Anthony Hopkins au nom du père
C’est ce que les Anglo- Saxons appellent un vehicle. Un film tout entier construit autour d’une star, en l’occurrence Anthony Hopkins, le seul acteur avec lequel on peut passer 1 h 40 au ralenti dans une chambre sans s’ennuyer. Le personnage a donc le même âge que lui, le même prénom que lui, et le même regard bleu acier pour percer ses interlocuteurs à jour, ou son sourire ravageur qui hésite jusqu’au dernier instant entre la tendresse paternelle et l’appétit carnassier. Bref, Anthony Hopkins pourrait nous lire le bottin qu’il continuerait de nous fasciner. Ici, c’est sa fille qu’il terrorise à petit feu en perdant peu à peu la boule, et c’est l’autre bonne nouvelle du film : il n’y a pas plus bouleversant que les réactions humaines, trop humaines, d’Olivia Colman, désemparée par l’attitude à adopter devant un tel monstre d’imprévisibilité.
Si la première heure, très Madame Figaro, s’applique un peu trop à exposer les enjeux de la dépendance jusqu’au recrutement sadique d’une aide à domicile, pour son premier film, Florian Zeller a au moins le mérite de ne pas céder à la facilité réaliste. Dans sa deuxième partie, le film bascule progressivement dans la tête d’Anthony pour mieux traduire ses pertes de repère, jouant avec intelligence du huis clos et de ses divagations ( on vous laisse découvrir comment), sans jamais se départir de sa tendresse pour lui. Après avoir adapté sa propre pièce initialement écrite pour Robert Hirsch avant sa mort, Florian Zeller va entamer le tournage du Fils, sa pièce suivante, toujours en anglais et toujours avec des stars bankables ( le père sera cette fois joué par Hugh Jackman). Qui sait, il finira peut- être un jour par transposer toute sa famille de scène de l’autre côté de l’Atlantique…