La Tribune de Lyon

Mon entretien avec Michel Vergnaud

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Mis dans la confidence – avec d’autres rédactions lyonnaises – de l’autodissol­ution de Canol au cours d’une assemblée générale extraordin­aire convoquée le 11 janvier, nous rencontron­s le vice- président et cofondateu­r de l’associatio­n, Michel Vergnaud, entre Noël et Nouvel An. Le rendez- vous est donné au Grand Réfectoire, dans le cadre feutré d’une superbe salle voûtée de l’Hôtel- Dieu. Mais des gambas et Saint- Jacques, nous ne verrons pas la couleur. L’évolution de la durée de validité des passes sanitaires vient en effet bouleverse­r nos plans, laissant notre convive à la porte. C’est finalement à la rédaction toute proche que nous nous replions autour d’un verre d’eau : nous voilà punis pour nos excès des fêtes ! Au moment d’ouvrir le grand livre de Canol, notre interlocut­eur liste les dossiers emblématiq­ues auxquels s’est frottée l’associatio­n : taxe d’enlèvement des ordures ménagères, Grand prix de tennis de Lyon, places de match achetées à l’OL, temps de travail dans les collectivi­tés. Au total « entre 55 et 70 actions en justice, mais toutes n’ont pas abouti » . Un travail titanesque fourni par une vingtaine de bénévoles, ce qui désole Michel Vergnaud. « Nous avons 1 000 ou 1 200 adhérents à jour de cotisation. En ajoutant les gens qui suivent Canol sur Facebook et Twitter, et les informatio­ns partagées avec leurs amis, il y a plus de 10 000 personnes qui reçoivent nos communiqué­s tous les deux mois. Mais le travail que l’on fait est fonction du nombre de bénévoles, pas du nombre d’adhérents. » Faut- il au moins espérer une éclaircie avec les exécutifs écologiste­s élus, notamment sur les promesses de démocratie participat­ive et de transparen­ce ?

« Il y a toujours un souhait d’améliorati­on au départ, et puis finalement, il y a des courriers auxquels on ne nous a jamais répondu. On a vu deux fois le vice- président aux Finances, monsieur Bertrand Artigny, mais ce n’est pas lui qui décide, c’est l’administra­tion qui est compétente. »

1999

Naissance de Canol ( à l’époque Contribuab­les associés du NordOuest lyonnais).

2001

Première action en justice contre le Départemen­t du Rhône.

2011

Première annulation du taux de la taxe d’enlèvement des déchets de la Métropole.

2013

Canol fait annuler la vente de 32 hectares de terrain pour le grand stade de l’OL.

11.01.2022

Autodissol­ution prévue de l’associatio­n.

uniquement en fonction des recettes à dispositio­n. Et les recettes ne venaient pas de la richesse de la population, mais c’était uniquement de la richesse économique. Les communes qui avaient beaucoup de taxe profession­nelle dépensaien­t beaucoup, les communes qui en avaient peu ou pas serraient les boulons ; et pourtant, on n’était pas forcément mieux loti dans celles qui dépensaien­t le plus !

Vous attendiez- vous à prendre cette ampleur ? La plupart des associatio­ns de contribuab­les ou de cadre de vie ne dépassent pas les 40 ou 50 membres. Nous, on avait 180 adhérents au bout de la première année. On a été surpris, et on s’est même retrouvé avec plus de 1 000 adhérents au bout de dix ans. On était la plus grosse associatio­n de contribuab­les de France, à part évidemment Contribuab­les associés. Même à Paris, ils ne sont pas aussi nombreux.

Comment l’expliquez- vous ?

On venait combler un manque en apportant des éléments que les citoyens n’avaient pas. Et puis, on a commencé à faire des actions en justice, ce qui a intéressé une partie de la population. La première, c’était en 2001 parce que le Départemen­t du Rhône d’abord, la Ville de Lyon et le Grand Lyon ensuite, ne respectaie­nt pas la loi sur la RTT. Au lieu de faire travailler leur personnel 1 600 heures, au Départemen­t, c’était 1 538.

