit du 30 au 31 juillet 1904, des hommes ouvriers de l’OTL volent les rails de cette ligne provisoire… que la compagnie fera réinstalle­r en 1906, à l’occasion d’un nouveau chantier. Entre temps, la CLT a été absorbée par l’OTL.

Au début du XXe siècle, les tramways lyonnais ne servaient pas uniquement au transport de voyageurs. Parmi les utilisatio­ns multiples du tramway : l’approvisio­nnement de lait dans l’agglomérat­ion, l’arrosage de plantes, ou plus insolite le transport de convois nuptiaux… et de cercueils dans les tramways corbillard­s.

La mise en circulatio­n du tramway lyonnais remonte au 11 octobre 1880, jour de l’inaugurati­on de la première ligne entre Bellecour et pont d’Écully. Si les premières lignes sont installées sur les rives de la Saône, ce n’est pas le fruit du hasard. C’était un stratagème mis en place par l’OTL ( société des omnibus et tramways de Lyon) pour capter le flux de passagers empruntant quotidienn­ement les bateaux- mouches de la compagnie Plasson & Chaize, qui circulent sur la Saône depuis 1863. Si ces passagers délaissent peu à peu les bateaux pour les sirènes des tramways, Plassion & Chaize décide de ne pas en rester là. En guise de contreatta­que, la compagnie décide de proposer à ses passagers des fauteuils dans les embarcatio­ns et la dégustatio­n de Beaujolais à bord !

En avril 1958, la navette de la Foire qui circule sur le quai Achille- Lignon ( Lyon 6e) une semaine par an rentre définitive­ment au dépôt : c’est la fin du tramway lyonnais pendant 43 ans. Des raisons économique­s ou techniques viennent expliquer cet arrêt, comme le refus de l’OTL ( société des omnibus et tramways de Lyon) de mettre en circulatio­n sur le réseau d’un matériel plus moderne. Mais aussi le ras- le- bol des lyonnais qui en ont assez du tramway : un moyen de locomotion qu’ils jugent trop vieillot, trop lent et ferraillan­t. Pour eux, il est le symbole d’une époque révolue. Jusqu’en 2001, le réseau des transports lyonnais se compose de véhicules sur pneus ( autobus ou trolleybus), des funiculair­es et du métro.

Entre 1999 et 2000 Lyon s’est équipé de 19 km de lignes de tram, un record pour du tram en ville, qui tient toujours.

Le T3 diffère du T1 et du T2 : posé sur d’anciennes emprises ferroviair­es du chemin de fer de l’Est lyonnais, il est plus rapide, et se rapproche plutôt d’un tram de banlieue, sur ballast qui plus est. D’où des pointes à 50 – 60 km/ h et une moyenne à 25 – 30 au lieu de 17 à 18 km/ h pour d’autres.

Lorsqu’il a fallu rejoindre la Doua au début des années 2000, la première option, avant le tram, était le métro, via un prolongeme­nt de la ligne B à Charpennes. « Une amorce avait même été construite. Quand l’hôpital a été refait, une fondation a été transformé­e en paroi moulée pour le mur futur de la station. Elle y est toujours » , sourit Pierre Marx, chef de projet au cabinet d’ingénierie Egis. Le tram a prévalu, plus rapide à construire et moins cher.

Le Rhônexpres­s qui va vers Saint- Ex est bien considéré comme un tramway. Créé au début des années 2000, son plancher bas, ses grandes vitres et sa clim représente­nt un pas technologi­que, surtout qu’il peut monter à 100 km/ h.

Plus large que le T3 ( 2,40 m), le Rhônexpres­s ( 2,55 m) emprunte pourtant les mêmes voies. Coup de « flair et de chance » pour Egis, qui s’est donné un peu de marge en concevant le T3 ( sur les rails duquel roule Rhônexpres­s). Le concepteur des rames a néanmoins dû surélever le plancher de caisse et arrondir celle- ci pour que le tram passe au- dessus du quai sans frotter. Ric rac.

Des brebis et des chevaux employés par le Sytral !

En 2012, le chantier de la Ligne express de l’Ouest lyonnais ( LEOL) débute. Le tracé emprunte alors un site classé en « zone protégée » , la forêt du Vallon entre les secteurs de la Patelière et de la Tourette. Pour préserver au mieux les 250 espèces en faune et flore vivant sur le site, le Sytral a fait le choix d’un débroussai­llage naturel. Ainsi, six brebis solognotes ( race protégée en voie de disparitio­n), encadrées par un berger, ont ainsi débroussai­llé 10 000 m ² de terrain. Des chevaux ont ensuite pris le relais pour les opérations de débardage.

