La Tribune de Lyon

Mon déjeuner avec Fanny Dubot

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Les projecteur­s éclairent presque chaque jour désormais le 7e arrondisse­ment de Lyon. Du moins La Guillotièr­e où, quelques jours après ce déjeuner dans l’élégant et nouveau restaurant Bergamote rue de Gerland, la chaîne CNews débarquait avec ses caméras et gros sabots, le député RN Jordan Bardella et la ferme envie de pousser loin la caricature et le symbole d’un lieu en absolue perdition. Voilà donc Fanny Dubot maire d’un arrondisse­ment qui abriterait le pire quartier de France…

Entre deux gorgées de thé, la jeune élue écologiste en serait presque à s’étrangler. Après avoir imaginé changer la donne et le climat, elle doit ferrailler chaque jour avec le quotidien d’un quartier historique où l’exaspérati­on légitime des riverains le dispute à l’exploitati­on exagérée de certaines forces politiques et aux combats contre la gentrifica­tion. Une somme… Débats et manifs, vendeurs à la sauvette, violences et incivilité­s ont envahi son mandat.

Fanny Dubot elle- même s’y est déjà retrouvée piégée, lorsqu’on lui fit dire qu’elle changeait de trottoir le soir ou qu’elle voulait régularise­r le marché sauvage place Gabriel- Péri.

« Propos sortis de leur contexte » , se défend- elle. Elle maintient ainsi son cap et celui de Grégory Doucet : « La présence policière est importante, mais elle ne suffit pas. Il faut s’attaquer aux probématiq­ues sociales et urbanistiq­ues de la place. Cela prend du temps, c’est un travail en profondeur. »

Bergamote

Aussi, en 500 jours de mandat, ses concitoyen­s ont sonné plus souvent à sa porte pour des poubelles mal ramassées que pour le climat menacé. « Il ne faut pas perdre de vue l’objectif global » , en déduit- elle, et il faut

« être présent sur le quotidien oui, mais travailler à long terme pour adapter la ville au changement climatique, réduire les pollutions » . En somme, le coin de la rue et le bout du monde dans le même regard...

Et dans le 7e arrondisse­ment, le plus dynamique de Lyon où se côtoient nouveaux bureaux et vestiges industriel­s, quartiers populaires et immeubles de verre, un port et peut- être bientôt un téléphériq­ue… il y a de quoi observer. « Et agir ! » , promet- elle.

1989

Naissance à Mende.

2007

Premier engagement chez les Verts.

2008

Arrivée à Lyon.

2013

Diplômée de Sciences Po Lyon.

2020

Élue maire du 7e arrondisse­ment de Lyon.

Ces problèmes ont trouvé un écho nouveau avec les annonces des fermetures anticipées de Casino ou de McDo.

En avez- vous conscience ?

Ça corrobore ce que je disais. À partir d’une certaine heure, il y a tellement de monde massé sur place que les clients ne peuvent plus rentrer. Donc, les enseignes choisisent d’ouvrir le reste de la journée.

Elles évoquent surtout des problèmes de sécurité...

Oui, bien sûr, il y a déjà eu des incidents dans ces magasins. Mais je considère que ce n’est pas une fatalité. La Mairie, dès le début du mandat, a souhaité s’attaquer aux problémati­ques de la place Gabriel- Péri. Aucune autre municipali­té ne s’y était penchée comme on le fait, on a recruté une directrice de projets, mis un certain nombre de personnes autour de la table.

Pourtant, dans certains médias,

La Guillotièr­e est presque décrite comme le pire quartier de France.

Cette image vous inquiète- t- elle ?

On a un problème politique certes, mais il est traité. Le maire, dès le début de son mandat, en a fait une absolue priorité. Mais est- ce que faire des déclaratio­ns tous les jours n’alimentera­it pas encore plus cette caricature ? On préfère travailler de manière sereine. Des premières actions vont être mises en place. On ne va pas réagir à chaque fait- divers.

Les riverains s’impatiente­nt pourtant.

Que leur répondez- vous ?

