Du bouchon au champignon
omme son nom ne l’indique pas, Le Cèpe est un pur bouchon lyonnais, créé de toutes pièces à Vourles. Seulement, il semble être là depuis le pléistocène grâce à l’impressionnante déco, un cabinet de curiosités essentiellement dédié au cochon, accumulées par Claude Barbet. Cette conquête de l’Ouest par l’esprit bouchon, habituellement lié au centre- ville, est d’autant plus légitime que la famille Barbet a de l’andouillette qui coule dans le sang. La grand- mère, mamie Lulu, était une authentique Mère lyonnaise, bien installée rue Pizay ( Lyon 1er) dans ce mouchoir de poche à gros carreaux qui est
Caujourd’hui Chez Hugon. À Vourles, dont on conseille l’excellent marché de producteurs de fruits, à la cloche ( durée 1 h !, de 18 h 30 à 19 h 30), Claude Barbet nous a un peu fait son Georges Blanc, investissant plusieurs corps de bâtiments, menaçant d’absorber tout cru le village, ce qui ne serait pas un drame, au contraire. Il y a la Maison Barbet, bistrot- brasserie lumineux — où l’on a mangé une des meilleures poitrines de cochon de notre existence, taillée avec son gras et sa couenne ( les Barbet ne sont vraiment pas des végétariens, ils ont aussi des origines argentines, mais c’est une autre histoire) — et aussi épicerie, cave, bar à vin, écailler, avec des barbecues dans la cour le week- end. Mais ce qui nous intéresse ici est le petit dernier de la grande hacienda restauratrice : Le Cèpe.
À peine commandé un crozes du domaine des Sept Chemins ( bien, bien) destiné à couvrir l’apéritif et le repas, tombe du ciel une assiette de larges tranches de saucisson. Bon accueil. On se demandera cependant ce que faisait une mignonne petite sommité de chou- fleur au milieu de toute cette charcuterie. La salade lyonnaise à l’ « oeuf parfait » ( très bien, même si on le préfère mollet ou
poché) est pile assaisonnée, et brille particulièrement par ses beaux croûtons de pain de campagne et des lardons opulents coupés à la bûcheronne. Dans la série des abats panés rituels, on a préféré la tétine de vache bien grillotée avec du beurre, du persil et de l’ail, au tablier de sapeur au manteau un peu trop épais. Rognons, petites rondelles de pommes de terre sautées, andouillette, saucisson chaud, poulet en plat du jour, laissent peu de place aux légumes ( ah, mais si, le petit chou- fleur du début). Et les cèpes ? Il en a déjà dans les sauces et aussi au dessert ( une poire et un biscuit en forme de champignon) et il y en aura par poêlées en saison. Claude Barbet a aussi des accointances avec la Haute- Loire, mais c’est une autre belle histoire.