Vertige de l’amour
De Claire Simon
( Fr, 1 h 35), avec Swann Arlaud, Emmanuelle Devos, Christophe Paou, Philippe Minyana… orsqu’il se confie à la journa l i s te de Marie Claire Michèle Manceaux au début des années 1980, Yann Andréa, le dernier compagnon de Marguerite Duras ( il le restera jusqu’à la mort de l’écrivaine en 1996), se dit « ravi et coincé » . On imaginait sa rencontre avec la femme de lettres éthérée, purement contemplative et intellectuelle, entre un admirateur fou, homosexuel déclaré, et son idole de 70 ans. On avait bien tort. Cette restitution filmée de ces entretiens posthumes publiés seulement en 2016 est d’abord une introspection des troubles du désir, hyper possessif et hyper sexué. En esclave
Lde la passion se confiant au micro d’une journaliste, Swann Arlaud est extraordinaire de précision servile. Venue du documentaire, Claire Simon filme aussi l’écoute, restitue le temps de la conversation ( épatante Emmanuelle Devos, attentive et spontanée), et n’oublie jamais de faire du cinéma. Peu à peu, le jeu de la « passion à travers la fiction » se déploie dans la réalité passée des archives ou de scènes reconstituées des années 1980, avec des séquences ahurissantes comme celle où Duras dirige Yann Andréa dans son film en prenant littéralement possession de son corps au cinéma.
Le ravissement de Swann Arlaud. Car il s’agit bien de succomber à une passion destructrice ici. On imagine autant l’extraordinaire jouissance d’être dépossédé de soi- même que l’emprise et la violence psychique qui s’en suivent, dans un mécanisme d’acceptation sans condition du désir de l’autre qui aboutit à une véritable emprise. Lucide, Yann Andréa aura tracé aussi bien le portrait de l’innocence radicale de Duras, assoiffée d’excès et de vie dans une jouissance sans cesse renouvelée, que le glissement progressif vers la soumission à l’amour qu’elle lui porte, jusqu’à l’anéantissement. Impressionnant.