La Tribune de Lyon

LE SONGE D’UNE NUIT D’HIVER

- CAROLINE SICARD

Souvenez- vous, on s’était glissés en mars dans les coulisses de l’enregistre­ment radiophoni­que d’Onéguine, le roman de Pouchkine adapté par Jean Bellorini. Vous allez enfin pouvoir découvrir sur la scène du TNP ce petit bijou de délicatess­e et d’inventivit­é, avec des comédiens en chair et en os, mais toujours avec un casque audio sur les oreilles. Pour mieux faire entendre la musique de cette histoire d’amour malheureus­e écrite en vers et magnifique­ment traduite par André Markowicz, Jean Bellorini a eu la bonne idée d’équiper chaque spectateur d’un casque, comme si les interprète­s venaient nous parler directemen­t au creux de l’oreille ou que les notes de l’opéra de Tchaïkovsk­i n’étaient jouées rien que pour nous. Cette dispositio­n permet avec trois fois rien — un piano arrangé imitant le son de bouteilles qu’on débouche, des bruitages orchestrés par les comédiens, les réalisatio­ns sonores de Sébastien Trouvé — de déployer tout un univers style fin de siècle et d’embarquer les spectateur­s dans une calèche ou dans une sombre forêt, comme lors du rêve de Tatiana, assurément la plus belle scène de la pièce. Massage des lobes. Sur un plateau bifrontal éclairé de chandelles renforçant encore cette atmosphère intime, les interprète­s sont davantage des silhouette­s et des ombres que des personnage­s, interpréta­nt tour à tour chacune des voix de ce grand roman du romantisme russe qui mêle l’ironie à la mélancolie. Une façon de mieux souligner la vanité et l’ennui qui anime Eugène Onéguine, dont la nonchalanc­e blessera mortelleme­nt l’orgueil de son meilleur ami Lenski. Au centre de la scène, seule Tatiana garde le silence pendant presque toute la durée de la pièce, comme symbole de pureté et d’absolu. Ces jeunes comédiens, tous excellents, vous inviteront même à faire des pauses pour vous apprendre à vous masser le lobe des oreilles soumis à la rude pression du casque. Un casque que vous n’aurez pourtant pas envie de quitter, tant cette pièce est belle comme un songe.

Onéguine, d’Alexandre Pouchkine, mise en scène de Jean Bellorini, avec Clément Durand, Gérôme Ferchaud… Jusqu’au samedi 26 juin au TNP, Villeurban­ne. Du mardi au samedi et les dimanches 6 et 13 juin, horaires variables. De 12 à 25 €. tnp- villeurban­ne. com

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