Ma rencontre avec Isabelle Huault
C’est dans son bureau à Écully, qu’elle s’impatiente de quitter pour Gerland, qu’Isabelle Huault reçoit encore ses visiteurs. Pour la nouvelle présidente du directoire d’emlyon, ce déménagement est une aubaine symbolique, manière de prouver que l’institution fondée en 1872 par la CCI de Lyon tient encore son rang parmi les grandes écoles françaises et qu’elle est prête à prendre un nouveau départ. Loin des tempêtes qui ont agité sa direction et entamé son crédit ces dernières années après l’ouverture du capital à un fonds privé, Qualium, le campus de Gerland doit incarner la volonté d’Isabelle Huault de redonner tout son lustre à la business school lyonnaise. Sur 30 000 m2 et des installations ultra- modernes, dont la première pierre a été posée le mardi 5 octobre, « le futur campus de Gerland incarne le projet scientifique et pédagogique d’emlyon : excellence académique, hybridation des savoirs, responsabilité sociale et environnementale, et internationalisation en réseau » , explique- t- elle.
L’autre argument du renouveau tient au CV d’Isabelle Huault, ancienne d’emlyon et native de la capitale des Gaules, chercheuse spécialisée dans la théorie des organisations, auparavant présidente de la prestigieuse université ParisDauphine. « Mon parcours, celui d’une universitaire très attachée à la qualité académique, montre qu’on ne veut surtout pas aller vers le moinsdisant » , défend- elle.
Dès son arrivée il y a tout juste un an, elle a ainsi mis sur pied un plan de relance, baptisé Confluences, aux objectifs très ambitieux : 50 % d’étudiants supplémentaires, 30 % de boursiers, de nouveaux campus en Inde et en Amérique du Sud, et des rapprochements avec d’autres écoles françaises. Le tout pour repositionner l’école parmi celles qui comptent et assurent les meilleurs débouchés à ses élèves. Emlyon est également devenue en juillet dernier une société à mission, autre façon de contrecarrer la mauvaise image qui semblait s’installer depuis l’arrivée du fonds Qualium. Pour Isabelle Huault, pas de doute, la trajectoire d’emlyon est « à nouveau vertueuse » .
le rang de l’école dans les classements internationaux et sa marque —, et intègre un accord de la CCI sur l’identité d’un repreneur potentiel. En termes de participation au capital, la CCI représente encore 60 %. La gouvernance est saine, apaisée, et les crises sont derrière nous. Emlyon est société à mission depuis juillet, affirmation d’objectifs sociaux et environnementaux ambitieux.
Depuis votre arrivée, les choses vont mieux donc ?
Je suis arrivée le 1er septembre 2020 en provenance de l’université Paris Dauphine- PSL, que je présidais. Je suis une ancienne diplômée de l’école. Mon parcours, celui d’une universitaire attachée à la qualité académique, à la formation et à la recherche, souligne qu’emlyon ne souhaite pas aller vers le moins- disant pédagogique et la baisse des ambitions scientifiques. Bien au contraire, nous sommes sur une trajectoire vertueuse qui place l’excellence académique au coeur de nos actions.
Où se situe emlyon aujourd’hui dans la féroce compétition des écoles de commerce ?
Nous sommes dans le Top 5 des meilleures business schools en France. Dans les classements internationaux, tels que le Times Higher Education ou le classement de Shanghai, nous apparaissons respectivement à la deuxième place des écoles françaises pour l’employabilité et l’insertion professionnelle, et dans le Top 3 France pour la recherche en management. Le classement QS 2021 nous situe à la quatrième place des écoles françaises de management. La progression dans les compétitions internationales est à cet égard incontestable. Notre ambition est de devenir l’une de 15 meilleures business universities en Europe d’ici 2025.
Comment est aujourd’hui structurée l’école entre vos différents pôles, campus et formations ?
Nous avons 8 600 étudiantes et étudiants sur nos sept campus à Paris, Écully, Saint- Étienne, Casablanca, Shanghai, Bhubaneswar dans le sud de l’Inde et Mumbai. Pour la formation initiale, notre programme phare est le master en management « Programme Grande École » . Nous proposons aussi un bachelor of business administration ( Globale BBA) post- bac, des masters spécialisés, des masters of sciences, dans le luxe ou la finance par exemple, et un PhD, c’est- à- dire une formation doctorale du meilleur niveau. En termes de formation continue, les managers et dirigeants d’entreprise peuvent suivre l’International ou l’Executive MBA, mais aussi l’Executive Master Management General online, 100 % en ligne.
Vous lancez le plan Confluences 2025 pour le développement de l’école. Avec quels objectifs ? L’école va continuer de s’appuyer sur ses fondamentaux et déployer trois grands axes stratégiques : l’engagement social et environnemental, l’hybridation des savoirs et l’internationalisation en réseau. À la rentrée de septembre, nous avons accueilli 20 nouveaux professeurs- chercheurs, et nous comptons désormais 170 membres dans la Faculté, avec pour ambition d’atteindre les 200 en 2025. L’objectif est de passer de 8 600 à 12 000 étudiantes et étudiants en 2025 grâce au développement de partenariats et de programmes innovants. Cette croissance passe également par le dynamisme de notre stratégie de campus internationaux. Après l’ouverture de celui de Mumbai, nous réfléchissons par exemple à l’implantation d’un autre en Amérique latine. Notre chiffre d’affaires est de 125 millions aujourd’hui, nous projetons d’atteindre 165 millions en 2025.
Comment ouvrir socialement l’école alors que les frais de scolarité sont élevés ?
C’est un des enjeux du plan Confluences 2025. Je souhaite mettre l’engagement social et responsable au coeur des projets de l’école. Il est impensable qu’un bon lycéen, parce que ses parents n’en ont pas les moyens, s’autocensure, n’entre pas en prépa et s’interdise de passer les concours pour entrer dans notre école. Intégrer une business school a un coût, tout comme l’excellence académique, mais il nous faut définir un système de bourses, de financement, qui permette à des lycéens de familles modestes, s’ils en ont les compétences, de rejoindre l’école. Nous avons aujourd’hui 16 % d’étudiants boursiers, et espérons atteindre 30 % en 2025.
Combien coûtent les formations ?
Le Global BBA représente un investissement de 11 500 euros par an sur quatre ans ; et le « Programme Grande École » ( PGE), 15 900 euros sur trois ans pour les élèves des classes préparatoires. Il est prévu de stabiliser ces frais de scolarité, qui sont alignés avec ceux des grandes écoles de notre rang. Nous réfléchissons à des facilités de paiement et à des dispositifs pour les étudiants boursiers. Par exemple, l’école se porte caution sur les emprunts et a développé son propre Centre de formation d’apprentis. Nous concentrons aussi nos efforts sur l’employabilité et visons à favoriser la meilleure insertion possible des diplômés sur le marché de l’emploi. La marque emlyon leur garantit de bons niveaux de salaires dès leur premier emploi. »
« Il ne faut pas qu’un bon lycéen, parce que ses parents n’ont pas d’argent, s’empêche de faire une prépa et de venir à l’école. »