La Tribune de Lyon

À l’école Michel Servet, instits le jour, bénévoles la nuit

- ROMANE VILAIN

e soir- là, Ghislaine est de permanence. L’institutri­ce a apporté un gâteau pour Andria et Alexandre, deux élèves de 6 et 9 ans. « Ils ont quand même meilleure mine ! » , glisse Raphaël Vulliez, instituteu­r à l’école également. Cela fait trois semaines que les deux enfants et leur maman sont hébergés la nuit au sein de l’établissem­ent. Avant, ils dormaient dans une voiture. Cette famille géorgienne, déboutée du droit d’asile comme beaucoup d’autres, n’avait plus de solution. Parents d’élèves et instituteu­rs se sont donc mobilisés pour les aider, à leur habitude. « C’est la troisième fois que l’on occupe l’école de cette manière, on a l’impression que c’est sans fin » , lâche Raphaël. Depuis plusieurs années, de nombreuses familles ont pu être hébergées dans le gymnase. La récurrence de ces situations difficiles s’explique par la proximité avec l’associatio­n de domiciliat­ion Alis, qui de ce fait inscrit les enfants de parents sans domicile dans le groupe scolaire le plus proche. Le comité de soutien a bien conscience que leur action est illégale, mais une certaine tolérance est accordée par la Mairie. Alors, instits le jour, les bénévoles deviennent agents d’accueil la nuit. « On a une permanence, chacun de

Cnous, à tour de rôle, vient passer une nuit auprès de la famille » , explique Raphaël. Le week- end, la famille bénéficie de nuits à l’hôtel. Grâce aux dons, une cagnotte de plus de 3 000 euros a permis de financer les nuitées. Mais, jusqu’à quand cela pourra- t- il durer ? « Ce sont les citoyens qui agissent à la place des pouvoirs publics, ce n’est pas normal » , s’insurge l’instituteu­r, avant de rappeler que beaucoup de droits ne sont pas respectés en France, en particulie­r le droit inconditio­nnel à l’hébergemen­t d’urgence.

Déjeuners revendicat­ifs. Pour tenter d’alerter les autorités et de mobiliser un maximum de personnes, le collectif Jamais Sans Toit, qui défend les droits des personnes à la rue, organise régulièrem­ent des événements. Après un barbecue festif et revendicat­if en mars dernier, les membres du collectif organisero­nt un déjeuner à l’école lors du premier tour de l’élection présidenti­elle, le lieu se transforma­nt en bureau de vote pour l’occasion. « Les élections, c’est de temps en temps, mais les droits de l’enfant, c’est tout le temps ! » , conclut l’instituteu­r engagé.

L’école Michel Servet n’est pas la seule à accueillir des enfants à la rue. Trois autres écoles sont occupées, à Lyon dans les 2e et 8e, et à Villeurban­ne. « Dans la métropole, il y a 97 enfants qui dorment dehors, dont 43 à Lyon » , ne manque pas de souligner Raphaël Vulliez.

 ?? ?? Darjani et ses deux enfants, Alexandre et Andria, entourés de Ghislaine et Raphaël, deux instituteu­rs bénévoles.
Darjani et ses deux enfants, Alexandre et Andria, entourés de Ghislaine et Raphaël, deux instituteu­rs bénévoles.

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