Najat Vallaud- Belkacem, : Laurent Wauquiez l’ancien monde esquisse son retour
DOSSIER RÉALISÉ PAR RODOLPHE KOLLER
Montée en puissance écologiste, Rassemblement national en embuscade, question de la participation… Les élections régionales des 20 et 27 juin pourront être analysées à travers bien des prismes. Et surtout, jamais un scrutin régional n’avait à ce point servi d’antichambre à la présidentielle. Laurent Wauquiez ( LR) et Najat Vallaud- Belkacem ( PS), deux espoirs d’hier freinés dans leur ascension et aux parcours similaires, en ont fait la première marche vers un retour sur le devant de la scène. Tribune de Lyon s’est penché sur « ce match dans le match » en Auvergne- Rhône- Alpes, où pourrait se jouer bien davantage que le devenir de la deuxième région du pays...
Àl’âge où certains achèvent de laisser mûrir leurs convictions pour franchir le pas d’une candidature, et où les plus investis accèdent à un premier mandat, leurs noms étaient déjà énoncés depuis le perron de l’Élysée. Ministres précoces, Laurent Wauquiez avait 32 ans et Najat Vallaud- Belkacem 34 lorsqu’ils ont été nommés porte- parole du gouvernement ; le premier sous Nicolas Sarkozy au sein du gouvernement de François Fillon en 2007 ; la seconde sous François Hollande dans les rangs de l’équipe ministérielle de Jean- Marc Ayrault en 2012. C’était il y a bien longtemps à l’échelle du temps politique ; cela fait carrément une éternité si l’on ajoute le big bang électoral de 2017 et la parenthèse « dystopique » liée à la pandémie de Covid- 19. Grands brûlés de la recomposition politique initiée par l’élection d’Emmanuel Macron, défaits dans les poussières de l’ancien monde s’écroulant aux législatives pour la socialiste, un peu plus tard aux européennes pour le patron des Républicains, tous deux ont vite compris qu’ils allaient d’abord devoir se faire oublier. Et espérer qu’en politique, parfois, la mort ne puisse durer qu’un temps... Les voilà donc quadras de retour sur le devant de la scène, face à face à l’occasion des élections régionales en Auvergne- Rhône- Alpes. Deux talents unanimement reconnus par la classe politique nationale, deux phénomènes de précocité à qui l’on prête des intentions de retour et des ambitions larges, des visées présidentielles même, et surtout deux ambassadeurs de partis historiques à l’aura considérablement flétrie. Deux valeurs refuges pour familles politiques en recomposit ion, pour ne pas en dire en décomposition. Ils n’ont rien en commun, sinon le goût de la revanche, l’ambition du retour au pouvoir.
Laurent Wauquiez a pour lui le costume du sortant. Il se présente après six ans passés aux manettes d’une collectivité de huit millions d’habitants, dotée d’un budget 2021 de 4,8 milliards d’euros, désormais aguerri, au travail, ne cessant de vanter sa gestion de la crise sanitaire et sa rigueur budgétaire. Najat VallaudBelkacem mise elle, au contraire, sur la fraîcheur et la vitalité de ceux qui ont pris du temps et de la distance. Elle joue l’ardoise blanche, revigorée par une immersion de quatre ans au sein de la fameuse société civile, dont elle se réclame sans renier une riche expérience politique. À l’horizon de leur reconquête, se dresse pourtant un point commun : il leur faut faire leurs preuves. À nouveau. Le premier doit se relever d’une violente chute, après avoir vu sa ligne politique droitière désavouée en 2019 à l’occasion des élections européennes, et sa majorité considérablement affaiblie au conseil régional après le départ d’une partie de ses alliés centristes. Une sortie de route payée au prix fort, entraînant sa démission de la présidence des Républicains, dont il avait gravi un à un les échelons. Depuis, il avait déserté la scène nationale et perdu de son influence dans sa famille politique.
La seconde est allée jusqu’à sortir complètement du jeu en 2017, balayée par la lame de fond macroniste lors des élections législatives à Villeurbanne. Ironie de l’histoire, son tombeur d’hier, Bruno Bonnell ( LReM), se présente à nouveau sur sa route à l’occasion de ces élections régionales, mais dans une configuration nettement moins favorable au parti macroniste. Fauchée à l’époque en pleine ascension, qui l’avait conduite jusqu’au ministère de l’Éducation nationale, la voilà aujourd’hui contrainte de refaire ses classes en se soumettant au suffrage universel, intangible juge de paix d’une carrière politique. Elle y songeait depuis quelques mois déjà, rongeait son frein.