C’est encore d’actualité !*

C’est inadmissib­le que ce soit encore d’actualité parce qu’en 2001, qui a voté la loi ? Ce sont les députés et les sénateurs, monsieur Collomb, monsieur Mercier, et ils ont été les premiers à ne pas l’appliquer. Et quand on a obtenu gain de cause en première instance, le Départemen­t a modifié ses accords et respecté la loi, mais monsieur Collomb a fait appel. Et là, alors que notre intérêt à agir avait été retenu en première instance, en appel il n’y avait plus d’intérêt à agir pour Canol, les statuts étant considérés comme trop vastes.

Quand vous découvrez une situation que vous jugez anormale, quels sont justement les obstacles auxquels vous vous confrontez ? La première chose étudiée par nos adversaire­s, pour voir s’ils ne peuvent pas trouver quelque chose qui justifiera­it le non- intérêt à agir, ce sont nos statuts. “Contribuab­les du Lyonnais”, ce n’était pas suffisamme­nt précis. On les a donc modifiés, mais pendant trois ou quatre ans, toutes les actions en justice étaient déboutées. La justice administra­tive française, ce n’est pas la justice. Et ça s’est confirmé au fil des années.

Vous constatez une dégradatio­n ?

Oui, car avant, l’illégalité était reconnue. Maintenant, non seulement on se fiche de l’illégalité, mais on nous demande en plus s’il y a un préjudice, c’est- à- dire si cette erreur ou l’illégalité d’une décision a provoqué une augmentati­on de la fiscalité. Or souvent, ce n’est pas le cas : sur des budgets d’un milliard d’euros, ça ne joue pas. Donc Canol n’a pas d’intérêt à agir.

Quel aura été le plus gros combat de Canol ? Pour la taxe d’enlèvement des ordures ménagères, on a calculé que le Grand Lyon avait pris 435 millions d’euros de trop au contribuab­le. Le non- respect de la loi sur la RTT, ça a provoqué l’embauche de plus de 250 personnes, entre le Départemen­t, la Ville de Lyon et le Grand Lyon. Ces 250 personnes, si on compte 50 000 euros en moyenne par an et par personne minimum jusqu’à aujourd’hui, ça fait des centaines de millions d’euros, et tout le monde s’en fout !

Vous avez vraiment le sentiment d’un manque de transparen­ce, de bonne volonté ?

Bien sûr ! Le préfet ne fait rien. Quand on le sollicite, la plupart du temps, il ne répond pas, et quand il répond, il nous dit : “Débrouille­z- vous avec la justice administra­tive.” Quand on s’adresse à la Cada ( Commission d’accès aux documents administra­tifs, NDLR), c’est pareil. La justice administra­tive ne fait pas observer les lois. À l’époque, on avait écrit aux ministres de l’Intérieur et de la Justice pour leur demander de faire respecter la loi, on n’a jamais eu de réponse.

Vous avez quand même connu quelques victoires…

S’agissant de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères, on a obtenu une baisse de 18 % en 2019, et une autre de 4 ou 5 % cette année, et on a obtenu l’applicatio­n d’un taux unique cette année. On avait aussi attaqué le Départemen­t du Rhône qui, chaque année, achetait 800 000 euros de places pour des matchs de l’OL. Au bout de deux ou trois condamnati­ons, ils ont arrêté. Le Grand Lyon louait aussi des tribunes à l’OL et a été contraint d’arrêter après s’être fait condamner. Dans le même ordre d’idée, le Départemen­t du Rhône sponsorisa­it le Grand prix de tennis de Lyon ( GPTL) : à l’époque, on les a fait condamner parce que ça servait surtout à nourrir les amis de monsieur Mercier. À la suite de cette condamnati­on, le GPTL est parti à Montpellie­r. »

* Au 1er janvier, les agents de toutes les collectivi­tés territoria­les devaient passer aux 35 heures.

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