46 À table. Astra : vertu fédératrice du barbecue
Le barbecue demeure, dans l ’ ima g i n a i re col lec t i f , un ustensile culinaire lié à la consommation de saucisses arrosées de pastis, bière et rosé. Il est en général piloté par un mâle alpha, poilu, spécialiste autodéclaré de la bonne température des braises, de la hauteur de la grille et de blagues à tenir à l’écart d’un congrès féministe. Bref, la pratique du barbecue est un truc du peuple, voilà pourquoi on n’en fait pas une promotion immodérée dans Le Figaro Magazine. Or, c’est mal considérer cette technique de cuisson universelle, née à l’époque des mammouths. On devrait faire plus souvent des barbecues à l’Élysée, car le goût du fumé, la cuisson sans graisse, le saisi minute sont des éléments fédérateurs, pour tous. On ne sait pas si la pratique du barbecue sauvera la nation du communautarisme, en tout cas on a bien aimé l’idée du tout nouveau restaurant Astra d’en faire un élément moteur, notamment à travers un simple filet de boeuf à la fois fondant et évocateur d’un bon feu de cheminée avec pantoufles et labrador.
Show chaud. Le barbecue, placé à l’entrée, assume à la fois la cuisson de viandes et de légumes, et le spectacle vivant. De nombreuses salles de spectacle sont fermées, mais ici on peut voir grésiller sur scène les côtelettes d’agneau dirigeant un ballet de lentilles, raisins secs et oignons caramélisés, le filet de boeuf en duo avec du maïs, de même que la côte du même bovin. Étonnamment, cette adresse est la deuxième du créateur de Laska ( Lyon 1er), un restaurant végétarien ! Que par ailleurs, on recommande : de la cuisine qui cuisine — rien à voir avec de la secte à graines au teint vert. Bel esprit de concorde, donc : chez Astra, passé le boeuf immolé,
il y a toujours un plat végétarien à la carte. Lors de notre premier déjeuner, c’était une polenta et des petits légumes, au deuxième une aubergine fumée. Le style général est plutôt nomade, du poulet façon teriyaki aux arrancini mozzarella basilic en passant par du canard à l’orange. On sent que l’esprit gastronomique a ruisselé tranquillement dans une cuisine toute simple, et aussi dans les desserts, qui bénéficient — ce n’est pas tous les jours dans ce type d’établissement — d’une pâtissière, Sarah ( rhubarbe, crémeux citron, amaretto, meringue). Ainsi que dans la carte des vins de Clément, descendu de la Villa Florentine, et dans la déco, un joli mur de planchettes assemblées façon Kapla dans un esprit japonisant.