« Des prédispositions qu’elle a travaillées » . C’est aux universités d’été du PS à Blois, fin août 2020, qu’elle a finalement pris la décision de revenir. « J’ai fait partie de ceux qui sont allés voir Najat pour lui dire : “On t’attend” » , raconte Yann Crombecque, premier fédéral socialiste dans le Rhône et conseiller régional sortant. Pourtant, l’idée d’une candidature ne s’est pas imposée d’elle- même. « Une défaite, c’est dur, on se pose beaucoup de questions. Je l’ai invitée au Sénat pour en rediscuter, et je lui ai dit que Jean- Paul Bret aussi avait connu une défaite » , relate le sénateur socialiste et adjoint historique au maire de Villeurbanne, Gilbert- Luc Devinaz. Il décrit une Najat Vallaud- Belkacem marquée, rechignant alors à redescendre dans l’arène. Il est vrai que la claque reçue le 18 juin 2017 a laissé des traces, largement battue par Bruno Bonnell au second tour ( 6040). D’autant qu’ « elle n’avait pas surgi au moment
des législatives, rappelle Jean- Paul Bret, maire socialiste de Villeurbanne de 2001 à 2020. Cela faisait trois ou quatre ans qu’elle s’était installée à Villeurbanne pour préparer ces élections, depuis le moment où Pascale Crozon avait indiqué dans un cercle restreint qu’elle ne se représenterait pas » .
Alors conseillère générale implantée à Montchat, en lisière du 3e arrondissement, et adjointe de Gérard Collomb en charge des Grands événements, de la Jeunesse et de la Vie associative, elle se fait un nom à Lyon. Auparavant vice- présidente de Jean- Jack Queyranne en charge de la Culture au conseil régional de Rhône- Alpes à tout juste 26 ans, on lui reconnaît déjà ses capacités de travail : « En commission, j’ai pu admirer la façon dont elle défendait ses dossiers. Si elle est claire dans sa façon de s’exprimer, c’est qu’elle étudie ses dossiers. Elle avait des prédispositions qu’elle a travaillées » , apprécie Gilbert- Luc Devinaz. Aux côtés des ténors Queyranne et Collomb, son envergure croît si bien qu’elle choisit de se présenter à la députation en 2007 et 2012 face à un redoutable concurrent en la personne de Dominique Perben ( UMP). Battue la première fois, elle n’aura pas cherché à prendre une revanche, renonçant à concourir après avoir été appelée au gouvernement après l’élection de François Hollande, dont elle avait été la porte- parole au cours de la campagne présidentielle. Porte- parole du gouvernement puis ministre des Droits des femmes, de la Ville, de la Jeunesse et des Sports, avant d’obtenir l’Éducation nationale, l’Enseignement supérieur et la Recherche, elle traverse l’intégralité du quinquennat et se forge une image et une stature nationales.
En retrait, mais pas en retraite. Mais rien n’empêchera sa défaite à Villeurbanne, pourtant imprenable bastion socialiste, face à Bruno Bonnell. Responsable
Nouveau Rhône à la fédération PS et impliquée dans sa campagne aux législatives de 2017, Christiane Constant relativise : « C’est la vague macroniste qui l’a emporté plutôt que son adversaire. De fortes personnalités ont perdu face à cette vague. » Gilbert- Luc Devinaz se montre également clément : « La défaite était dure dans la mesure où elle a fait une campagne très honnête vis- à- vis du PS alors que certains essayaient de la “macroniser”. Elle a fait campagne contre une vague, ce qui a fait que Bruno Bonnell a été élu. Mais depuis 2017, je l’ai plus souvent vue à Villeurbanne que lui » , pique- t- il.
