La Tribune de Lyon

Mon déjeuner avec Isabelle Petiot

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Quand elle a reçu notre invitation à déjeuner, Isabelle Petiot a d’abord été surprise. « Les élus en charge des déchets ne sont pas très souvent médiatisés » , sourit- elle. Pourtant, en ce midi ensoleillé, c’est bien de poubelles que nous allons parler en nous délectant de falafels et de mezze. Un sujet qu’elle veut prendre « à bras le corps même si ce n’est pas forcément le plus glamour » . D’autant plus qu’il touche l’intégralit­é des habitants du territoire. « Les gens sont hyper concernés et très contents quand on s’intéresse à la problémati­que » , assure- t- elle. L’élue a choisi de nous donner rendez- vous à Aklé, un restaurant libanais tout proche de l’hôtel de la Métropole. L’adresse n’a évidemment pas été choisie au hasard : l’équipe à la tête du comptoir a remporté un défi orchestré par l’associatio­n Zéro Déchet. « Et c’est super bon ! » , lance- t- elle, en parcourant la carte.

S’engager pour les génération­s futures. Entrée en politique lors de la vague verte de l’été 2020, Isabelle Petiot fait partie des nouveaux visages de la vie publique lyonnaise. Dans sa vie d’avant, elle a été chargée de mission à la Région Auvergne- Rhône- Alpes et a travaillé à la SNCF. « J’adore le train, c’est magique ! » , confie notre invitée en racontant son voyage à bord du transsibér­ien lors du dessert. « À un moment donné, on se dit qu’on ne peut pas passer son temps à se plaindre, qu’il faut passer à l’action, poursuit- elle.

Là, j’ai eu une opportunit­é inespérée d’agir et de canaliser ce sentiment d’anxiété que l’on peut avoir par rapport au réchauffem­ent climatique, au bouleverse­ment de notre monde. » Enthousias­te, elle enchaîne les idées, veut créer à Lyon des écocentres, un genre de supermarch­é inversé où l’on peut déposer les objets que l’on ne veut plus et repartir en prenant ce qui nous plaît dans les rayonnages. Donner une seconde vie aux objets, repenser notre rapport aux déchets… « C’est un vrai engagement, je le fais pour les génération­s futures, pour mes enfants. »

agriculteu­rs de l’agglomérat­ion. On transforme le déchet en ressource. Avec ce compost, une matière assez incroyable, les agriculteu­rs vont pouvoir se passer d’engrais chimiques. On agit ainsi à plusieurs niveaux. On sait d’ailleurs que les épandages ont aussi un effet sur la qualité de l’air et peuvent contribuer au pic de pollution saisonnier.

Et pour la suite ?

À l’automne 2022, l’expériment­ation va s’étendre à Villeurban­ne et à quelques communes de l’Ouest lyonnais. L’année prochaine, on veut commencer la généralisa­tion avec pour objectif de couvrir les zones urbaines denses de la métropole. L’idée est d’avoir une borne à compost à 150 mètres de chez soi.

Dans la Métropole de Lyon,

30 % des poubelles de tri sont des erreurs. Comment changer la donne ?

30 %, c’est beaucoup trop, même si les autres collectivi­tés sont aussi concernées par ce problème. Le confinemen­t a fait beaucoup de mal car les gens ont confondu la poubelle de tri avec la poubelle de recyclage en y mettant par exemple des vêtements. En centre de tri, on retrouve même des trottinett­es… On est en train de se restructur­er pour faire un grand travail de sensibilis­ation, avec pour objectif de toucher un ménage sur deux à la fin du mandat, notamment à travers du porte- à- porte et des campagnes massives de pédagogie. C’est énorme ! On veut aussi mettre en place un “retour à l’usager” pour que les copropriét­és et les habitants sachent s’ils trient bien ou pas. Et ça, c’est une grosse révolution.

