La Tribune de Lyon

Allô ! Vincent, bobo

- LUC HERNANDEZ

Après avoir traqué l’oppression et la colère profession­nelles des employés sans grade dans La Loi du marché et En guerre, Stéphane Brizé retrouve son acteur fétiche, Vincent Lindon, en franchissa­nt le Rubicon cégétiste pour filmer cette fois un cadre bien supérieur ( un million d’euros de patrimoine familial) pris au piège d’un plan social à travers l’extrême perversité des rapports sociaux d’un grand groupe côté à Wall Street ( avec Marie Drucker, en directrice froide et désincarné­e, enfin dans son vrai rôle…). La superbe scène d’ouverture ouvre le cinéma social de Brizé sur un couple en pleine séparation. On croit un instant, par la grâce des larmes de Sandrine Kiberlain, qu’il va trouver un nouveau chemin narratif, avec moins de discours et plus d’intimité.

Marie Drucker contre Sandrine Kiberlain. Las, la piste familiale et la grande Sandrine n’ont droit ici qu’à une portion congrue, et la mécanique très bien huilée, mais toujours assez manichéenn­e et artificiel­le des sempiterne­lles réunions syndicat- direction, ne forme que la face inverse du précédent En Guerre, déjà coscénaris­é par Olivier Gorce. Brizé ne manque pas de savoir- faire, et Lindon reste le grand acteur français qui sait faire passer le plus d’émotions possibles en ayant le moins de choses à incarner. Mais passé un switch final assez lourdingue qu’on taira par charité syndicale, son personnage ne peut pas s’empêcher de jouer les héros aux grandes vertus, refusant de « devenir un homme méprisable » dans une lettre emphatique pas crédible pour un cent de Wall Street : « Là où je pensais qu’il y avait de l’intelligen­ce, il n’y avait que de l’indécence » , prend- il la peine d’écrire à son patron américain… qui doit s’en ficher encore plus que nous.

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