Ensuite ? Une cure d’austérité médiatique et un retrait de la vie politique. Il faut dire qu’à Lyon, le Parti socialiste n’existe plus vraiment au lendemain de l’accession d’Emmanuel Macron au pouvoir, l’essentiel de ses forces vives et élus ayant franchi le Rubicon dans le sillage du premier des marcheurs, Gérard Collomb. Celui- là même qui l’avait prise sous son aile reproche à présent à NVB d’avoir fait campagne trop à gauche en soutenant Benoît Hamon. Directrice d’une collection d’essais chez Fayard « consacrée aux batailles culturelles du progressisme » , responsable des études internationales chez l’institut de sondage Ipsos, et enfin directrice France de l’ONG ONE « de lutte contre l’extrême pauvreté et les maladies évitables » , elle se retrouve éloignée du combat partisan mais pas de la politique. « Dans les expériences qui ont été les miennes ces dernières années, je pense que je suis bien plus consciente que par le passé du rôle politique que peuvent jouer des cercles et des lieux qui ne se déclarent pas comme politiques a priori : les entreprises, les ONG, les associations..., explique- telle. Tous ces gens qui à un moment donné ont conscience qu’on ne peut pas être dans un rapport individualiste aux choses et qu’il faut penser collectif, en fait c’est de la
politique. » 2017, c’est aussi l’année du croisement des courbes. Alors qu’elle connaît l’échec dans les urnes, Laurent Wauquiez s’impose chez Les Républicains dont il devient président.
« Au début, elle n’était pas forcément partante » . « Elle a arrêté d’être ministre relativement jeune, elle avait tout eu, elle avait besoin de se ressourcer, de réfléchir » , souligne Gilbert- Luc Devinaz. « Même si elle n’était plus au premier plan ces derniers temps, elle n’était pas absente. Elle venait réfléchir avec nous » , ajoute Yann Crombecque. « Elle est revenue quelques fois, ça se compte sur les doigts d’une main, tempère Jean- Paul Bret. Boris Vallaud ( son compagnon, porte- parole du groupe socialiste à l’Assemblée nationale, NDLR) est venu à plusieurs reprises à Villeurbanne pour des réunions publiques, c’était l’occasion de l’avoir à dîner. » Bien connue des militants villeurbannais avec qui elle cultivait une certaine proximité jusqu’en 2017, elle a laissé le lien se distendre même si elle a évidemment conservé la sympathie des socialistes locaux. Les élections régionales approchant, son nom est plus régulièrement cité dans la presse, ses prises de parole se multiplient. « Au début, elle n’était pas forcément partante pour revenir dans le jeu politique, se souvient pourtant Gilbert- Luc Devinaz. Les camarades socialistes lui ont fait comprendre que ça serait une très bonne candidate. Un élan s’est mis en place, notamment auprès des camarades plus jeunes. Il y a eu un vote, pas de candidat en face, et c’est dommage car ça aurait encore amplifié ce choix. » « Ça aurait pu être Jean- François Debat, le maire de Clermont- Ferrand…, glisse Jean- Paul Bret. Mais ça s’est fait consensuellement, elle est rassembleuse, pas clivante. Najat Vallaud- Belkacem a été ministre de l’Éducation nationale, c’est une femme, elle a été assez présente dans les débats télévisés, elle a un statut de “star”, elle est connue. Quand j’ai fait campagne avec elle, les gens la sollicitaient. Mais il ne faut pas confondre notoriété et élections. » Christiane Constant s’étonne encore de cette réunion en visio organisée une fois le retour de NVB officialisé : « Nous étions 100 à 200 personnes, j’étais étonnée de la joie de tout le monde de revoir Najat. Rassembler autant de monde pour lui dire que nous ne l’avions pas oubliée, elle en a été stupéfaite. Il y a tout de suite eu un engouement et un soutien. Dire qu’elle fait l’unanimité serait présomptueux, mais de plus en plus de monde s’engage, est enchanté de faire campagne. Pour une socialiste historique comme moi, c’est étonnant » , remarque- t- elle. L’enjeu est crucial pour la socialiste qui, si elle ne dépassait pas les 10 % ou finissait trop loin derrière les Verts au premier tour, pourrait compromettre dès juin ses espoirs de reconquête. Et puis notoriété ne veut pas dire image... NVB garde en effet de ses passages au ministère une image contrastée, un socle non disparu d’inimitiés et un concert persistant d’attaques à droite. À l’époque, elle était même devenue la cible préférée de La Manif pour tous qui avait ferraillé contre son projet de l’ABCD de l’égalité, expérimentation contre les stéréotypes de genre à l’école. « Pour nous, c’est la candidate parfaite » , apprécie même l’entourage de Laurent Wauquiez dans lequel, en effet,
le mouvement politique construit autour de l’opposition au mariage pour tous compte de nombreux et actifs représentants.
