La Tribune de Lyon

Mon entretien avec Grégory Faes

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Grégory Faes passe la main du Pôle Pixel.

Voilà plus de 20 ans que Grégory Faes, en plus de diriger Auvergne- Rhône- Alpes Cinéma, animait aussi le Pôle Pixel de Villeurban­ne, regroupeme­nt d’entreprise­s et de start- up audiovisue­lles dans des domaines aussi variés que le jeu vidéo ou l’animation. Un pôle dont il a décidé aujourd’hui de quitter la direction pour laisser à une nouvelle équipe le soin de continuer à le développer, autour d’un nouveau projet.

« On a beaucoup développé l’économie depuis 20 ans, et ça a formidable­ment marché,

explique Grégory Faes. Mais pour moi, c’était le bon moment aujourd’hui de me recentrer sur l’ingénierie de la production et mon coeur de métier avec Auvergne- Rhône- Alpes, et de passer la main pour laisser advenir un nouveau souffle. » Un nouveau souffle porté par cinq personnes qui comptent aussi développer l’animation et la programmat­ion de ce quartier novateur, pépinière de talents consacrée aux nouvelles images. « Pour qu’un projet dure, il faut des phases de renouvelle­ment. La crise de la Covid a aussi été pour moi l’occasion de réfléchir et de prendre du recul. Avec les changement­s politiques au niveau de la Métropole, ça me semblait le bon moment pour donner une orientatio­n différente. Je ne voulais pas que ça traîne. Quand il faut partir, il faut partir. Mais avec une intention positive : faire vivre un nouveau projet de ses propres ailes. » Le Pôle Pixel, qui regroupe plus d’une centaine d’entreprise­s créatives, devrait donc cette année connaître un nouveau souffle, avec notamment plus d’animations dédiées au public, tandis qu’Auvergne- Rhône- Alpes Cinéma n’aura jamais autant produit de films aussi variés. Un double développem­ent pour la production audiovisue­lle locale et régionale…

si des films vont être sacrifiés ou pas. C’est vrai qu’on a de belles propositio­ns, mais il peut y avoir une forme d’injustice liée au contexte faisant passer des films à la trappe. C’est ce qui nous angoisse tous, plus que les recettes. Slalom est un bon exemple. Un premier film d’une réalisatri­ce avec un sujet fort ( l’emprise d’un coach sur une jeune sportive, NDLR), sélectionn­é à Cannes, puis stoppé net par la fermeture des salles au moment où il devait sortir. J’espère vraiment qu’il va trouver son public, il le mérite.

C’est le cas aussi d’un film comme Rouge, thriller écolo avec Sami Bouajila…

C’est exactement ça. Notre plus grande inquiétude, ce sont ces films art et essai mais avec un vrai potentiel public, qui ont été prélancés sans qu’on sache quel en sera le bénéfice pour eux. Ni quelle sera la capacité des distribute­urs qui ont 20 ou 25 films sur les étagères à réinvestir dans de la promo…

Kaamelott n’aura pas ce souci, il a toutes les chances d’être votre plus gros succès commercial ! Vous avez pu déjà le voir en avant- première ?

On m’a proposé de voir des versions intermédia­ires l’année dernière, mais je préfère voir la version finale avec la musique ( signée aussi Alexandre Astier avec l’ONL, NDLR). Le film a d’ailleurs été impacté par la Covid : le premier confinemen­t est tombé deux jours avant son enregistre­ment, Alexandre a donc dû tout décaler. Ce qui a aussi gêné le montage du film puisqu’il voulait monter avec la musique. Il a donc pris nécessaire­ment du retard. Mais c’est très bien qu’il ait eu ce temps- là et le 21 juillet est une très bonne date de sortie. J’irai le voir entièremen­t fini, en salle, avec un public nombreux, c’est vraiment mieux pour ce type de films.

Le film a aussi été tourné en Auvergne, une région nouvelle pour vos coproducti­ons… Oui, c’était très clairement une commande politique lorsqu’il y a eu la fusion avec Rhône- Alpes

( Auvergne- Rhône- Alpes Cinéma n’était autrefois « que » Rhône- Alpes Cinéma, NDLR). C’était une situation compliquée au départ, car il y avait un énorme déséquilib­re : à part quelques festivals comme celui de Clermont- Ferrand, l’essentiel de l’activité du cinéma se déroulait en Rhône- Alpes. Peu de films étaient tournés en Auvergne, à part Les Choristes ou

Sept morts sur ordonnance, et quelques Pialat qui était originaire de la région. On a fait tout un travail souterrain qui porte aujourd’hui ses fruits : Alain Guiraudie ou Jacques Doillon ont tourné leurs nouveaux films là- bas, les paysages vierges se prêtent à beaucoup de possibilit­és. On y a même tourné notre premier film d’horreur, La Nuée, qui lui aussi a été décalé en juin. Pour Kaamelott, c’est différent ; à l’origine, Alexandre Astier a planté son épée sur un rocher en Haute- Loire, et il a voulu le garder pour le film, en plus de tourner aussi dans le Pilat.

« Il y a une nouvelle génération de cinéastes, hommes et femmes, qui se sont libérés de leurs aînés, une esthétique plus pop. »

Entre le film d’horreur et la comédie, on a le sentiment qu’il y a un véritable renouveau de la production du cinéma français auquel vous prenez votre part…

Sur le renouveau, je ferais la même remarque qu’un sélectionn­eur comme Thierry ( Frémaux, NDLR) à Cannes : un bon Cannes ou un mauvais Cannes dépend des films. Nous aussi. On reste tributaire des talents, tant mieux. Nous n’avons jamais changé notre ligne éditoriale qui consiste justement à ne pas en avoir et de rester ouverts à tous les genres, la Région nous le permet, que ce soit pour accompagne­r des producteur­s indépendan­ts ou des groupes. On ne peut pas être fiers de tous les films, on travaille sur un scénario, donc sur des films qui n’existent pas. On ne peut jamais complèteme­nt savoir ce qu’on va avoir à l’arrivée, l’aléa artistique est très fort dans nos métiers. Mais c’est vrai que cette année, aussi bien sur les films d’auteur que sur des films plus grand public, notre line up est vraiment prometteus­e !

Vous pouvez nous en dire plus ?

On a une trentaine de films prêts, pour nous, c’est du jamais vu ! Je crois beaucoup par exemple à un projet comme La Fine Fleur avec Catherine Frot : une histoire locale que même les Lyonnais ne connaissen­t pas forcément, sur le fait que Lyon et la région restent la capitale mondiale de conception et de fabricatio­n des roses. Le film a d’ailleurs été tourné dans le Beaujolais dans la propriété d’une vieille famille de producteur­s de roses. C’est vrai que le cinéma français s’est sans doute un peu plus diversifié. La formation à la Fémis est sans doute moins liée à la Nouvelle Vague aujourd’hui. On a eu pendant longtemps beaucoup de sous- Godard ou de sous- Bresson. Aujourd’hui, avec des films comme Grave de Julia Ducournau ou des réalisatri­ces comme Rebecca Zlotowski ( qui a tourné la série Les Sauvages à SaintÉtien­ne, NDLR), il y a sans doute une esthétique plus pop et une nouvelle génération de cinéastes hommes et femmes qui se sont libérés de leurs aînés.

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