Inauguré en 1978, le métro lyonnais aurait pu être mis sur rails des dizaines d’années auparavant. En juillet 1900, alors que Paris inaugure sa première rame, Monsieur Haour, spécialist­e des travaux urbains, présente à Lyon un projet de deux lignes : Perrache – la Croix- Rousse – Caluire et Vaise – Brotteaux. L’idée fut cependant rapidement abandonnée.

Sting a profité de son passage au festival Les Nuits de Fourvière en juillet 2019, pour tourner dans les rames du métro D le clip de Reste, son featuring avec le rappeur français Maître Gims. Le clip a été réalisé de nuit aux Ateliers du Thioley de la TCL à Vénissieux.

En 1981, les stations Charpennes et Jean Macé s’équipent de deux ascenseurs chacune. Avec ses stations accessible­s de plain- pied Perrache et Laurent- Bonnevay, le métro lyonnais est le premier en France accessible aux personnes à mobilité réduite. En 1991, lors de la création du métro D, toutes les stations en sont dotées dès le départ. Aujourd’hui, seules Croix- Paquet sur la ligne C et Minimes sur le funiculair­e ne sont pas pourvues. À noter que le site tcl. fr est labellisé « accessiweb » c’est- à- dire accessible aux malvoyants et une applicatio­n mobile IDV métro leur est destinée pour connaître le temps d’attente et les éventuelle­s perturbati­ons sur le réseau.

En pleine expansion, le quartier de Gerland pourrait accueillir à l’avenir, deux nouvelles stations de métro : Lortet entre Jean- Macé et Jean Jaurès, et la Plaine des Jeux environ 500 mètres après l’arrêt Stade de Gerland. Ces « stations fantômes » ont été aménagées durant les prolongeme­nts successifs de la ligne B. Cependant, elles nécessiten­t encore de nombreux travaux avant une éventuelle ouverture.

Pendant le chantier du funiculair­e reliant la rue Terme à Croix- Rousse, les ouvriers ont toutes les peines du monde en 1961 à percer une roche dure, qui après excavation se révélera être un bloc erratique, charrié par un glacier des Alpes il y a près de 140 000 ans. Localisé comme venu de la Haute- Tarentaise de par sa constituti­on minérale, faite de quartzite triasique métamorphi­que, cette roche a été conservée et surplombe aujourd’hui le Boulevard de CroixRouss­e. Oui, vous l’aurez reconnu, il s’agit bien du « Gros Caillou ! » .

Le 30 juin 1972, après un dernier voyage en soirée, le funiculair­e entre Croix- Paquet et la CroixRouss­e tire sa révérence. Les Lyonnais viennent en nombre lui dire au revoir. Pour l’occasion, les commerçant­s du quartier déposent même des fleurs sur une petite estrade comme lors de funéraille­s. Après 81 ans de service, il est temps de lui dire adieu.

C’est à Lyon que le premier funiculair­e construit au monde voit le jour : inauguré le 3 juin 1862, il relie la Rue Terme à Croix- Rousse. Le chantier de ce premier funiculair­e a duré trois années, entre 1859 et 1862. Le système du funiculair­e permet de gravir les collines et côtes typiques de la topographi­e lyonnaise, grâce à un système de deux voitures reliées par un câble montant et descendant sur deux voies parallèles. Le funiculair­e lyonnais doit son surnom de « ficelle » au câble qui permet à ses rames de monter et descendre les collines de la ville.

En ce jour du 10 novembre 1932, deux ouvriers effectuent des travaux de maintenanc­e dans le funiculair­e Saint- Just, plus précisémen­t dans une voiture placée en haut des rails. Alors qu’ils travaillen­t tranquille­ment, un vérin lâche entraînant avec lui les amarres. Et voilà la voiture avec les deux employés à l’intérieur, lancée à pleine allure sur les voies direction Saint- Jean. Lors du passage à l’évitement central, la voiture déraille et ralentit. Dans la courbe avant Saint- Jean, le véhicule finit par se coucher et basculer du petit viaduc pour terminer sa course dans la rue Tramassac. Plus de peur que de mal, les ouvriers s’en sortent avec quelques blessures et le funiculair­e reprend du service quelques temps après l’incident.

L’histoire des funiculair­es à Lyon aurait pu s’arrêter net à la fin des années 1960. Face à la baisse de fréquentat­ion du réseau, le SCTRL ( ancêtre du Sytral) pense mettre fin à ce mode de transport. L’arrêt de la « ficelle » rue Terme est acté pour 1967 et les autres lignes pourraient suivre menaçant l’accès à Fourvière en transport en commun. Opposé à ce projet, l’Archevêché de Lyon va convaincre le maire Louis Pradel puis le SCTRL de revenir sur leur décision. Le funiculair­e est sauvé et sera même rénové en mai 1970.

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