Tuer le père. Laurent Wauquiez n’avait pourtant pas débuté son parcours politique sous de tels auspices. Loin de là. C’est au côté du centriste Jacques Barrot, maire d’Yssingeaux et président du conseil général de Haute- Loire, maintes fois ministre et député, que l’actuel président du conseil régional a découvert la politique. Sorti major de l’agrégation d’histoire à Normale Sup, major de sa promotion à l’ÉNA — où sa rivale échouera à entrer —, c’est en Auvergne qu’il décroche son premier mandat dans le sillage de son « père en politique » à l’occasion d’une législative partielle : il n’a alors que 29 ans et devient le benjamin de l’Assemblée. L’ambition est, déjà, chevillée au jeune homme qui rêve d’aller vite. On lui prêtera même, à l’époque, de se teindre les cheveux en gris pour apparaître plus expérimenté dans la meute des jeunes loups sarkozystes, ou de parler délibérément un français imparfait pour se fondre dans le paysage. « Surprenant pour un normalien agrégé d’histoire » , glisse Jean- Paul Bret.
À l’époque, Laurent Wauquiez revendique une filiation idéologique de chrétien démocrate, un centre droit d’inspiration sociale. Au fil de la droitisation du discours de celui qui fut son protégé, Jacques Barrot prendra progressivement ses distances, jusqu’à renier publiquement Laurent Wauquiez à plusieurs reprises, notamment au sujet de ses prises de position eurosceptiques. « J’oppose un désaveu à l’ouvrage Europe : il faut tout changer, publié le mois dernier sous la plume de Laurent Wauquiez, réagit ainsi celui qui siégeait alors au Conseil constitutionnel en 2014 à la parution de l’ouvrage. À travers cet écrit, c’est une charge excessive contre une Europe accusée de tous les maux, de toutes les faiblesses qui nous est livrée. » .
Fils de l’homme politique aujourd’hui disparu et actuel secrétaire général du MoDem, Jean- Noël Barrot ne dira pas autre chose quelques années plus tard : « Je regrette qu’il ait tourné le dos aux valeurs d’ouverture, de tolérance et d’humanité chères à la Haute- Loire, dont il a fait sa terre d’élection. La voie du repli qu’il a choisi d’emprunter me paraît sans issue. » Il faut dire que les deux hommes ont un passif : craignant de voir un encombrant rival se faire un prénom en Haute- Loire, Laurent Wauquiez fera tout pour lui barrer la route dans sa circonscription, comme le relate Fabrice Veysseyre- Redon dans son ouvrage Laurent Wauquiez, L’impétueux paru en 2018. Il faut dire qu’à l’époque, le natif de Lyon prend du galon. À l’élection de Nicolas Sarkozy en 2007, il entre au gouvernement où il navigue de l’Emploi à l’Enseignement supérieur et à la Recherche en passant par les Affaires européennes, après avoir commencé par le porte- parolat du gouvernement, dont il devient le plus jeune représentant. Entre- temps, il décroche en 2008 la mairie du Puy- en- Velay quand sa mère est élue première magistrate du Chambon- sur- Lignon où la famille possède une résidence à l’origine de cet ancrage altiligérien.