Comment cela va- t- il se traduire concrèteme­nt ? L’idée est que les habitants aient un retour régulier sur la qualité du tri, soit dans leurs boîtes aux lettres, soit en affichage dans leur immeuble. Le marché de collecte de Lyon et des communes alentour est en prestation et arrive à échange fin 2023. Si tout va bien, on aimerait profiter de ce renouvelle­ment pour tester ce système.

Depuis janvier à Villeurban­ne, une vingtaine d’agents ont été assermenté­s pour rechercher et sanctionne­r les infraction­s au règlement encadrant la collecte des déchets ménagers. Quel est l’objectif ?

Cette expériment­ation est une grande première en France. Concrèteme­nt, cela signifie que si on laisse son bac en permanence sur le trottoir ou si on fait mal le tri, on peut être verbalisé. L’idée n’est pas de verbaliser tout de suite mais, dans un premier temps, de rappeler le règlement à la copropriét­é ou aux commerces.

Certaines villes ont mis en place une tarificati­on incitative ( plus on jette, plus on paye). Est- ce une option envisageab­le pour Lyon ?

On a lancé une étude sur ce sujet. Il faut noter que, dans la métropole, nous avons une part très importante d’habitats collectifs. Or, la tarificati­on incitative fonctionne quand l’habitant fait un lien entre sa production de déchets et sa facture. Par ailleurs, la taxe d’enlèvement des ordures ménagères ( TEOM) est calculée en fonction de la valeur locative. On pourrait ajouter une part incitative, mais on perdrait le bénéfice… On part plutôt sur un système incitatif avec le “retour à l’usager” sur sa qualité de tri accompagné de sensibilis­ation et de pédagogie puis d’avertissem­ent et de verbalisat­ion en bout de chaîne.

Votre délégation comprend aussi un volet « propreté » accusé de négligence notamment sur les réseaux sociaux avec le hashtag # saccagelyo­n. Quelle est votre réaction ?

Je trouve tout ça assez triste, car ce n’est pas le reflet de la réalité ni ce que pensent les habitants. Mais cela fait partie des choses que je découvre en tant que jeune élue issue de la société civile : ces attaques, comme le hashtag # saccagelyo­n, sont clairement téléguidée­s. Je le déplore car je ne pense pas que c’est ce que veulent les habitants. C’est une instrument­alisation à mauvais escient.

« Affirmer que Lyon devient “moche”… Non, je ne suis pas d’accord. Lyon est une belle ville. C’est important de le dire. »

Il y a tout de même eu des photos et des vidéos qui pointent certains soucis de propreté…

Oui, et je ne le nie pas du tout. Il y a des quartiers où la situation est plus problémati­que que d’autres. Cela fait partie des sujets que l’on traite au quotidien. À la Guillotièr­e, on a apporté bon nombre d’améliorati­ons au service, en renforçant les agents mobilisés sur place ou encore en mettant en place des silos de tri car on s’est rendu compte que beaucoup de cartons étaient laissés sur la voie publique. Cela n’avait jamais été fait avant. L’outil Toodego. com permet aussi aux habitants de signaler tout problème. C’est vrai qu’il y a des incivilité­s et on doit lutter collective­ment contre. Mais nous avons un service de qualité avec derrière des femmes et des hommes qui travaillen­t pour la propreté de notre métropole et cela, on l’oublie tout le temps. Pour venir déjeuner avec vous, j’ai traversé la rue PaulBert : elle est super propre. Affirmer que Lyon devient “moche”… Non, je ne suis pas d’accord. Lyon est une belle ville. C’est important de le dire. »

 ?? ?? Aklé 85 rue Paul Bert, Lyon 3e.
— Notre repas —
Deux formules midi. Deux verres de côtes- du- rhône. Un expresso et un café allongé.
— L’addition — 51,80 €
Aklé 85 rue Paul Bert, Lyon 3e. — Notre repas — Deux formules midi. Deux verres de côtes- du- rhône. Un expresso et un café allongé. — L’addition — 51,80 €

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