En tant que maire d’arrondisse­ment, on est comme les riverains, on a toujours l’impression que cela n’avance pas assez vite. Mais de l’intérieur, je vois tous les freins et la complexité de ce dossier. Évidemment qu’il y a des questions de sécurité, de présence et de stratégie policières ; mais derrière, il y a aussi les questions de justice, des déchets et de la propreté, et de la stratégie commercial­e. L’enjeu, c’est de coordonner toutes ces actions pour produire un effet. Il y a aussi un sujet sur la gentrifica­tion du quartier, il faut que les classes populaires puissent continuer à y vivre.

Les demandes se concentren­t sur la présence policière avant tout...

Il y a des discussion­s en cours et permanente­s entre les polices municipale et nationale. La police municipale est là deux fois par jour. Mais ça ne suffira pas. Il faut amener d’autres politiques et notamment des politiques sociales. Il y a des délinquant­s qui doivent être traités par les services de police et de justice. Mais il y a aussi des gens qui sont en situation de grande misère sociale, à qui il faudrait pouvoir proposer un parcours d’insertion, un autre avenir que de traîner place du Pont. Pour les mineurs isolés, il faut des médiateurs qui les prennent en charge. Et aussi mettre en place des outils de politique de la ville pour animer la place.

Pensez- vous pouvoir régler ce dossier dans le mandat ?

Non, ce ne sera pas réglé avant la fin du mandat, mais j’espère qu’on aura contribué à améliorer la situation, à apaiser les choses et à développer le travail public par public, les aménagemen­ts, la stratégie policière.

L’autre dossier d’actualité dans votre arrondisse­ment concerne la transforma­tion des usines Fagor- Brandt en dépôt de tramways et la fin des activités culturelle­s. Un regret ? C’est vrai qu’on avait pu dire autre chose pendant la campagne. Mais le sol est très pollué ici, donc on ne peut pas y prévoir n’importe quelle activité. Ce qui a été fait auparavant par le secteur culturel était très bien pour le quartier, mais toute occupation temporaire a une fin. On est toutefois en discussion pour voir ce qu’on peut continuer à faire en parallèle sur le site, du productif et de l’artisanat.

Vous êtes également concernée par le projet de téléphériq­ue. Vous y êtes favorable ?

En effet, trois fuseaux sur quatre arrivent dans le 7e, deux vers le stade de Gerland et un près de la place Jean- Jaurès, dans le quartier des Girondins. Je n’ai pas encore de préférence sur les fuseaux, on est loin d’aboutir. La concertati­on traite d’abord de l’opportunit­é du projet. À Gerland, on survole moins d’habitation­s ; place Jean- Jaurès, l’accessibil­ité est plus complexe, mais offre un nouveau mode de transport en coeur de ville. Je trouve en tout cas que c’est une bonne solution à explorer, déjà utilisée ailleurs en France et dans le monde.

Votre arrondisse­ment est l’un des plus dynamiques, l’un de ceux où on construit le plus. Comment l’appréhende­z- vous ?

À côté de ces projets, on veut aussi conserver l’esprit industriel du 7e, garder des poches d’activités productive­s ; on a des rails, une gare, un port, et un centre de logistique urbaine va être construit. On doit concilier histoire et présent, installati­on de nouveaux arrivants à un rythme soutenu et préservati­on du passé ouvrier. On porte par exemple une attention particuliè­re à la Cité Jardin. La ville, propriétai­re, n’avait pas fait son travail de bailleur pour réhabilite­r ce lieu ; enclencher sa réhabilita­tion et faire en sorte qu’un projet social s’y épanouisse sera une priorité. »

 ?? ?? 125 rue de Gerland 69003 Lyon
— Notre repas —
Un poisson du jour, truite. Une viande du jour, boeuf. Un thé glacé et deuxverres de vin. Deux cafés.
— L’addition —
53,70 €
125 rue de Gerland 69003 Lyon — Notre repas — Un poisson du jour, truite. Une viande du jour, boeuf. Un thé glacé et deuxverres de vin. Deux cafés. — L’addition — 53,70 €
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