Gestion budgétaire rigoureuse. Élu député en 2012, toujours dans la première circonscription de HauteLoire, malgré l’élection de François Hollande à l’Élysée, Laurent Wauquiez prend notamment fait et cause pour La Manif pour tous en opposition à l’ouverture du mariage aux couples de même sexe. Profitant de la fusion des régions portée par ce même François Hollande, Laurent Wauquiez est préféré à Michel Barnier pour tenter de déloger Jean- Jack Queyranne, et s’empare de la nouvelle région Auvergne- Rhône- Alpes après une triangulaire avec le Rassemblement national. « C’était quelqu’un qui permettait d’apporter de la visibilité à cette élection, confie- t- on dans les rangs de la droite lyonnaise. En 2015, nous étions dans l’opposition à François Hollande. Si quelqu’un du fin fond de l’Allier ou de la Haute- Savoie s’était présenté, vous seriez- vous intéressés à l’élection ? » Aujourd’hui, la phrase pourrait être lue à front renversé... la région pourra- t- elle servir de tremplin à Laurent Wauquiez pour regagner des lettres de noblesse à Paris ? Retour des déclarations sur la politique nationale, présence dans la manifestation récente des policiers à Paris... en tout cas, le fil est repris. Laurent Wauquiez sait toutefois que le rebond passe d’abord par une victoire claire en Auvergne- RhôneAlpes, comme pour d’autres potentiels présidentiables engagés dans la bataille — Xavier Bertrand dans les Hauts- de- France ou Valérie Pécresse en Île- de- France. Il a d’ailleurs fait des arguments sur sa gestion la clé de voûte de la campagne. Une défaite et tout espoir de retour serait interdit, un succès sans faste et il serait encore différé. Aussi, le président sortant mise tour sur un bilan forgé par l’activisme sanitaire et la réduction des dépenses.
Depuis le début du mandat, Laurent Wauquiez assène ainsi la rigueur budgétaire, dont l’exécution a été confiée à Étienne Blanc, son premier vice- président aux Finances. « Lorsqu’il fixe une ligne, des objectifs, il ne revient pas dessus, présente le candidat de la droite aux élections municipales à Lyon. Il pense que la gestion budgétaire est cruciale pour la France. Pour lui, la réponse aux grandes questions que se posent les Français, est financière, et il l’a bien compris en 2015 face au constat d’un pays en quasi- faillite. C’est la raison pour laquelle il a fixé ce chiffre rond de 300 millions d’euros d’économies à réaliser chaque année. Nous en avons discuté, mais c’est lui qui l’a arrêté. Il a cette clairvoyance. Il a fait ses calculs et a fixé cet objectif avec certitude. » Au moment de présider sa dernière assemblée plénière début mai, l’objectif
était atteint et même dépassé avec 312 millions d’euros de dépenses de fonctionnement rognées à chaque exercice budgétaire, de 2,1 milliards à 1,8 milliard d’euros. « De l’argent pris dans les poches des pauvres » , cingle en retour la gauche qui l’accuse par exemple d’avoir asséché les budgets de la formation professionnelle.
« Les subventions aux copains, c’est complètement faux » . Lui n’en a cure et présente favorablement une courbe décroissante auquel il dit avoir adjoint une forte hausse des investissements, faisant bondir la capacité d’autofinancement de la Région de 419 à 763 millions d’euros au cours du mandat. « Ce qu’il a dit en gros, c’est que le fonctionnement, ce n’est pas à nous de faire ça. En revanche, on veut bien faire subventionner l’investissement. Ça permet de savoir où va l’argent, ce qui n’est pas le cas du fonctionnement sans un marquage à la culotte » , apprécie- t- on à droite. « Il a repositionné la Région sur ses fondamentaux, une Région qui ne se perd plus dans le saupoudrage, mais qui réinvestit dans de grandes politiques comme la filière hydrogène dont la presse lyonnaise ne parle pas assez d’ailleurs » , appuie Étienne Blanc. Pourtant, Laurent Wauquiez ne s’empêche pas de faire savoir quand il agit, finance ou investit. Récemment, Bruno Bonnell a ainsi ironisé chez nos confrères de Lyon Capitale sur la propension communicante du président sortant. « Il a fait de la région le pays des Schtroumpfs avec des panneaux bleus partout » , attaque le candidat LReM.
On lui reproche également de favoriser les territoires de sa famille politique. Il lui est fait grief régulièrement, jusqu’à tout récemment par Mediapart, de diriger ses investissements notamment sur les communes de Haute- Loire, ainsi que celles détenues par LR. « C’est presque honteux de dire ça » , s’emporte Gilles Gascon, maire LR de Saint- Priest, élu régional jusqu’à sa démission l’été dernier pour satisfaire à la législation sur le cumul des mandats. « Quelques semaines après mon élection en 2014, je rencontre la vice- présidente de la Région à la Culture et elle m’annonce dans un grand sourire qu’elle me retire les 100 000 euros qui nous étaient versés. Je demande pourquoi, et elle me répond que je suis un vilain maire de droite et que la culture appartient à la gauche. Eh bien ! aujourd’hui, je lui dis merci parce que ça nous a permis de booster notre politique culturelle et de doubler notre nombre d’abonnements au théâtre, au conservatoire, etc. Ça, c’est factuel. Par contre, les subventions aux copains, c’est complètement faux » , atteste l’élu. Il n’empêche, Najat Vallaud- Belkacem comme la candidate écologiste Fabienne Grebert lui reprochent sans cesse d’avoir instauré un système à sa main et basé sur la connivence politique.
La sécurité, nouvelle prérogative régionale. L’un des autres marqueurs du mandat de Laurent Wauquiez en Auvergne- Rhône- Alpes aura été la question sécuritaire. « Quand on s’installe en 2015, on a une gauche qui hurle, qui dit que les portiques à l’entrée des lycées, le filtrage, c’est scandaleux. Aujourd’hui, tout le monde est d’accord. La force des convictions, c’est de définir une politique et de s’y tenir. Il aurait pourtant été facile en 2016 de temporiser et d’attendre » , salue Étienne Blanc. Lequel décèle dans la formation d’historien de Laurent Wauquiez une explication : « Il le rappelle très bien, notre société s’est construite depuis, et même avant le
conscience qu’auparavant de la souffrance, du sentiment d’être laissé pour compte d’un nombre incroyable de gens. J’ai notamment traité les questions de grande pauvreté, j’y suis très sensible. Et puis avoir été retirée du débat public a fait de moi aussi une spectatrice de ce qui s’est passé. Je pense que lorsque l’on est dedans au quotidien, on n’a plus suffisamment de recul. Or le débat public est en train de se déliter. Tout nous pousse au séparatisme, honnêtement : regardez les clivages permanents, la violence des débats, les fake news, l’incapacité progressive d’avoir un débat démocratique. Et donc en avoir été spectatrice pendant quatre ans m’a fait nourrir a contrario un désir de concorde extrêmement fort.
Avez- vous toujours le feu sacré, ou cette candidature est- elle une forme de sacerdoce ?
À la fois je sais très bien quelle est la difficulté de cette campagne — et pas simplement parce qu’il y a une prime au sortant évidente, mais aussi parce que les conditions sanitaires font qu’il est difficile de s’adresser aux gens —, et à la fois je connais l’impérieuse nécessité de la mener. Je ne le fais pas pour répondre à l’appel de mes amis, pas du tout. Je le fais parce que j’estime qu’on est à un moment absolument charnière pour notre vie démocratique. Soit on laisse finalement la communication à outrance, les mensonges, le déni des responsabilités l’emporter, et le débat public ne tourner qu’autour du clivage inutile, improductif ; soit on démontre qu’il y a un autre projet politique qui est possible, on se bat pour l’installer déjà dans les esprits, et si possible aux responsabilités.
Quand on a des convictions dont on est sûr, quand on a une expérience, on doit les mettre au service de ce combat. Qui réclame bien sûr une mobilisation totale, du courage à n’en pas douter. Sinon quand est- ce pertinent de le faire ?
Votre âge, votre parcours ministériel, votre candidature à cette élection : vous avez des points communs avec Laurent Wauquiez.
On pourrait avoir l’impression comme ça, mais en regardant un peu plus en détail, on est l’exact contraire l’un de l’autre. Laurent Wauquiez est un héritier à qui la République a financé des études pendant des années et des années, mais qui aujourd’hui refuse d’investir dans les lycées, donc dans l’éducation publique. C’est quelqu’un qui a une vision des responsabilités politiques et publiques qui est essentiellement tournée autour de sa personne, de son parcours, de sa carrière, de sa valorisation personnelle, ce qui n’est pas du tout mon cas. C’est quelqu’un d’opportuniste là où j’ai le sentiment d’avoir été relativement constante dans mes engagements. Et puis, il a eu une façon d’exercer les responsabilités d’un autre temps. D’où cette incapacité à se confronter à la modernité, à des enjeux comme la transition écologique par exemple. On a bien connu ce temps avec lequel il faudrait rompre : le temps du clientélisme, des « barons » locaux qui imposent l’allégeance, qui font pression voire menacent des élus pour qu’ils signent des tribunes de soutien, des choses comme ça. Est- ce que ça me ressemble ?